LBA : Comment êtes-vous venue au sport automobile ?
MD: Forcément, je suis tombée dedans petite, mais pendant longtemps, je ne voulais pas entendre parler de voitures, de motos, de circuits et encore moins de pneus. Ma formation initiale, c’est dans les langues, en anglais, allemand et espagnol. Vers 1996, je viens assister à une course du BPR (l’ancêtre du SRO GT) sur le Paul Ricard. A cette époque, j’avais créé avec mes associés Pascal Rostagny et Jérôme Leclerc, une agence de communication nommée Surikat’, et nous avions monté le dossier « le défi au féminin », pour créer un team 100% féminin. Le virus de la course s’est vraiment déclaré ici, sur le Ricard.
LBA : Ce défi féminin était précurseur !
MD: Oui, sans conteste ! Mais nous étions une petite agence qui n’avait pas les reins assez solides. Le projet féminin visait initialement les 24 heures du Mans, mais nous avons débuté l’aventure sur les 24 heures de Spa (en tourisme à l’époque). C’était avec Florence L’Huillier, l’ex-épouse du pilote de rallye Marc Duez, Yolanda Tavoli, l’ex-épouse de Marc Surer et Kathe Raffanelli. Nous étions soutenus par BMW Belgique et elles avaient gagné leur classe, finissant 4e du scratch aux 24 heures de Spa 1996 sur une BMW M3. Par contre, pour des steps plus hauts, c’était impossible de financer, d’autant que nos démarches restaient lettre morte. Nous contactions beaucoup de constructeurs et de politiques, qui saluaient le concept pour la plupart, mais ça n’allait pas au-delà de paroles bienveillantes. Notre société n’a pas perduré, puis nous avons constitué une association pour la promotion et la formation des femmes en sport automobile, l’AFSA, qui est aujourd’hui en sommeil.
LBA : Vous avez connu différentes disciplines ? Quel univers avez-vous le plus apprécié ?
MD: J’ai travaillé comme attachée de presse pour Michelin en FIA GT puis en Formule 1 pour Prost GP en 1998 et 1999, au temps de Panis et Trulli. En parlant plusieurs langues, c’était d’autant plus utile que les journalistes aiment bien quand on parle dans leur langue. Cela crée des liens différents. J’ai fait deux saisons avec l’équipe Prost GP, avec l’annonce de l’arrivée de Jean Alesi pour la saison 2000 puis j’ai retravaillé chez Michelin en championnat du monde des rallyes. J’ai ainsi connu des championnats et des univers très différents, ce qui donne une vision globale du sport automobile. C’est venu plus tard, mais j’ai un faible pour l’Endurance. La vie de l’équipe et du groupe est plus importante, plus forte. La durée des épreuves crée des liens différents. Avec Michelin, j’étais aussi mobilisée sur les 24 heures du Mans et j’ai pu y apprécier l’atmosphère et l’état d’esprit si particulier qui anime cette course.
LBA : Vous revenez ensuite au Castellet ?
MD: Après que Bernie Ecclestone a racheté le circuit. A ce moment-là, j’étais indépendante avec mon agence de communication et j’ai candidaté auprès de Philippe Gurdjian qui a supervisé le renouveau du Paul Ricard, devenu le HTTT (High Tech Test Track). J’y ai passé 11 ans. On a connu les essais F1 et constructeurs puis on a travaillé en 2008 sur le retour des courses, avec notamment le championnat Le Mans Series en 2010. C’était le premier gros événement ouvert au public. Je suis resté dans la communication du Paul Ricard jusqu’en 2012.
LBA : Quel a été votre parcours après l’expérience du Castellet ?
MD: Je me suis remise à mon compte, avec ma société Mapidu Media. C’est là que j’ai beaucoup travaillé en Endurance pour le WEC, l’ELMS, le Mans et aussi des équipes. Actuellement, je travaille essentiellement avec le ROSCAR, car j’apprécie énormément la façon de travailler de Philippe Naniche. Il a repris le championnat en 2019, qui était jusque-là géré par Christian Rossi, puis nous avons dû affronter le Covid. 3 courses ont malgré tout pu être organisées en 2020, entre les confinements et les restrictions ! En 2021 c’était encore compliqué puis en 2022 nous avons pu enfin disputer une pleine saison.
LBA : Quel regard vous portez sur l’évolution de la situation pour les femmes ?
MD: Je suis ravie de voir que les mentalités évoluent et que des gens comprennent que des femmes peuvent réussir. La grande différence maintenant, par rapport aux années 90-2000, c’est la volonté politique ! La FIA appuie cette promotion, alors qu’auparavant, il y avait des encouragements de principe mais sans soutien formel derrière. Les résultats arrivent.
LBA : Le frein est avant tout culturel ou financier pour vous ?
MD: C’est compliqué financièrement pour tout le monde, donc le frein est avant tout culturel, mais des barrières sont tombées ces dernières années. Quand nous avions lancé le projet « défi au féminin » à la fin des années 90, nous étions en contact avec l’école EIMS du pôle mécanique d’Alès dans le Gard, qui nous expliquait que quelques jeunes femmes s’y inscrivaient pour des formations en ingénierie ou mécanique, mais que c’était très compliqué pour elles, dans des classes quasi exclusivement composées de garçons ! Depuis, les choses bougent, que ce soit dans le monde des ingénieurs ou directement en piste, comme avec Iron Dames. Elles ont fini par se faire accepter et y font leur trou. Mais la volonté politique a fait la différence, notamment sous la présidence de Jean Todt avec les efforts déployés par Michèle Mouton (qui a présidé la Women and Motor Sport Commission) Avec le recul, notre projet « défi au féminin » était très en avance sur son temps. Nous n’avons pas eu les moyens et les appuis actuels mais nous avons semé les graines.