Alors que Carlos Ghosn est apparu aujourd’hui pour la première fois devant un tribunal japonais, son ami et homme d’affaires saoudien Khaled Al-Juffali a quant à lui fourni – via ses représentants – des éléments de défense sur une des malversations dont est soupçonné l’ancien patron de Nissan. Laquelle le concerne directement.
Une société contrôlée par Khaled Al-Juffali – descendant d’une puissante famille d’entreprises et président de l’un des plus grands conglomérats du royaume saoudien – , E.A. Juffali & Brothers, a ainsi défendu Ghosn lors de sa première déclaration publique depuis sa mise en détention.
Ghosn accusé d’avoir intégré des pertes personnelles dans Nissan
Pour rappel, le 21 décembre dernier, Carlos Ghosn a de nouveau été placé en état d’arrestation sur la base de nouvelles accusations. Les procureurs de Tokyo ont de nouveau placé en détention Carlos Ghosn – poursuivant, dans les faits, son incarcération – pour suspicion d ‘«abus de confiance aggravé».
L’ancien PDG de Nissan est ainsi accusé d’avoir illégalement intégré dans les comptes de Nissan des pertes de 1,85 milliard de yens (14,6 millions d’euros) liés à des investissements personnels. Causant le cas échéant un préjudice financier au constructeur japonais. Il s’agit de pertes sur des dérivés de devises enregistrées par le dirigeant durant la crise financière 2008.
Aide financière de Khaled Al-Juffali
Pour faire face à ces difficultés financières et tenter de répondre aux exigences de garantie de la banque Shinsei gérant alors ses affaires, Carlos Ghosn s’était alors tourné vers un ami et homme d’affaires saoudien, Khaled Al-Juffali, en vue d’obtenir une aide financière. Ce dernier, étant vice-président du – puissant – groupe E.A. Juffali & Brothers et président de Nissan Gulf , une coentreprise créée en octobre 2008 par Nissan en vue de soutenir ses activités de vente et de marketing en Arabie saoudite, à Abou Dhabi, au Koweït et à Barheïn.
Ghosn aurait-il confondu comptes de Nissan et comptes personnels ?
Entre 2009 et 2012, 14,7 millions de dollars (12,8 millions d’euros) prélevés sur une « réserve du PDG » établie par Nissan, ont été transférés par la suite sur un compte bancaire de Nissan Gulf. Une somme quasi-équivalente aux pertes enregistrées par Carlos Ghosn qu’il est accusé d’avoir intégré à tort dans les comptes de Nissan. Les procureurs de Tokyo soupçonnent ainsi que ces versements ne soient ni plus ni moins qu’un retour d’ascenseur destiné à remercier Khaled Al-Juffali de son aide. Aux frais de Nissan ….
Khaled Al-Juffali construit la défense de Ghosn
Souhaitant désormais fournir de plus amples détails sur le dossier, en vue de construire la défense de Carlos Ghosn, le partenaire commercial de Nissan en Arabie saoudite a déclaré mardi que sa société avait aidé le constructeur à résoudre un différend avec un concessionnaire et à ouvrir la voie à une entreprise commune. Ce qui – selon lui – justifie la somme de 14,7 millions de dollars de paiements actuellement soumis à l’examen des procureurs de Tokyo dans le cadre de l’enquête du président déchu Carlos Ghosn.
Les sommes versées à Nissan visaient des objectifs commerciaux légitimes selon Khaled Al-Juffali
“Les 14,7 millions de dollars de paiements versés par Nissan pendant quatre ans visaient des objectifs commerciaux légitimes, dans le but de soutenir et de promouvoir la stratégie commerciale de Nissan en Arabie saoudite, et comprenaient le remboursement des frais professionnels« , selon un communiqué publié au nom de la direction Khaled Juffali Co. par son représentant des relations publiques basé à New York, Terry Rooney, fondateur et PDG de RooneyPartners.
Une contrepartie sonnante et trébuchante ?
Dans le dernier mandat d’arrêt, les procureurs ont accusé Ghosn de violer la loi japonaise sur les sociétés en portant préjudice à Nissan. S’il est reconnu coupable, l’ancien patron de Nissan risque une lourde peine de prison. Toute la problématique du dossier est de déterminer si Khaled Juffali Co a réellement livré quelque chose de valeur en contrepartie des quatre paiements qu’il a reçus, pour un total de 14,7 millions de dollars.
Dans sa déclaration, la société Juffali a déclaré qu’elle avait joué un rôle clé dans le règlement d’un différend avec un partenaire local qui avait impacté les ventes de Nissan au Moyen-Orient, tout en obtenant par ailleurs l’approbation du gouvernement pour la création d’une entreprise commune appelée Nissan Saudi Arabia.
La société de Khaled Juffali « a oeuvré pendant des années pour obtenir l’approbation et le financement d’une nouvelle usine de fabrication de Nissan au Royaume d’Arabie saoudite », précise le communiqué. Lequel ajoute : “il est clair que Khaled Juffali Co. a fourni de nombreux services concrets qui continuent de bénéficier au bénéfice substantiel de Nissan Motor Co. Ltd. et de Nissan Middle East. »
Même son de cloche du cote de l’avocat de Ghosn
La déclaration faite au nom de la société Juffali est à rapprocher des propos de l’avocat de Ghosn à Tokyo. Ce dernier a déclaré à Bloomberg que ces paiements constituaient une « rémunération pour le partenaire commercial saoudien soutenant les activités de Nissan en Arabie saoudite ». Précisant que la division Moyen-Orient de Nissan avait été à l’origine de cette opération, et non pas Ghosn, bien qu’il l’ait approuvé.
Un partenaire d’affaires selon l’avocat de Ghosn
Un grand nombre d’employés de la division Moyen-Orient de Nissan savaient que ce partenaire commercial travaillait pour le compte de Nissan, a déclaré l’avocat de Ghosn, ajoutant que le représentant local restait profondément impliqué dans les activités commerciales de Nissan en Arabie saoudite.
Lors d’une conférence de presse mardi après-midi, l’avocat principal de Ghosn, Motonari Otsuru, a passé un long moment pour tenter de dissiper les soupçons du procureur de Tokyo sur une éventuelle tentative de l’ancien président de Nissan de transférer une perte personnelle sur les comptes du constructeur et sur la légitimité d’une série de paiements versés à Juffali.
L’avis de Leblogauto.com
Alors que la presse internationale a les yeux rivés sur Carlos Ghosn … ne fournissant au final que très peu de nouveaux éléments sur le dossier – peu de medias s’intéressent aux arguments communiqués par la société Juffali. Et pourtant … ce volet du dossier tient une place très importante dans les accusations portées contre l’ancien PDG de Nissan. D’où l’importance de ces éléments de défense.
Sources : Bloomberg, Automotive News, Reuters, AFP
Illustration : Nissan Gulf