Cachez ce logo que je ne saurais voir…
Les réactions ne se sont pas faites attendre, accusant la FIA de vouloir établir une forme de censure. On se souvient des polémiques qui ont émaillé la coupe du monde du Qatar sur la question des droits de l’homme, de l’interdiction de brandir des brassards ou des drapeaux LGBT aussi bien pour les spectateurs que pour les équipes, et de la fronde de certaines d’entre elles comme l’Allemagne, avec les joueurs qui avaient mimé un baillon sur leur bouche.
En F1, la question des sujets politiques a ressurgi en 2020 quand Lewis Hamilton a manifesté son soutien à la mouvance Black Live Matters et initié les agenouillements des pilotes dans les cérémonies d’avant course, dans le contexte de l’émotion mondiale suscitée par le meurtre de George Floyd par un policier. La F1 avait été prise de cours par ces initiatives, les pilotes ayant eu tendance par le passé à se montrer assez discrets dans leurs prises de position politiques. Il faut dire aussi que Hamilton était allé loin, avec notamment le T-Shirt revendicatif sur le podium et des piques adressées aux pilotes qui ne jouaient pas le jeu, faisant planer rapidement le risque d’une atmosphère de « chasse aux sorcières » progressiste.
L’initiative de la FIA a suscité une réaction unanime des conducteurs dans leur mécontentement face à la règle. Hamilton a déclaré sur la règle : « Cela ne me surprend pas. Mais rien ne m’empêchera de parler des choses qui me passionnent et des problèmes qui existent. Je pense qu’il serait idiot de dire que je voudrais prendre des points de pénalité supplémentaires pour m’être prononcé sur des choses, mais je vais toujours dire ce que je pense et parce que nous avons toujours cette plate-forme, il y a encore beaucoup de choses auxquelles nous devons nous attaquer.”
Lando Norris, a déclaré : “La F1 a clairement indiqué ce qui est acceptable et ce que nous devrions être capables de faire et je maintiens le fait que nous devrions pouvoir dire ce que nous voulons et ce en quoi nous croyons. « Nous ne sommes pas dans une école et nous ne devrions pas avoir à poser des questions sur tout et dire : ‘est-ce qu’on peut faire ça ?’ et ‘pouvons-nous faire ça? Nous sommes assez grands pour prendre des décisions intelligentes.
Des clarifications…trop claires ?
La F1 n’a pas tardé à réagir à la polémique, une posture qui n’est sans doute pas étrangère aux tensions qui émaillent les relations entre Liberty Media et la FIA depuis plusieurs mois sur le contrôle de la discipline : « La F1 n’imposera jamais un bâillon à qui que ce soit » a déclaré Domenicali. « Tout le monde veut parler, il faut avoir une plateforme pour dire ce que l’on veut de la bonne manière. Nous avons une énorme opportunité en raison de la position de notre sport qui est de plus en plus mondial et multiculturel. »
« Nous parlons de 20 pilotes, de 10 équipes et de nombreux sponsors, qui ont des idées et des points de vue différents. Je ne peux pas dire que l’un a raison, l’autre a tort, mais il est juste, si nécessaire, de leur donner une plateforme pour discuter de leurs opinions de manière ouverte. »
Face aux réactions, la FIA a voulu « clarifier » les choses, via un document de trois pages envoyé vendredi aux 10 équipes de la grille, en précisant que les pilotes ne seraient autorisés à faire des déclarations politiques que dans des circonstances “exceptionnelles”, ce qui veut à la fois tout dire et ne rien dire. Le document indique que les conducteurs pourront toujours “exprimer leur point de vue sur toute question politique, religieuse ou personnelle” dans “leur propre espace” et en dehors d’une course, via leurs réseaux sociaux ou lors d’une interview. Cependant, les conducteurs feront face à des sanctions s’ils s’opposent à la loi sur la piste, comme pendant l’hymne national avant une course ou sur le podium.
Mais, dans un geste apparent pour apaiser les troubles croissants, la FIA a déclaré que dans des circonstances “exceptionnelles”, elle “peut autoriser un participant à faire une déclaration lors d’une compétition internationale qui serait autrement interdite” avec une demande soumise quatre semaines avant une événement. Il ajoute que le conducteur doit “fournir la ou les raisons pour lesquelles une telle autorisation doit être accordée” et que chaque demande sera jugée “au cas par cas”. Autant dire que ces clarifications, qui s’apparentent à la mise en place d’une « usine à gaz » pour pouvoir s’exprimer, ne risque pas de rassurer.
Est-ce à dire qu’un pilote voulant porter le logo de la fierté ou de l’arc-en-ciel sur un casque de course, devra demander à l’avance l’autorisation de porter ce symbole ? Mais la clarification poursuit en indiquant qu’en plus de ne pas faire de déclarations particulières lors de la parade des pilotes, les cérémonies de l’hymne national, les photos de groupe de pilotes d’avant et d’après-saison et le podium (y compris donc les gestes visuels, comme le port d’un certain vêtement ) “les participants ne sont pas autorisés à faire des déclarations politiques, religieuses et/ou personnelles en violation du principe général de neutralité pendant [les] conférences de presse de la FIA (sauf en réponse à des questions directes de journalistes accrédités).”
La FIA a également clarifié les expressions « politiques », « religieuses » ou « personnelles ». Un prêt à penser quelque peu abscons… Une infraction à la règle aura eu lieu si : ” La formulation et l’affichage généraux de déclarations ou de commentaires politiques, religieux et personnels, notamment en violation du principe général de neutralité promu par la FIA en vertu de ses Statuts, sauf approbation préalable par écrit de la FIA pour les relations internationales Compétitions Nationales, ou par l’ASN compétente pour les Compétitions Nationales relevant de leur compétence ».
Un vieux sujet….
Ces questions politiques ne sont pas nouvelles. Longtemps, les pilotes ont été muselés sur leurs prises de position à l’encontre des instances dirigeantes. On se souvient évidemment du bras de fer entre Ayrton Senna et Jean-Marie Balestre, qui avait menacé de suspendre la superlicence du brésilien après que ce dernier ait tiré à boulets rouges sur la FIA suite au grand prix de Suzuka 89, ou même des pressions qui avaient été exercées sur Alain Prost avant le début de la saison 1993 par Max Mosley sur l’attribution de sa licence, après des critiques émises dans la presse par le français.
Sur les sujets plus politiques, un exemple célèbre fut la polémique entourant le grand prix d’Afrique du Sud 1985. Ce Grand Prix se tenait dans le contexte tragique de la guerre civile et raciale qui ébranlait l’Afrique du Sud et son régime d’apartheid, sauf que les précédentes éditions de la course n’avaient pas suscité autant de mobilisation. Et les courses organisées en Argentine et a Brésil au temps des dictatures militaires n’avaient pas entraîné autant de réactions. Ainsi seulement quatre chaînes assureront la diffusion en direct de la course, contre vingt-trois habituellement, au grand dam de « Tonton Bernie ». Par ailleurs, de nombreuses compagnies refusent d’être associées à cette course, à l’instar des cigarettiers Marlboro et Barclay qui demandent que leurs noms n’apparaissent pas sur les McLaren et les Arrows.
Face à la polémique, Jean-Marie Balestre maintient le Grand Prix. Le président de la FISA affirme lui aussi qu’il ne faut pas mélanger sport et politique (ça rappelle quelqu’un), et soutient que la Formule 1 défend la démocratie et les droits de l’homme. Mouais…surtout venant de lui…Les écuries Renault et Ligier se plieront aux instructions du ministre des Sports, alors sous présidence et majorité socialiste, qui ne souhaitait pas la présence de Français en Afrique du Sud. On rappelera aussi que Renault était encore la Régie et que Guy Ligier était très proche de François Mitterrand. Alain Prost, pilote Mclaren, ne se pliera pas à cette injonction, ce que les médias français ne manqueront pas de souligner, en y injectant une dose de politique politicienne, les accointances du champion avec Jacques Chirac, alors grand rival politique du président Mitterrand, n’état pas étrangère pour certains à cette atttude.
Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup….
Les « grands » qui ne risquent rien iront franchement dans le bras de fer si nécessaire comme Hamilton. Les « petits » qui risquent une suspension pour l’exemple la fermeront ou noieront le poisson.
Le plus « amusant » c’est que l’hymne national est joué depuis des lustres en F1, mais qu’il n’était pas l’objet du cérémonial actuel.
Qui l’a imposé ? Qui a demandé le silence le plus absolu, quitte à brouiller les radios des équipes ? Qui a imposé à la FIA et la FOM (à l’époque) de faire venir tous les pilotes ?
Tonton Vladimir pour le GP de Russie 2014 ! GP de Russie qui avait lieu en octobre 2014, soit 8 mois après l’offensive en Crimée….la FIA et la FOM étaient le petit doigt sur la couture.
Et pour éviter toute polémique, elles ont imposé ce rituel à tous les GP….La Russie n’est plus au calendrier mais d’autres démocraties où il ne faut pas faire de vague l’ont remplacée.
Les années passent et rien ne change côté FIA.
Cette censure est inapplicable. Elle le sera peut-être en course en occultant certains messages radios, mais avant et après la course, il y a des caméras et des journalistes.
Pire, le dîner organisé par Hamilton en fin de saison a démontré que tous les pilotes sont capables de se réunir pour discuter en shuntant la pression des sponsors, des écuries et des pouvoirs sportifs.
Et la FIA devrait se méfier, à trop vouloir contrôler les pilotes, elle risque de voir une montée en puissance de la GPDA, qui pourrait avoir des envies d’être un contre-pouvoir turbulent.