Liberty Fonderie Poitou : 292 suppressions d’emploi

Un PSE, ou plan de sauvegarde de l’emploi, est confirmé pour l’équipementier automobile de la Vienne (86) Liberty Fonderie Poitou. 292 emplois d’ici mi-2021 seront supprimés.

C’est un coup dur pour les anciennes Fonderies du Poitou Fonte (FPF). Reprises par Liberty House, une société du Gupta Family Group Alliance (GFG Alliance), de l’homme d’affaires britanno-indien Sanjeev Gupta. Si Liberty Alu Poitou a un carnet de commande (culasses alu notamment) qui lui permet de voir l’avenir sous un beau jour, la société soeur Liberty Fonderie Poitou (carters fonte pour Diesel principalement) est pénalisé par la baisse de la demande de ces motorisations, mais aussi l’utilisation de pièces fondues à l’étranger.

Selon l’AFP, la direction a confirmé l’annonce du PSE, qui doit débute le 14 décembre, lors d’un comité social et économique, puis les syndicats en ont informé les salariés en assemblée générale dans l’après-midi, a précisé la CGT, syndicat majoritaire.

Du côté de Alvance Aluminium Group, branche aluminium du groupe Gupta qui contrôle l’entreprise, on met en cause, comme souvent, le client quasi-unique, ici Renault, qui a décidé d’aller voir ailleurs. Les carters fonte des modèles de l’Alliance ne seront plus issus de ces fonderies.

Deux projets de reclassement à développer

Sur les 292 suppressions d’emploi, il y aura une possibilité de reclassement pour une centaine de salariés. Alvance a annoncé la possibilité pour une quarantaine de salariés de rejoindre l’usine voisine Liberty Alu. Il y a également un projet de remise en état de véhicules d’occasion, pour environ 50 emplois à l’horizon 2022, et une trentaine supplémentaire en 2023. Un projet qui a la défiance des syndicats, échaudés par l’attitude d’Alvance avec les ex-Fonderies du Poitou Fontes.

« Le couperet est tombé, même si c’est une forme de libération, a commenté à l’AFP Alain Delaveau, délégué CGT à l’AFP. « Cela fait des mois que l’on demandait, non pas le couperet, mais que l’on cesse de nous mener en bateau ».

Fonderies du Poitou Fontes (alias FPF) c’est plus de 45 millions de carter produits en 40 ans (inauguration en 1981). C’est un énième symbole d’une industrie que l’on n’a pas voulu, pas su, faire évoluer pour s’adapter. Sises toutes deux à Ingrandes-sur-Vienne dans la Vienne, les deux entreprises, Liberty Fonderie Poitou et Liberty Alu Poitou, représentent 600 salariés au total. Elles sont passées sous contrôle de leur nouvel actionnaire britannique, Liberty House, qu’au printemps 2019.

De nombreux observateurs ont annoncé dès le début que cette prise de contrôle ressemblait plus à l’achat de la partie Alu pour sacrifier la partie fonte. Les faits leur donnent raison. De plus de 400 salariés, les ex-FPF sont passées à 292 postes, qui seront supprimés, visiblement d’ici la fin juin 2021, à confirmer.

Renault pourrait mettre au pot

Du côté des salariés, on est très remontés contre Alvance, mais aussi contre Renault. En effet, ils estiment qu’en tant que fondateur historique, le groupe Renault a une part de responsabilité. Visiblement, du côté de Renault on n’est pas insensible à la situation et le groupe français pourrait abonder à une prime « supra légale » dans le PSE. Une compensation financière qui ne remplace tout de même pas un emploi.

En ne confiant pas à Liberty Fonderie Poitou la fabrication du carter fonte K9Gen8, Renault sait qu’il condamne un site qu’il a lancé lui-même en 1978.

Ce site est comme beaucoup issu de l’histoire de l’automobile et de l’industrie sidérurgique ou métallurgique. Ces petits sites de province, créés ou rachetés dans les années 70/80 ont eu leur moment de gloire. Gros pourvoyeurs en emplois locaux, ils ont vu leur rentabilité baisser au fil du temps. Les groupes, souvent uniques clients, se désengagent alors, créant un choc, précipitant la fin. Certains trouvent de nouveaux débouchés, beaucoup disparaissent corps et biens.

A l’été 2020, c’était les Fonderies de Bretagne pour qui le couperet passait pas loin. Précédemment, il y a eu GM&SBorgWarner Automotive en Corrèze, mais aussi Michelin à la Roche-sur-Yon et d’autres.

Un peu d’histoire

En 1978, Renault souhaite délocaliser ses activités de Boulogne-Billancourt. La décision est prise de créer les Fonderies du Poitou (aluminium et fonte) à Ingrandes-sur-Vienne. Il faut dire que le Ministre de l’Industrie n’est autre que René Monory qui a fait énormément pour « son » département.

Le 19 mai 1981, après plus d’un an de travaux, les Fonderie du Poitou Fontes lance la production. La montée en cadence se fera sur plusieurs années et la production dépasse le million de carters produits à la fin des années 80 pour atteindre un record de 2 millions en 2000.

Il faut dire qu’entre temps, Renault a revendu AT System (le groupe de fonderies Renault) à Teksid, le groupe de fonderie de la FIAT. Cela devient le groupe de fonderies le plus important du monde. La lune de miel ne dure pas puisqu’en 2002, Teksid vend son pôle aluminium. Les Fonderies sont scindées en deux, aluminium d’un côté et fonte de l’autre. C’est la naissance officiel de FPF Fonderie du Poitou Fonte en 2003.

La fonderie produit alors des carters FIAT et Renault (Dacia). La rentabilité est vacillante et deux industriels français, Jérôme Rubinstein et Franco Zaccomer, prennent le contrôle de la fonderie en rachetant 74 % de son capital. La suite, c’est Liberty et la fermeture annoncée.

Avec AFP/wig-pbl/LyS, illustration : FPF

(4 commentaires)

  1. Ces usines provinciales qui ferment sont un drame local mais aussi une immense perte pour le pays qui perd tout ancrage. Une usine c’est un bassin de population. Où vont ils aller ? En région parisienne, en Roumanie, en Chine ? Deviendrons nous, à notre tour des migrants à cause de choix économiques douteux ? On nous parle avec emphase des « territoires »… Ne serait il pas important d’arrêter de les dépoiler ces territoires ? Renault a un actionnariat étatique… L’Etat ne peut il montrer un peu l’exemple comme il le demande avec arrogance à la police et au citoyen lambda ? L’Etat va t il cesser d’être irresponsable ou va t il continuer sa culture hors sol qui nous mène à la révolte ?

    1. « ou va t il continuer sa culture hors sol qui nous mène à la révolte ? »
      la question est dans la réponse.
      On préfère donner 19.5 milliards à EDF et ses sous traitants, et sous sous traitants de paradis fiscaux afin d’employer de main d’oeuvre étrangère à construire un EPR que d’aider les petits industriels locaux implantés sur le territoire.
      Deux autres exemples : l’usine de masque de St Brieuc qui avait fermé ses portes suite à la décision de commander (???) les masques des stocks nécessaires sur le marché mondial (donc en Chine), et l’appel aux entreprises française à fabriquer le maximum de masques en tissu tout en commandant des millions de masques jetables. Pour ensuite refuser d’acheter les masques tissus, et empêcher l’usage de masques textiles dans un certain nombre d’entreprises publiques ( à radio france par exemple)

      Nos dirigeants actuels sont hors sol !

  2. Le problème de base me parait être la mondialisation auquel malheureusement nul ne peut échapper.
    .Ainsi Les constructeurs auto sont obligés de ne garder que des énormes usines (plus souple pour faire varier les lignes de production).
    .Le hic étant que Renault a choisi de le faire en fermant ces usines en France (voir la Clio envoyé récemment en Turquie)

    .Et les équipementier doivent être le plus proche de l’usine constructeur (flux tendu) ou alors être dans un pays low-coast pour assumer les frais de transport.

    TOUTE l’Industrie Française risque-elle de Mourir ?

  3. Les fonderies du Poitou coté Fonte, mon premier boulot en intérim lorsque j’ai commencé à travailler à l’âge de 18 ans. J’y suis resté 2 ans mais je i du partir car il y avait trop de chômage technique donc je suis parti travailler ailleurs. Ce fût une superbe expérience, c’est là-bas que j’ai découvert ce que c’était que le vrai boulot grâce à des gens qui m’ont transmis leur envie de travailler ainsi que leur motivation. Jaurai pu y rester travailler je l’aurai fait mais j’avais besoin de bosser. Un métier difficile mais qui m’a fait rencontrer des gens de divers horizons. Certaines journées étaient plus difficiles que d’autres mais malgré tout la chaleur humaine était présente. Dommage car c’est tout un savoir faire qui disparaît. Une usine où régnait encore l’insouciance des années 80 et une mentalité ouvrière très présente. Un métier et une usine que j’ai aimé de tout coeur et qui disparaît malheureusement a cause de la mondialisation…Tout ça pour qu’un mec en haut de la pyramide touche quelques millions de plus…J’espère que le boulot reviendra un jour dans ce pays dans toutes les provinces de France ou les gens sont motivés et savent travailler et se donnent pour leur métier. Toute une carrière à respirer de la silice pour qu’on te jette à la porte comme une merde ça me crève le cœur. Bon courage à tous les fondeurs.

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