L’incendie de batteries lithium dans l’Aveyron pose des questions

Samedi 17 février 2024, un incendie s’est déclaré à l’usine de la SNAM (Société nouvelle d’affinage des métaux) à Viviez dans l’Aveyron. Cette commune de 1200 habitants a été confinée en partie et désormais, les pompiers parlent d’un feu « maîtrisé ». Toutefois, il n’est à priori pas encore éteint. Il faut dire que cet entrepôt de la SNAM contenait 900 tonnes de batteries lithium à recycler. C’est sa spécialité. Et les piles lithium ne s’éteignent pas comme des allumettes si elles prennent feu. C’est bien là l’un des principaux problèmes de ces batteries.

Des batteries de mobiles et portables

Ici, l’entrepôt ne contenait pas de batteries d’automobiles électriques (dites « batteries de traction ») mais des batteries de mobiles, de portables et autres petits appareils électroniques. Ces batteries sont souvent plus « instables » que celles utilisées dans les voitures. Cela vient principalement du fait qu’elles sont contraintes en matière de place (pour rester compactes). On se souviendra de l’affaire des smartphone Samsung gonflant, prenant feu, voir explosant en charge à cause d’une batterie qui n’avait pas assez de place dans le téléphone (il y a des phénomènes qui font gonfler légèrement certaines batteries).

Toutefois, cet incendie n’est pas le premier. On a eu un incendie dans un entrepôt de logistique qui stockait des batteries de véhicule électrique lui. Toujours le même scénario : une fois l’incendie déclaré, on ne peut plus rien à faire à par le noyer sous des tonnes d’eau. Et c’est bien un souci. En effet, à Viviez, un nuage épais s’est vite dégagé, avec une odeur immonde. Un périmètre de confinement a été décrété, mais 500 m autour seulement. Les habitants craignent pour leur santé évidemment.

Selon des mesures officielles dans l’air, il n’y a pas de risque sanitaire. La fumée noire et à l’odeur prenante venait principalement du plastique des batteries, mais aussi de la peinture et la charpente du bâtiment en feu. Néanmoins, les métaux et éléments chimiques des batteries se sont retrouvés dans l’air. Faut-il croire les autorités ? Sans doute oui. A défaut de preuve du contraire.

Stocker l’eau d’arrosage

L’autre souci, c’est que ces incendies demandent des mètres cube d’eau. Et cette eau est ensuite contaminée et ne peut être déversée dans la nature. Sur ce site de la SNAM, il semble que les règles étaient respectées avec des réservoirs prévus pour récolter l’eau pour arroser l’incendie. Cela n’empêche pas un écologiste d’assurer que cette eau a été reversée dans un ruisseau qui borde le site. La SNAM dément formellement : « Le confinement des eaux d’extinction a été réalisé dans les bassins du site. Il n’y a pas eu de rejet au milieu naturel ».

Outre l’incendie de ce weekend, se pose forcément une nouvelle fois la dangerosité de l’industrie. Car, s’il s’agit ici de batteries lithium, pour Lubrizol à Rouen en 2019 par exemple, c’était de banals produits chimiques utilisés comme additifs dans les lubrifiants. Et à AZF (AZote Fertilisants) à Toulouse, c’était de l’engrais. Plus généralement, tout entrepôt, toute usine est susceptible de subir un incendie avec des dégagements toxiques et/ou des explosions dangereuses.

D’ailleurs, cela arrive bien plus souvent qu’on ne le soupçonne. Par exemple, savez-vous qu’en août 2023, une usine de Novares (équipementier français) en République Tchèque a été touchée par un violent incendie ? Ici, pas de batteries, mais de nombreuses pièces plastiques dont la combustion dégage des fumées nocives. Et l’incendie dans une usine Kia à Hwaseong là encore à l’été dernier ? Pour celle-ci c’est la ligne de peinture qui a été touchée.

Des industries amenées à se développer

Et si on élargit à toute l’industrie, ces incendies ne sont finalement pas rares. Cela n’empêche pas de tirer des leçons de ces cas. Ici par exemple, les bassins de rétention, prévus pour accueillir l’eau contaminée étaient en cours d’agrandissement, l’usine ayant reçu l’autorisation de s’agrandir. C’est évidemment une chose à contrôler strictement pour être certains de ne pas avoir de rejets dans la nature. Ceux de l’incendie suffisent déjà. L’autre point, c’est que l’on a évité « pire ».

En effet, l’incendie a menacé un temps de s’étendre à un autre bâtiment qui contenait des éléments autrement plus dangereux qui valent à cet entrepôt non touché d’être classé « SEVESO » (des sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs). Le contenu a été évacué et le bâtiment n’a finalement pas été touché. Mais, cela pourrait inciter les autorités à réglementer une capacité maximale de stockage par bâtiment, ainsi qu’une distance minimum entre deux bâtiments. Des règles et des normes qui s’imposeront pour ne pas vivre un incendie dramatique.

L’autre aspect à bien prendre en compte, c’est la communication et la transparence. Ces entreprises de recyclage vont devoir, plus encore maintenant après cet incendie, communiquer sur leur industrie. Car les riverains ne sont pas tous convaincus par les discours des officiels. Et dans le cas de l’incendie de l’entrepôt de Bolloré Logistics près de Rouen, les habitants retrouvent encore des restes de l’incendie dans leur jardin. Comment les convaincre de la non toxicité de tout cela ?

L’industrie du recyclage va devoir s’inspirer des centrales nucléaires qui inlassablement communiquent sur la non toxicité des vapeurs, la non toxicité des rejets dans les fleuves, la non dangerosité du site, etc. Un peu comme chaque industrie en fait. Cet incendie peut avoir du bon, mettre le projecteur sur une filière en devenir en France. Est-ce que tous ces sites sont prêts en cas d’incendie ? Doit-on informer publiquement la population des usines à proximité de chez eux ? Des questions soulevées par cet événement.

(4 commentaires)

  1. Vu l’opacité de la fumée dégagée, il y a eu plein de cochonneries balancées dans l’atmosphère. Une grande majorité des thermoplastiques dégagent des fumées nocives à la combustion.
    C’est marrant, si on écoutait tous les industriels, ils nous expliquerait que leur industrie n’est pas dangereuse et qu’il n’y a aucun risque. Ben voyons.
    Il y a une vingtaine d’années, une étude britannique avait constaté un taux anormalement élevé des cas de leucémie infantile dans les zones d’habitations dans l’environnement proche de centrales nucléaires. Idem en Allemagne et en France. Mais faut pas trop en parler, faut pas faire peur à la population.
    Dans ces entreprises qui travaillent avec des produits potentiellement dangereux voire mortels, toutes les causes d’accidents doivent être envisagées, simple application de la loi de Murphy (si quelque chose peut se produire, ça va se produire), et les meilleures solutions doivent être appliquées. Malheureusement, ça a un coût que beaucoup d’entreprises ne veulent pas payer, au prix de la sécurité de tous.

  2. Depuis l’accident de Three Mile Island le public sait que les industriels mentent en cas d’accident industriel pour protéger leurs intérêts.
    Plus près de nous au moment de Fukushima, l’accident a été classé initialement de niveau 4, pour être un mois plus tard réévalué au niveau 7 sous pression de l’AIEA.
    Et ça continuera. C’est désormais aux citoyens d’être vigilants et d’espérer qu’un lanceur d’alerte fera son job au bon moment.

  3. Une dinguerie de plus dans un monde occidental complètement dingue.

    Il n’y a pas besoin de batteries, donc pas besoin d’usines de batteries.

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