Liquidation de MA France : Stellantis responsable ?

MA France (Magnetto Automotive) a été placé en liquidation judiciaire hier 13 mai 2024. Ce sous-traitant sis à Aulnay-sous-bois était la dernière usine automobile de Seine-Saint-Denis. Avec sa fermeture, le site d’Aulnay clôt définitivement le chapitre automobile de son histoire.

MA France, ce sont 280 salariés en CDI et 120 à 150 intérimaires qui étaient en grève depuis plusieurs semaines (17 avril 2024), provoquant des ruptures de chaînes chez Stellantis et la mise à l’arrêt de plusieurs lignes de montage. Il faut dire que cette usine d’emboutissage voyait plus de 80% de sa production aller à Stellantis. Et c’est là que porte le point de discorde. En effet, MA France était la propriété du groupe italien CLN Group qui compte près de 10 000 salariés dans le monde dans deux pôles : MA pour le métal à destination de l’automobile, et MW pour tous les aciers.

Pour soutenir son activité et conserver sa rentabilité, MA France avait demandé à son principal client, Stellantis, mais aussi Renault, de relever les prix de 12% au titre de l’inflation. Stellantis ayant refusé cette hausse (ce qu’il avait le droit de faire NDLA), MA France n’a eu d’autre choix que de mettre la clef sous la porte.

Fournisseur de pièces pour les utilitaires Stellantis, MA France paie à la fois la volonté de délocalisation d’une partie de la production des utilitaires en Turquie, mais aussi une reprise interne de l’emboutissage. Toutefois, comme bien souvent, MA France avait un client quasi-exclusif. Quand ce client retire ses commandes pour aller voir ailleurs, l’usine tousse, et ferme. De nombreux ateliers et/ou fonderies automobiles qui faisaient le tissu économique automobile de nos provinces ont disparu comme cela, faute d’avoir anticipé et recherché de nouveaux débouchés.

Est-ce la faute pour autant du client ? Sans doute pas, malgré ce qu’en disent certains syndicats, mais aussi politiques qui estiment que Stellantis aurait dû soutenir ce fournisseur. Et de même en parallèle les millions d’euros de traitement de Carlos Tavares et ces employés qui perdent leur boulot « de la faute de Stellantis ».

Le Tribunal de Commerce de Bobigny a jugé que MA France ne pouvait pas être placé en redressement et a prononcé la liquidation à la « surprise » des salariés. Une délégation de salariés a été reçue par le Procureur de la République, Eric Mathais, pour lui demander de faire appel de la décision du tribunal. Mais pour quelle solution s’il n’y a plus 80% des commandes ?

Aulnay-sous-Bois, 52 ans d’usines automobiles

MA France est héritier de Citroën à Aulnay. Quittant le 15e arrondissement de Paris, Citroën s’installe à Aulnay-sous-Bois en 1972. Le site comporte plusieurs usines et 8 000 salariés sont rapidement employés sur place. Sauf qu’en 1976, Citroën est racheté (sous pression du gouvernement de l’époque) par Peugeot à Michelin. Et forcément, les usines font doublon. Les premiers plans de licenciement tombent au milieu des années 80.

La production va aller bon an mal an, avec les aléas industriels et les délocalisations. PSA décide de vendre son atelier d’emboutissage. Cela deviendra Magnetto Automotive France, alias MA France, filiale de CLN Group. L’usine PSA d’Aulnay de son côté bat des records de productivité et de production annuelle malgré des effectifs qui fondent peu à peu (5000 salariés environ en 2004).

Régulièrement dans le viseur de la direction pour ses conflits ou menaces de conflits syndicaux, Aulnay va être fermée. Officiellement, ce sont les conditions économiques, mais Peugeot a préféré « sacrifier » Aulnay la Citroëniste, à Poissy la Peugeotiste. Avec la liquidation de MA France, Aulnay ferme définitivement une page automobile de 52 ans.

(9 commentaires)

  1. Tavares est un cost killer : le prix de vente de ses voitures suivant la courbe de l’inflation (voire plus) mais il refuse d’appliquer la même règle à ses fournisseurs. C’est comme ça qu’il engrange les bénéfices malgré son absence totale de vision quant aux produits….

  2. C’est le problème des ces entreprises ultra spécialisées et qui n’ont qu’un seul client. Elles ont en permanence une épée de Damoclès au dessus de leur avenir, et si elles n’arrivent pas à se diversifier, le couperet tombe un jour ou l’autre.
    J’ai bossé dans une PME il y a une vingtaine d’année qui travaillait à plus de 50% pour l’automobile. Le patron était conscient du danger potentiel d’être trop dépendant d’un seul secteur industriel, ils ont réussi à se diversifier et cette PME existe toujours.

    1. Je suis d’accord. Mais le raisonnement fonctionne de manière symétrique : j’ai travaillé de longues années pour un donneur d’ordre qui passaient des marchés importants. J’avais pour règle d’écarter les fournisseurs dont le contrat les aurait mis dans une position de dépendance exagérée. En effet, en cas de conflit, la gestion de crise est impossible car toute menace, y compris conforme au contrat, crée le risque de faillite, et donc de rupture d’approvisionnement. Bref, Stellantis a sa part de responsabilité, n’en déplaise aux déclarations de Tavares…

  3. Stellantis a largement augmenté le prix de ses véhicule mais refuse systématiquement de rétribuer à la hausse ses fournisseurs, c’est toute la filière qui en souffre. Pour des véhicules lancés en 2023 (3008 par exemple) les fournisseurs ont été nominés en 2019/2020, sur la base de prix pré-Ukraine, depuis l’inflation est énorme notamment sur les énergies et les matières premières. Lorsque les contrats ne prévoient pas de mécanisme de révision juste Stellantis devrait accepter de discuter autour de ces hausses. Deux raisons à cela:
    Stellantis hausse les prix et en a les moyens.
    Dans le cas contraire le fournisseur va mettre la clé sous la porte ou mettre un terme au livraisons vers stellantis et provoquer des arrets de chaines.
    La position de Tavares est intenable, et dire que cette entreprise a bénéficié de l’argent de l’état Français pour les mesures de chômage partiel etc… LAMENTABLE

  4. Dans les rapports entre Stellantis et ses fournisseurs il ne faut pas oublier d’une part que c’est Stellantis qui impose les prix à l’achat ( des pièces fournies) et à la vente ( Stellantis fournissait l’acier à MA France), et que Stellantis a des arriérés de paiement de ses factures auprès de MA France pour des millions d’euros.
    Donc la responsabilité de Stellantis est établie. Ce n’est pas une vue de l’esprit des syndicats.
    Quant à l’idée les syndicats aient fait capoter un accord elle n’a aucun sens : depuis quand les entreprises demandent la permission aux syndicats d’accorder des indemnités extra légales de licenciement ? L’employeur est seul maître à bord et s’il dispose de l’argent rien ne lui interdit de faire un Plan de Sauvegarde de l’Emploi. S’il ne dispose pas de l’argent cela ne peut être imputé aux syndicats.
    Les employeurs donneurs d’ordre ou sous traitant prennent des décision qu’ils ne veulent pas assumer en public et se retournent contre leurs salariés et les syndicats. Quelle lâcheté !

  5. encore un coup de Carlos Satan Tavares…
    effectivement, PSA a toujours été rude avec ses fournisseurs (en nego a l’achat et en paiement)
    apres, quand une boite depend a 80% d’un client, il est en position extremement faible et va négocier une hausse ou des « avantages » quand tu n’as qu’un interlocuteur qui lui ne cherche qu’à assurer une marge au max.
    c’etait malheureusement perdu d’avance

  6. Attention les syndicats ont raison si un client est majoritaire il est responsable de la fermeture de l entreprise donc du PSE !

    Malheureusement avec la loi macron les indemnités sont plafonné dommage sinon tavares alias mister oursin dans les poches aurait dû faire un gros chequ

  7. Pour ce qui concerne Poissy « la Peugeotiste », elle attend le même sort qu’AULNAY d’ci 4 ans.

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