Historique: des tracteurs de record

Imaginez un tracteur tentant de « faire un chrono » à Spa, avec Nigel Mansell au volant. Une idée dingue? Pourtant, dans les années 30, Allis-Chalmers comptait promouvoir ses tracteurs via des records de vitesse.

En 1932, le constructeur US de tracteurs agricoles Allis-Chalmers sorti son « modèle U ». Sa principale innovation, c’est qu’ils disposent de vrais pneus.

A l’époque, la concurrence se contente de roues en tôles (comme le Fordson ci-dessous.)

L’avantage des pneus, c’est de meilleures performances, une moindre consommation et une meilleure tenue de route sur les routes goudronnées (qui se multiplient aux USA.)

Mais forcément, cela implique un « budget pneu », aussi bien à l’achat qu’à l’entretien. Or, les agriculteurs Américains souffrent beaucoup des conséquences de la crise de 1929. Ils n’avaient pas vraiment le cœur à s’offrir un nouveau tracteur et sûrement pas un tracteur avec un surcout.

Elzey Brown, responsable de la pub chez Allis-Chalmers, a alors l’idée de souligner les performances du modèle U. Avec une nouvelle boite de vitesse, il devient une « voiture de course ». Frank Brisko, un pilote d’Indycar, en prend le volant. En juin 1933, il bat un premier record de vitesse: 35,4 mph (environ 57km/h.)

Mais pour que les médias en parlent, il faut un pilote médiatique, comme Barney Oldfield.

Berna Eli « Barney » Oldfield fut l’un des premiers pilotes de course US. Il n’a jamais remporté que des épreuves de deuxième catégorie. Mais il savait très bien scénariser ses victoires (quitte à acheter ses opposants) et attirer la foule. Américain de souche, grande g…, intrépide et un peu roublard, il était le casting parfait pour être la coqueluche du public.

Il a même tournée dans des courts-métrages à sa gloire. Et si vous vouliez que Barney Oldfield apparaisse dans votre foire agricole ou votre fête foraine, vous deviez lui donner 4 000$ (soit le prix de 5 Ford T!)

L’AAA (qui organise alors les épreuves d’Indycar), volontiers bourgeoise, hésite entre le mettre à l’index et tenter d’exploiter sa popularité. Dans les années 10, le championnat se professionnalise et Oldfield a de plus en plus de mal à s’imposer. D’autant plus que la nouvelle star, c’est Ralph de Palma. Alors il annonce sa retraite en 1918, à 40 ans.

Oldfield n’a probablement pas su préparer sa retraite et nul doute qu’il voulait revenir.

A l’été 1933, il prend le volant d’un Allis-Chalmers et il roule à 39,045mph (environ 62km/h.)

Oldfield n’avait pas perdu ses habitudes: ce premier record eu lieu à un jet de pierre du speedway d’Indianapolis. En plus, il est venu avec Denny Duesenberg et Charles Chevrolet (deux fils d’anciens pilotes), afin qu’ils disent combien Oldfield était plus rapide que leurs papas.

Oldfield écume les foires agricoles (des démonstrations dans 7 états différents en 2 semaines!) Il fait peindre « 999 » sur son tracteur. En mémoire de la Ford 999, son premier volant en compétition, 30 ans plus tôt.

En septembre, il bat un nouveau record: 64,2 mph (environ 102km/h.)

La collaboration entre Oldfield et Allis-Chalmers s’arrête a priori là (parce qu’Oldfield est trop cher?) Le champion se retira dans sa maison de Beverly Hills, où il mourut en 1946, à 68 ans. 2 ans plus tard, l’AAA révisa son barème de point et lui attribua un titre pour l’année 1905.

En 1934, un nouvel Ellis-Chalmers « de course » apparait. Il s’agit d’avantage d’une initiative d’Harvey Firestone, afin de promouvoir ses pneus agricoles. Ab Jenkins le pilote.

David Abott Jenkins et Barney Oldfield sont tout les deux venus à la compétition, à travers des courses cyclistes sur le lac salé de Bonneville. C’est à peu près leur seul point commun.

Alors qu’Oldfield se vantait de faire la tournée des bars, Jenkins respecte la morale mormone: pas d’alcool, pas de cigarette et pas de café. Jenkins était davantage un pilote d’essai. Il fut également l’instigateur de la fameuse « speed weeks » de Bonneville.

Dans l’Ohio, dans une propriété d’Harvey Firestone, Jenkins décroche un nouveau record: 65,45mph presque 105km/h.)

Evidemment, Jenkins vint à Bonneville avec l’Allis-Chalmers.

En 1936, il atteint ainsi 68mph (109km/h.) Un journaliste le décrivait comme quelqu’un « chevauchant un bison effrayé ». L’histoire ne dit pas si, comme à son habitude, Jenkins s’est rasé au volant (afin d’avoir l’air frais sur la photo souvenir.)

Firestone a gagné: le pneu agricole s’impose peu à peu.

Quant à Jenkins, il fut élu maire de Salt Lake City en 1939. Ce qui ne l’empêcha pas de continuer à courir à Bonneville. Il est mort en 1956, à 73 ans.

Source:

Hemmings

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