Michel Vaillant est orphelin. Jean Graton (1923-2021)

Vrooooooaaaaar ! Qui, parmi les amoureux du sport automobile, n’a pas lu Michel Vaillant ? Qui même n’a pas essayé de reproduire à sa modeste mesure les bolides et les monoplaces, avec les onomatopées caractéristiques du vrombissement du moteur ou des crissements de pneus ? Votre serviteur en a usé des crayons, à essayer de reproduire des pages entières d’albums, à imaginer ses propres voitures, à inventer ses propres héros. Sur plusieurs générations, et bien au-delà du cercle des amateurs et des passionnés, Michel Vaillant a fait marcher à foison l’imagination des lecteurs et des lectrices jeunes ou moins jeunes. Comme bien d’autres de ses pairs, Alain Prost avait même expliqué que la lecture des albums avaient contribué à faire naître sa vocation de pilote, comme elle suscita sans nul doute celle d’autres dessinateurs et de designers automobiles.

Né à Nantes en 1923, c’est par le biais de son père, commissaire au Club motocycliste nantais et organisateur de courses régionales, que Jean Graton découvre l’univers des sports mécaniques. Après une jeunesse difficile pendant l’Occupation où, son père ayant été fait prisonnier, il doit se démener seul et travailler à l’usine, il est attiré par le monde du dessin et tente l’aventure en 1947, en s’installant à Bruxelles, la capitale mondiale de la bande dessinée. Rapidement, il collabore avec le journal Tintin et se distingue notamment comme illustrateur sportif. En 1953, il signe sa première fiction, qui prend comme cadre le grand prix de Spa-Francorchamps. C’est alors que André Fernez, le rédacteur en chef de Tintin, lui suggère de créer un héros à part entière pilote de course. Jean Graton lui trouve vite un patronyme, Vaillant, synonyme de courage, et s’inspire du fils de son voisin, mordu de moto, qui se prénomme Michel. L’Histoire est en marche. La première aventure paraît en 1957 dans le journal de Tintin puis le premier album, Le Grand défi, sort en 1959. Le succès est immédiat, le Studio Graton prend de l’ampleur.

Jean Graton, pointilleux et soucieux du réalisme, visite les circuits, se documente abondamment, assiste à des grands prix et se lie d’amitié avec des pilotes, dont Jacky Ickx. Il développe ainsi un incroyable univers, mêlant une peinture réaliste du monde du sport automobile tout en y ajoutant des intrigues de polar ou des ressorts scénaristiques dignes d’Hollywood : le héros idéal Michel Vaillant, accompagné de la tête brûlée Steve Warson, le machiavélique Leader, digne d’un grand méchant de James Bond, la dynastie Vaillant dont le patriarche, Henri, fait furieusement penser à une sorte d’Enzo Ferrari français, sans oublier une marque Vaillante, à laquelle il donne une véritable identité visuelle et un catalogue de bolides dignes d’une grande marque sportive. Le style Graton est inimitable, avec cette capacité à représenter la voiture en mouvement et l’action en piste.

Si Jean Graton est indissociablement lié à Vaillant, il fut aussi un grand illustrateur et a lancé la série Les Labourdet, écrite par son épouse Francine, ainsi que la série Julie Wood, une jeune américaine championne de moto, faisant preuve ici d’un certain avant-gardisme thématique. En 1982, il créé sa propre maison d’édition, Graton Editeur, avant de passer progressivement la main à son fils Philippe Graton, qui commence par signer des scenarii dans les années 90, avant d’inaugurer les Dossiers Michel Vaillant et de prendre la relève dans la production de la saga.

Jean Graton avait « raccroché » le crayon en 2004 mais suivait avec intérêt le renouveau de la série entamé par son fils avec la nouvelle saison. Avec sa disparition, qui suit de peu celle d’Albert Uderzo, c’est tout un âge d’or de la BD franco-belge qui fait ses adieux.

Images : wikipedia

(14 commentaires)

  1. VRRRRRRRAAAAAOOOUuuuuummmmmm.!

    Ma jeunesse vient de passer à toute vitesse.

    Merci à M Graton pour ces histoires autour de l’automobile et bien plus.

    1. Comme pour les 1ers tintin nombre de ces histoires aujourd’hui face à la bienpensance aurait droit au procés d’intention.

      C’est un poil misogyne et raciste mais cela fait son charme d’öpoque.

      Y a également 2 autres figures importantes du monde auto/moto qui sont décédés dernièrement : Jürgen Hubbert et Joël Robert

    2. Misogyne carrément, mais faut quand même se rappeler que l’auteur est d’une toute autre génération.
      Pour ma part j’ai toujours préféré les premiers tomes jusqu’aux années 70: après ça tourne en rond.
      Michel Vaillant c’était du journalisme automobile à une époque où la presse n’en parlait pas et où la TV n’existait que dans peu de foyers

  2. Vraiment triste nouvelle!
    Je lui dois totalement ma passion pour le sport automobile et ma vocation de designer automobile.
    Et je suis probablement loin d’être le seul! 🙂

  3. Contrairement a vous tous, ma passion pour l’ automobile est sans rapport avec Michel Vaillant que j’ ai decouvert jeune gosse dans le dessin anime eponyme qui m’ a laisse un peu froid.Par la suite j’ ai decouvert la BD par mon pere qui a achete tous les exemplaires quand ils sont passes en kiosque a prix reduit.
    Certes les bolides etaient bien dessinnes, mais les persos et les intrigues telephonees(avec un final parfois franchement ridicule) avaient l’ epaisseur d’ une feuille de papier a cigarettes. J’ ai jamais pu accroche, et pourtant j’ ai lu tout la collection paternelle.
    Une serie des annees 50-60 qui fondamentalement est quelque peu restee figee a cette epoque.

    1. Je partage assez le point de vue de greg, même si j’ai pris de plaisir enfant à lire certaines de ces aventures. Mais l’aspect technique et design des protos Vaillantes m’intéressait beaucoup (plus que les histoires).

      Mais les photos dans sport-auto sont belles aussi.

    2. Je rejoins Greg. Les intrigues étaient parfois franchement nunuches. Ce n’est pas faire honte à Jean Graton qui par ailleurs avait un talent incroyable pour nous emmener dans l’univers de la compétition automobile (et motocycliste …).

      1. Oui les bolides de Graton étaient bien dessinés, mais me faisaient bien moins fantasmer que ceux de Franquin. Pire encore pour ceux qu’ils inventaient. Le dessin hyper réaliste de Graton rendaient toujours ses Vaillantes un peu fausse, alors que le Franquin avait la grace (raaah la turbotraction !).

    3. @greg : l est notoire que les intrigues étaient enfantines et en cela ces livrés étaient mis dans les mains dès prime enfance.

  4. Michel Vaillant était un peu trop parfait dirons-nous, il manquait un peu d’aspérités contrairement à Steve Warson, l’américain caricatural mais au parcours plus sinueux (je me rappelle du KO pour Steve Warson).

    On évitera pudiquement la purge filmique qui est une insulte à la BD

  5. Aller, encore un … et certains disaient que l’année 2021 ne pouvait pas être aussi pire que l’année 2020 !

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