Le modèle Tesla deviendra-t-il un jour opérationnel ?

Déchainant les passions dès que ce nom est prononcé, Tesla ne laisse définitivement personne indifférent. Entreprise de génie qui révolutionnera le monde pour les uns, à escroquerie monumentale pour les autres. Mené par le célébrissime Elon Musk, Tesla a de quoi surprendre, que ce soit ou non de manière positive. Après la dernière annonce d’une rentabilité sur le dernier semestre 2018 , combinée à l’arrêt temporaire de la production de son Model 3, il est temps  de nuancer les visions concernant le constructeur de la Silicon Valley et d’apporter des éléments sur ce que sera la fin de cette histoire.

Une initiative excellente

Lors de sa création en 2003, l’initiative avait de quoi réjouir plus d’une personne. Elon Musk, businessman reconnu pour avoir lancé PayPal, annonce vouloir révolutionner l’industrie automobile en proposant des véhicules 100% électriques en liant sa marque à l’un des génies de son époque Nikola Tesla.

Le cheminement de production et de développement semblait en lui même assez intéressant et plutôt logique. Proposer dans un premier temps des gammes de véhicules haut de gamme à très forte valeur. C’est ce que l’on a pu constater lors des sorties du Roadster, du Model S et encore du Model X. Des véhicules n’étant pas à porté de la première bourse. Une production plutôt « artisanale » avec un volume assez faible pour une entreprise cherchant à révolutionner le monde peut semblait ironique. Néanmoins, c’était surement loin d’être idiot, en prenant cet angle là, il était possible de travailler plus longuement sur les batteries  afin de proposer une autonomie de plus en plus longue. Sur ce point, les modèles de la marque proposent une des autonomies les plus longues sur le marché. Le Model S malgré son prix devenant le modèle électrique le plus vendu au monde.

Le Model 3, modèle de consécration

En présentant le Model 3 courant 2016, Musk propose une solution pour « Monsieur tout le monde », celui qui souhaite conduire une voiture électrique, au tarif des berlines essence ou diesel que l’on trouve à ce moment là sur le marché. Annonce qui attire à la fois, les acheteurs et les investisseurs. Après plus de dix années de perte, Musk apporte sur un plateau, ce qui sera l’enrichissement de l’entreprise, par le modèle produit en masse.

Les précommandes dépassent toutes les attentes, un coup absolument remarquable, il ne reste qu’à valider l’essai.

La production de série, pas si simple finalement

C’est là que le bat blesse, associer son dernier né avec rentabilité n’est pas une mince chose à faire, et passer d’un modèle de production « artisanal’ avec un modèle plus « industriel » ne se fait pas en un claquement de doigts et cela a probablement été sous estimé. De nombreux éléments pour réduire les coûts et avoir la cadence souhaitée n’ont pas été rempli, reste à déterminer s’ils y parviendront.

Musk et ses équipes n’ont eu qu’a demander pour avoir accès à de nombreux fonds, c’est d’ailleurs ce qui a permis à la structure américaine de tenir pendant plus de dix ans sans aucun bénéfices.  Vouloir révolutionner le monde, c’est bien, mais dans une économie capitaliste qui pense profit, ce genre de modèle n’est pas fait pour durer ad vitam eternam. Il va falloir penser économie d’échelles !

Une société qui repose sur le charisme d’un seul homme

Elon Musk, homme aux projets de plus en plus fous, qui cherche à révolutionner le monde, tient la barque de Tesla depuis sa création. Capable de soulever les foules par ses annonces, quelque soit l’industrie, c’est un homme pour qui la communication n’a plus de secrets. Propulser avec ses fusées dans l’espace une de ses voitures, il faudrait être fou pour y penser. Lui l’a fait.

C’est d’ailleurs sa capacité à vendre son projet qui lui a permis de collecter autant de fonds, il est d’ailleurs fort probable qu’il ait encore recourt à ce style de financement pour industrialiser son processus de production et enfin remplir l’objectif fixé.

Il est tout de même incroyable qu’une marque ne vendant qu’une centaine de milliers de véhicules ait une valorisation boursière plus importante que Ford, géant centenaire produisant près de six millions de modèles. Le capitalisme ne repose-t-il plus sur les résultats? Mais uniquement sur sa capacité à communiquer?

Tesla = nouvel Enron ?

Il y a beaucoup de choses à dire sur la bourse et son fonctionnement, la volatilité des actifs et la capacité du marché à réagir principalement aux annonces. Néanmoins contrairement à Enron il y a presque vingt ans, Tesla repose sur une technologie existante qui a pu faire ses preuves, les batteries à la plus longue autonomie du marché, le développement d’une autonomie du véhicule que l’on a aperçu sur le Model S, les super-chargeurs. Ces éléments apportent un caractère raisonné à un investissement.

Tesla deviendra-t-il totalement opérationnel?

Aujourd’hui, Tesla repose sur sa capacité à avoir développé sa propre gamme de véhicules. Néanmoins, cela ne sera un réussite que lorsque ce dernier sera entièrement opérationnel et surtout rentable. Mais surtout sur la capacité à communiquer de son créateur et non sur ces résultats chiffrés.

Les promesses et les géniaux coups de communication ne protègeront pas Elon Musk indéfiniment, tout investisseur veut voir un retour sur investissement. Même si les marchés sont cléments, ils ne seront pas indéfiniment aveugles.

Tesla peut réussir son pari initial, du moins apporter une plus-value importante au développement d’une alternative au moteur à combustion. Néanmoins cela passera par la maitrise d’un modèle « de l’ancien monde », un modèle qui fut proposé par un certain Henry Ford à l’époque.

(22 commentaires)

  1. Ce qui m’a toujours frappe chez Elon Musk, c’est sa capacite a nous faire croire en lui et ses projets. Quand on l’ecoute, il est loin d’etre impressionant : beaucoup d’hesitations dans ses conferences et dans ses interviews, je dirai meme laborieux.
    Tesla, mais aussi la boring company, SpaceX, il sait parler aux nouvelles generations, il sait parler aux Geek avec les noms donnes a ses creations. Il evrait passer pour un geek justement qui essaie de grandir dans l »industrie.
    Et pourtant, c’est un visionnaire, un excellent leader, et il a reussi a secouer le bon vieux monde de l’automobile en partant d’un roadster electrique base sur une lotus elise. Et arrive a se faire suivre par ses investisseurs, malgre le nombre d’indicateurs au rouge. Chapeau.

  2. Trés bon article bien résumé. Elon Musk est un homme d’affaires brillant et ses entreprises ont toutes des contenus technologiques importants. Seulement voilà… il a parié sur la production de masse et ce n’est pas aussi facile que cela. Il y arrivera peut être… ou pas… tout dependra des créanciers et actionnaires….

  3. La concurrence aura mis du temps mais elle arrive !
    Et avec des produits très abouties. Rien que dans le groupe vw, Porsche Audi pour le hdg, vw pour le cadre moyen.
    On annonce 400/500 km en cycle wltp pour le prix d’une golf diesel

    1. …on annonce en effet beaucoup chez vw, mais on ne sort toujours rien près de 6 ans après la mise sur les route des model S, et aucun réseau de charge…
      Tesla au moins a des produits aboutis et de quoi les recharger.
      Musk a le temps de produire ses model 3 !

  4. Je pense que produire des modeles moins haut de gamme fut une erreur strategique.
    1) Les plus grosses marges se font sur le haut de gamme, la rentabilité de Porsche et des marques premiums le prouvent.
    2) La production de masse implique de lourds investissement, longs à rentabiliser.Et particulierement lorsque le produit implique une innovation technologique majeure.
    Je suis par contre persuadé que l’aventure Tesla se serait deja terminee dans un contexte financier « normal », avec des taux d »intérêts »normaux » c’est à dire qui rémunère le risque pris à sa juste valeur.Depuis 2008, les banques centrales inondant les marchés de liquidités, les taux d »intérêts sont plus bas, certains sont négatifs.Il en résulte un développement de nombreuses bulles financières pretes à eclater.

    1. C’est absolument vrai, le haut de gamme génère plus de marge. Néanmoins, il y a trois points importants selon moi à prendre en compte.
      – la volonté de démocratiser le véhicule électrique souhaité par Musk, pour cela il est dans l’obligation de produire des véhicules plus abordables.
      – toutes les marques de luxe, premium (je pense) ont au sein de leurs groupes des marques ou des modèles d’entrée de gamme.
      – la recherche d’économie d’échelle, même dans le segment haut de gamme, on cherche à minimiser certains coûts (ex Rolls Ghost, sur la même base que la série 7), c’est aussi grâce à cela que les marques premium rapportent, partage de R&D entre différentes marques d’un même groupe…

      Pour se qui est du financement, il ne prend pas de dettes à proprement parler, il utilise la levée de fonds principalement, qui est un moyen détourné (a voir plus en détail l’identité des entités investissant). Les taux d’intérêts n’ont pas beaucoup de valeurs, il propose du capital en échange de fonds avec la promesse d’une envolée du cours ou de dividendes importans. A voir si les personnes qui financent Tesla passe par de la dette pour le faire, mais ça en deviendrait un débat sans fin 🙂

  5. Un commentaire:l´article donne le Sentiment que c´est Musk qui a créé Tesla.
    Or je voudrais rappeler qu´en 2003, les fondateurs étaient Martin Eberhard et Marc Tarpenning, Musk est entré ensuite dans la société en 2004 en apportant des capitaux, a vampirisé les médias et a poussé Dehors en 2007 et 2008 les fondateurs historiques.
    Il faudrait peut être rendre justice aux bonnes personnes…

    1. Ce qui est absolument vrai. Le hic, c’est que Musk a pris les rênes super vite, gérer la stratégie et surtout qu’il a personnifié le projet autour de son nom.
      A mon avis, je ne suis pas certain que Tesla aurait eu une vie si longue sans cela.
      Si tu veux souligner que Musk n’est pas un vrai philanthrope tu es dans le vrai

  6. Si j’avais été E Musk….
    J’aurais plutot multiplié les modeles Haut de gamme sur une même base. Roadster –>Tesla S –> SUV Luxueux modele X –> Voiture de sport –> Half truck –> Monospace.
    C’est d’ailleurs ce qu’il avait commencer à faire
    Je suis d’accord avec toi, les économies d’échelle sont importants, mais si cela passe par de très gros investissements, avec les risques industriels que cela implique, ce n’est pas pertinent.
    BMW – Mercedes sont restés axés très longtemps sur le haut de gamme, et ils sont descendus en gamme lorsque leurs marges de progression devenaient faibles et surtout que de nouveaux concurrents arrivaient sur leur marché. Lexus, Audi, Acura, Infiniti notamment.
    Et on ne peut pas dire que l’aventure SMART de Daimler ait été couronnée de succés…
    Pour le financement, tu te trompes, il lève des fonds via emprunts obligataires.Et même si ce n’était que par la souscription d’actions, cela ne changerait pas grand chose.Sans les politiques suicidaires des banques centrales qui fournissent de l’argent gratuit aux marchés dans leur ensemble, mécaniquement les taux (prix du risque) seraient plus élevés, les investisseurs demanderaient à TESLA des rendements plus élevés étant donné le risque pris.Or, et même si TESLA devient un succès, la rentabilité dégagée serait inférieure au taux de rendement demandé par les investisseurs.Donc les investisseurs n’auraient pas autant investi.
    CQFD
    La bonne nouvelle pour E Musk et Tesla, c’est que cette politique d’argent gratis des banques centrales n’est pas prête de s’arrêter, sinon tout s’écroule…
    A lire ou voir, les « éconoclastes » sur le tube pour comprendre le monde dans lequel nous vivons actuellement.

    1. La politique des taux actuels, des QE à foison, je la connais. D’ailleurs j’avais remarqué ta lecture « econoclaste » sur le sujet 😉
      La question du risque pour l’investisseur ne se pose pas en réalité, puisqu’il croit dans « l’annonce Musk », le reste importe peu. Même avec des taux un poil plus élevé, cela n’aurait pas changé grand chose à mon avis. La personnification de Tesla autour de Musk, et surtout la communication autour (avec Space X, Hyperloop) génère plus de confiance que toutes les pertes cumulées depuis l’existence de la marque.
      Ce genre de phénomènes existait bien avant les politiques monétaires actuelles. Elle l’amplifie seulement.

  7. Je veux surtout souligner que ce n´est pas « sa » Vision, mais celle d´autres qu´il s´est approprié. Ensuite, si il a pris les rênes, ce sont les deux fondateurs qui ont fait en sorte que le Roadster fonctionne et gérés tous les aspects techniques. Sans les capitaux de Musk, Point de Tesla Motors, mais sans nos deux amis pas de Roadster.

    1. Comment veux-tu que je sois en désaccord? Je prenais même pas l’aspect financier et l’apport de capitaux de Musk en compte dans le volet financier, mais ceux qu’il a réussit à apporter juste grâce à son nom.
      C’est un point négatif lorsque l’on personnifie une marque, c’est que l’on omet tous ceux qui travaille à la réussite, et je pense que sur ce point là, il sait trouver des mecs compétents notre ami Elon.

  8. @devos
    concernant la descente en gamme des BAM, je pense qu’elle est plutôt due à une « fidélisation » de la clientèle.
    On va chercher un jeune (avec des moyens, of course) avec une A1, et on le chouchoute, pour que son prochain véhicule soit une A3 (ou un Q2), et ainsi de suite.

  9. Comme dit, je veux simplement rendre à césar ce qui est à César 😉
    La première fois que j´ai lu un article sur Tesla en 2004, Musk n´était même pas mentionné 🙂

    1. Musk a plutot sauvé Tesla de la faillite. Sans lui Tesla n’aurait pas survécu 1 an de plus et ne serait jamais devenu ce qu’elle est aujourd’hui. Le Roadster a du être complètement modifié. Les controleurs moteur repensés. La transmission bloquée à une seule vitesse, sinon elle cassait. Etc. Les livraisons étaient en retard. Les coffres étaient vides. Musk a sauvé Tesla.

      1. Rien n’a vraiment changé dans ce cas 😉 y a toujours du retard, la production est à genoux, par contre il en a apporté du capital que ce soit le sien ou non. Tesla tient grâce à ses actions.

      2. « La transmission bloquée à une seule vitesse, sinon elle cassait. »
        Heu pour un moteur élctrique il n´y a jamais plus d´une vitesse, et c´était le cas avant l´arrivée de Musk, faut pas non plus inventer hein 😉
        Le plus gros problème concernait le refroidissement des cellules.

        1. si si, il etait prévu une boite a deux rapports mais abandonné ensuite.
          On en parle lorsqu’il y avait un essai du roadster tesla au dessus de Monaco

    2. C’est de l’échange du débat, tout ce que l’on aime ;). Le projet n’est pas sien au départ, certes mais si le projet coule, il sera considéré comme le seul fautif.

  10. Oui ce genre de phénomène existait en 2001, on sait ce qui s’est passé ensuite…
    De toute façon nous ne saurons jamais si les investisseurs se seraient autant impliqués dans le projet Tesla dans une situation de finance saine.
    Je te remercie pour cet échange très intéressant et suis satisfait que les idées « éconoclastes » de Berruyer and co soient un peu connues.

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