Les beaux jours arrivent. Festival de Cannes, Roland Garros, Salon du Bourget, Tour de France, Prix de l’Arc de triomphe… Le point commun de tout ces événements? La file d’attente de limousines noires qui patiente devant. Le Blog Auto va tout vous dire sur le métier de chauffeur.
Tout d’abord, on ne dit pas « chauffeur de limousines », mais chauffeur de « grande remise » (c’est le terme officiel) ou GR. L’origine remonte aux carrosses: les nobles en avaient un petit pour le quotidien et un énorme pour les grandes occasions. Donc, pour le stocker, il fallait une grande remise et son cocher était donc le chauffeur de [carrosses stockés dans la] grande remise.
En tant que chauffeur de grande remise, vous transportez des clients qui payent pour voyager… Donc l’Etat veut éviter la grande remise « sauvage ». Ce qui fait un véhicule de GR, ce n’est pas sa taille, mais la petite bague grise qu’il porte sur sa plaque.
Quel formation est necessaire?
Il n’y a pas de diplôme. Tout le monde, de 18 à 60 ans, peut faire ce travail a priori: professionnels travaillant à plein temps dans ce métier, étudiants, chômeurs, saisonniers qui veulent arrondir leurs fins de mois entre deux « saisons », policiers en RTT, etc. Un permis de conduire valide est évidemment requis (certaines entreprises vous feront même passer un examen de conduite), ainsi qu’une bonne présentation. Dans 99% des cas (voir plus loin), on vous demandera de parler anglais (toute langue supplémentaire est bienvenue) et une bonne connaissance des lieux (conseil: potassez le Guide Rouge Michelin pour connaître par choeur tous les restaurants *** et les hôtels *****.)
Où sont les annonces?
Les petites entreprises recrutent au bouche à oreille et sur candidatures spontanées. Les autres mettent de discrètes annonces dans Le Figaro ou Libération.
Pour les grands événements, les entreprises ont besoin simultanément de 200, voir 300 chauffeurs, qu’elles forment: une fois que vous avez passé l’entretien, on vous donne une promesse d’embauche, vous devez passer ensuite un examen médical, puis vous pourrez décrocher votre attestation provisoire (valable un an) à la préfecture. A contrario, les petites entreprises veulent des chauffeurs disponibles de suite: pas d’attestation, pas de job.
Quel type de mission?
Le terme GR regroupe de nombreuses réalités. Oubliez néanmoins les 35h et le code du travail. Même les entreprises les plus sérieuses flirtent avec l’illégalité.
– Le « shuttle »: job de base, qui consiste à transporter un certains nombre de personnes, durant x jours, entre leur hôtel et le lieu de l’événement. Vous partez les chercher le matin, vous rentrez chez vous et vous les ramenez le soir. Salaire à la journée, payé entre 110 et 150 (selon que vous travaillez la nuit ou pas.) Pourboires rares (vous transportez l’intendance.)
– La « dispo »: proche du shuttle. Vous vous occupez d’un groupe de personnes pendant x jours et devez les conduire partout où ils veulent (voilà pourquoi on vous demandera de connaître les hôtels, les restaurants et certains lieux moins fréquentables…), toute la journée. Salaire à l’heure, payé entre 8 et 10 de l’heure (avec bonus pour les heures entre 19h et 8h du matin et les heures de déjeuner.) Pourboires en fonction de la nationalité du(es) client(s) (nuls si c’est un Français, moyens avec les Américains et élevés avec les habitants du Golfe.)
– La « suiveuse »: vous suivez la dispo toute la journée. Il s’agit parfois de transporter les gardes du corps, voir de faire les gardes du corps voilà pourquoi ce sont généralement les policiers en RTT qui font ce type de mission car en cas de problème ils peuvent sortir leur carte. Salaire: ? (les policiers ne sont pas censés travailler quand ils sont en RTT et a fortiori dans des missions où ils jouent avec leurs statuts; d’où une extrême discrétion sur leur job.)
– Le « spare »: vous êtes là en supplément. Votre job consiste à intervenir le jour où l’un des shuttles ou des dispos a un empêchement (ou bien qu’exceptionnelement, il y ait plus de personnes à transporter.) Le reste du temps, vous attendez, attendez, attendez… Salaire: de 0 à 80 par jour (certaines entreprises peu scrupuleuses ne payent que les jours où vous avez effectivement travaillé.) Pourboires: tant que vous ne roulez pas, vous ne risquez pas d’en toucher…
– Le « transfert »: il s’agit de conduire une fois x personnes entre un point A et un point B (par exemple, venir chercher des clients à l’aéroports et les amener à leur hôtel.) Ensuite, on peut vous demander de faire de la « dispo cachée »: conduire les personnes à leur hôtel, puis ensuite de leur hotel au restaurant, puis du restaurant à tel point, etc. Salaire: entre 30 et 50 par course. Sachant que vous devez aller chercher le véhicule, aller au point A, attendre vos clients, aller au point B et retourner le véhicule, vous êtes vite perdant par rapport à une dispo. Pourboirs: voir dispo.
– Chauffeur de limousine: un rêve de chauffeur. Vous êtes rattaché à un hôtel ou à une personne et travaillez au quotidien. Vous bénéficiez d’un CDD ou d’un CDI (alors que dans les autres cas, vous êtes intermitent du spectacle.) Salaire: à la course ou à la journée.
Quelles voitures?
Oubliez les Lincoln et autres Hummer « stretched ». Pour le shuttle et les transferts, les minibus Mercedes et VW composent le gros des effectifs. Pour les V.I.P., la Classe S (parfois blindée et parfois munie de plaques CD) est quasi-obligatoire (sauf au Bourget où Finmecanicca exige des Quattroporte) et seuls les chauffeurs ayant fait leurs preuves peuvent en bénéficier. Pour le reste, sachez que les constructeurs français bradent leurs surplus de C5, Laguna, Vel Satis et autres 607, donc vous savez ce que vous risquez de conduire…
Evidemment, votre voiture doit être toujours propre et N’OUBLIEZ PAS DE FAIRE LE PLEIN (ça peut avoir l’air idiot, mais des GR qui tombent en panne d’essence avec un client derrière, cela arrive plus souvent quer vous ne le croyez.) Le soir, la voiture retourne au garage. Vous pouvez la garder avec vous si vous avez un box. Ca vous évitera des trajets inutiles si vous travaillez plusieurs jours de suite. Les filous raconteront qu’ils ont un box, alors que ce n’est pas le cas. Mais après, c’est à vos risques et périls (imaginez la durée de vie d’une Classe S sur un parking entre deux cités…)
Quelle carrière?
Difficile d’en faire un métier. Si vous cherchez à gagner un peu d’argent, c’est un job sympa (surtout sur les événements où vous pourrez facilement raconter n’importe quoi à l’entrée pour pouvoir rentrer gratuitement.) Vous en garderez de beaux souvenirs (la conduite d’une berline de luxe, le transport de people ou d’hotesses en minijupe…)
Passer pro est une autre paire de manches. Comme tout job de prestataire, vous avez quantité de candidats. Il faudra que vous fassiez vos preuves. Les entreprises de GR ont tendance à sur-recruter (afin d’avoir toujours un maximum de chauffeurs disponibles de suite.) Donc, ce n’est pas parce que vous avez signé un contrat que vous aurez du travail au quotidien. Vous devrez laisser le portable allumé et attendre le coup de fil providentiel… (D’où des difficultés à boucler vos fins de mois.) On vous proposera surtout des transferts au début. Vos horaires seront irréguliers: parfois, vous irez chercher un client à l’aube et parfois, il arrivera par le dernier train. Au moindre faux pas, vous baisserez dans la hiérarchie. En cas de litige, on vous dira facilement: « Si ça ne vous plaît pas, la porte est ouverte! Moi, j’ai 40 chauffeurs comme vous qui attendent. » De plus, sachez que c’est un milieu fermé, où tous le monde se connaît: en cas de vagues, vous risquez d’être grillé partout.
Il faut deux, voir trois ans pour se faire un nom.
Un témoignage (un peu romancé et à reserver aux lecteurs avertis):