Si Maurice a enregistré de très bons résultats sur les courses d’endurance moto, si Christian a mené des campagnes brillantes pour les Yamaha à l’époque de Patrick Pons, nous avons choisi de vous raconter l’histoire -quasi magique- de Bernard, qui est passé des deux roues pour le plaisir aux quatre roues, pour le travail et de nombreuses victoires.
Du garage de Pont de Vaux…
Le creuset de la famille était le garage du père Charles à Pont de Vaux. Un personnage le vieux ! Mécanicien avisé, dépanneur réputé, le dynamique et truculent pater familias entouré de ses 7 enfants (6 garçons et 1 fille) a porté haut les couleurs Renault !
Jamais loin de la mécanique, gamin, Bernard roulotte et bricole déjà un ITOM (un cyclomoteur italien de Industria Torinese Meccanica NDLR). Cela ne l’empêche pas d’acquérir une solide formation de tôlier-carrossier et d’effectuer son Tour de France dans le cadre des Compagnons du devoir. Lyon, Paris, Toulouse, le service militaire et voilà notre Aspirant Compagnon de retour à Pont de Vaux, dans le garage familial. La passion de la course peut s’exercer et c’est sur Derbi en 1965 qu’il s’engage régulièrement avant de passer sur Bultaco.
Parallèlement, Christian qui affûte les Yamaha officielles pour l’Abidjan-Nice de 1976, a besoin de véhicules d’assistance. Tout naturellement c’est Bernard qui les prépare. Il pilote même le gros Mercedes Unimog d’assistance, laissant le Toyota à son frère Christian.
Pour le premier Dakar de 1978, dans la même configuration, il prépare des Range Rover. Ensuite, ce sera des Mercedes 280 GE de pré-série, qui seront de la fête en 1981 pour assurer l’assistance des 5 Yamaha XT officielles.
Bien évidemment, du côté de chez Sonauto on engrangeait les bons résultats des motos préparées par Christian mais on avait aussi repéré les talents de Bernard, tant pour la qualité de préparation des véhicules d’assistance, que pour ses compétences en termes de pilotage et de logistique.
Bernard nous conte les premiers contacts avec Mitsubishi, qui déclenchèrent une belle coopération.
Hubert Rigal (présent sur le Salon), motard de haut vol, lui aussi converti à l’auto, travaillait à l’époque chez Sonauto, notamment pour les questions logistiques, il confirme cette démarche de U.Brehmer, qui cherchait à mettre en scène le Pajero, débarquant sur le marché. Il convenait donc de créer et supporter l’image d’un véhicule tout terrain fiable et performant. L’équation marketing était simple, il fallait l’engager dans les compétitions -si possible pour les gagner- afin, ensuite d’exploiter l’image dans le monde entier.
… aux premiers exploits sur le Dakar
Bernard Maingret, à la manœuvre ne ménage ni ses heures, ni ses gars pour préparer 4 Mitsubishi Pajero et les aligne au départ du Paris Dakar 1983 dans la catégorie T1 Marathon.
Andrew Cowan – Colin Malkin terminent 11èmes au général et 1er du classement Marathon
Georges Debussy – Jacques Delaval se classent 14èmes au général et 2èmes du classement Marathon
Antony Fowkes – Pierre Saint-Jean (en assistance) abandonnent, alors que Bernard Maingret – Louis Blin (en assistance) terminent 30èmes au général et 5èmes au classement Marathon.
La grande aventure de Bernard Maingret dans le Dakar est lancée de la meilleure façon. On n’arrêtera plus la machine à gagner. A Pont de Vaux, on travaille de suite sur une version T2 plus évoluée. La préparation porte sur les suspensions, le châssis, le moteur et les roulements de boîte. Deux voitures de course sont alignées pour Cowan-Syer et Rigal-Fourticq, qui terminent respectivement 3 èmes et 7èmes au classement général alors que, Bernard Maingret-J-Pierre Riffaud assurent l’assistance.
Deux mois après ce beau résultat au cours d’une réunion avec Sonauto, il est demandé à Bernard Maingret de concevoir et d’engager des protos Mitsubishi pour le Dakar 1985. On peut dire que c’est là que tout va basculer pour le petit artisan qui, à la suite d’un retentissant doublé (Zaniroli/Da Silva et Cowan/Syer) va quitter le petit garage familial pour s’installer dans des locaux industriels dédiés à la Société Bernard Maingret (SBM).
Avec le recul
Alors que sur ce Salon de Lyon, trône un proto Mitsubishi ayant fait les heures de gloire de la firme pendant des années (12 victoires), nous soumettons Bernard Maingret à la question.
Bien évidemment, même après une dernière participation en 2004, Bernard Maingret suit toujours en connaisseur ce qui se passe sur les pistes du Dakar. Son verdict est clair. Les quatre roues motrices sont actuellement sérieusement pénalisées par rapport aux deux roues motrices. Il faudrait que la Fédération intervienne. Sur le Dakar on est peut-être allé un peu loin aussi en termes de dimensions, 2,40 m de large est-ce bien raisonnable ?
Témoignages
Présents eux aussi sur le stand « la saga des Maingret » Rigal et Viardot apportent quelques touches complémentaires à ces chevauchées fantastiques à travers les sables africains.
Hubert Rigal a roulé deux fois avec Bernard Maingret, il qualifie son ami d’excellent navigateur en plus d’un excellent technicien et nous confie son meilleur souvenir et la galère qui l’ont marqué.
Thierry Viardot a rejoint Bernard Maingret en 1987 en tant que directeur technique, puis est devenu son associé au sein de la SBM. Les deux hommes se connaissaient déjà, puisque Thierry venait à Pont de Vaux rôder les motos du Dakar.
Même s’il s’agissait du Salon des deux roues, la seule auto exposée a attiré beaucoup de curieux et suscité bien des questions auprès d’un Bernard Maingret « éternellement motard » mais ravi de replonger dans cet univers qu’il domina si bien avec sa passion de la gagne et son souci de ‘la belle ouvrage’ apprise chez les Compagnons.
Alain Monnot
Photos : Michel Picard
Présentation du Proto Mitsubishi exposé
Ce Mitsubishi Pajero Rally Raid usine est historique il a disputé la saison 1996 avec les résultats suivants :
• Victoire au Rallye du Maroc avec Bruno Saby- Dominique Seyries
• Victoire à l’UAE Desert Chalenge avec Bruno Saby- Dominique Seyries
• Troisième au Paris-Dakar avec Jean Pierre Fontenay-Bruno Musmarra
Révisé par Bernard Maingret ce proto immatriculé est en parfait état de fonctionnement.
• Moteur : 4 cylindres turbo compressé. Cylindrée : 2416 cc. Puissance : 260 cv, Couple 60 m/kg à 3 500 tr/mn, Injection multipoint ECI.
• Carrosserie composite
• Boite 5 Mitsubishi racing
• 2 Amortisseurs par roue.
• Châssis rallongé, renforcé avec structure tubulaire supérieure.
• Poids: 1460 Kgs
• Vitesse + 220 Km/h sur le sable.
c’est un bon article.
Ce qui est impressionnant, c’est l’écart entre ce proto préparé et ceux qui vont faire le Dakar désormais.
Le gouffre qu’il y a. Cela rend encore plus impressionnant leurs exploits d’alors.
Excellent, remarquable papier que celui de Monnot. Pourtant une chose me paraît ne pas avoir été suffisamment soulignée : outre tous les atouts évoqués, Bernard Maingret a toujours apporté dans ses relations professionnelles avec « son » personnel un sens de l’humanité et un respect d’autrui auquel peu d’autres managers accordaient de l’importance. Ces liens « d’homme à homme » ont toujours été d’une rare qualité et tous ceux qui ont travaillé avec Bernard Maingret évoquent encore un meneur d’homme d’exception, juste et bon. Le travail d’équipe c’était LA règle à la SBM, avec une peu courante chaleur humaine ; le secret de tant de victoires se trouve là !
Merci pour votre aimable commentaire.Je ne peux que confirmer ces qualités humaines que vous soulignez qui ne se démentent pas au fil des années comme je peux le constater régulièrement lors des 12 h de Pont de Vaux-Mondial du quad quand il anime et coordonne une belle équipe technique de bénévoles aussi compétents que dévoués.
Comme vous l’aurez compris, dans ce sujet mon objectif était plus technique évidemment.