Galop d’essai exclusif : Toyota 86 TRD, Factory Tune et Racing au grand galop

Pas de destination exotique ni de mise en scène mystérieuse : le rendez-vous était donné un jour de semaine à 8 heures du matin dans le paddock du Fuji Speedway, où se trouvaient un grand nombre d’exemplaires de la 86 ainsi que d’autres Toyota fort intéressantes qui feront l’objet d’autres posts. Une escouade de voitures bien alignées dans le parking, les clés sur la console, presque toutes immatriculées 86-quelque chose, donnait l’ambiance.

Toutes étaient en libre accès, pour permettre aux participants de se remémorer en guise de mise en train sur les routes de service autour du circuit les caractéristiques principales de la voiture en conduite standard. La météo était bien la seule à ne pas vouloir y mettre du sien…

Dans les garages, une petite mise en scène de la 86 et de sa cousine Subaru la BRZ rappelait que les deux constructeurs ont mené le projet ensemble même si la journée était consacrée à la Toyota. A côté des autos étaient disposés les accessoires  associés au modèle, des pièces jusqu’aux vêtements, comme on les trouve dans le coin réservé nommé Area 86 des concessions Toyota japonaises. Ce branding permet de souligner la particularité du modèle par rapport aux autres voitures de la gamme.

D’autres 86 dans divers états de préparation et de personnalisation attendaient tranquillement la fin du briefing et l’ouverture de la porte du garage vers la pitlane, tandis que d’autres encore présentaient les diverses déclinaisons créées pour la compétition : VLN, Super Taikyu, mais aussi, on le sait moins en Europe, Championnat du Japon des rallyes où la 86 a été rapidement adoptée. Akio Toyoda passe ainsi certains de ses dimanches dans les forêts japonaises au volant d’une 86 du Gazoo Racing sous son nom de guerre Morizo.

Après une présentation rapide des divers participants de la journée, Tetsuya Tada concluait la courte réunion par un atypique “profitez bien de notre voiture, nous espérons que vous y prendrez du plaisir.” Pour une fois pas de liste d’avertissements à rallonge, pas de procédure compliquée pour accéder aux autos, pas d’attachés de presse nerveux perdus dans un programme minuté, juste une invitation à monter dans les voitures et prendre la piste, trois tours à la fois, pendant trois heures. Il y a décidément quelque chose de changé au royaume de Toyota, et pas en mal.

Toyota Racing Development

La première version dans laquelle nous avons pris place a été présentée au dernier Mondial de l’Automobile mais existe au Japon depuis le printemps dernier : c’est la préparation réalisée par TRD, qui propose un ensemble de pièces pour accentuer le côté sportif de la voiture, disponibles chez les concessionnaires Toyota.

Ce kit est très complet (on peut choisir les éléments à la carte) puisqu’il comprend, outre des boucliers et bas de caisse revus, combinés ressort amortisseurs réglables, freins, échappement à quatre sorties, barres stabilisatrices, et à l’intérieur de beaux baquets, un combiné d’instrumentation et quelques éléments purement ornementaux comme un bouton de démarrage rouge vif qui arbore fièrement le sigle de TRD. L’auto, surbaissée sur ses jantes de 18 pouces et dotée d’un bouclier plus agressif que la voiture de série, a fière allure dans la ligne des stands.

Un coup de démarreur confirme que les échappements sont différents et produisent un son un peu plus grave et plus brut, tout en restant civilisé. La 86 TRD ne va pas réveiller le quartier. Première enclenchée, c’est parti pour trois tours. La piste est grasse, avec une pluie intermittente, et met à contribution immédiatement le VSC réglé en mode sport. Pas de changement avec la voiture standard, la nounou électronique est plutôt permissive et laisse gentiment partir l’arrière avant d’intervenir, à moins que l’on ne préfère tout déconnecter pour du pilotage sans filet. De bon matin sur le mouillé, c’est un peu téméraire, donc on laisse le système enclenché… Il n’empêche que la conduite de l’auto est plus prenante. Les grandes roues chaussées avec des pneus pas en bois et les suspensions plus fermes rendent la voiture plus vive dans ses réactions, plus affûtée.

Il faut se concentrer et on sent que la voiture est plus “ sérieuse”, moins pédagogique. La session n’est pas chronométrée (ou en tout cas les temps restent diplomatiquement rangés dans le PC de chronométrage) mais au pifomètre il n’est pas évident que les temps réalisés avec la TRD soient meilleurs pour le conducteur occasionnel qu’avec la voiture de série. Pour un conducteur plus experimenté par contre, la 86 TRD représente des possibilités intéressantes, mais tout cela a un prix. Un peu plus de 2 millions de yens pour la longue liste des pièces, ce qui double essentiellement le prix de la voiture. Il y a pourtant des clients, puisque TRD a un cachet certain parmi les fans de la marque, un peu comme Renault Sport pour les amateurs de la marque française.

Special Toyota Development

La seconde auto essayée est très reconnaissable à son grand aileron et son kit carrosserie plus exubérant que la TRD. Contrairement à cette dernière, il ne s’agit pas d’un kit vendu mais d’un prototype développé en interne chez Toyota, dénommé de façon prosaïque Factory Tune 001. Il s’agit d’un exercice pour voir comment la 86 pourrait évoluer. L’idée, expliquée par le chef du projet, est de donner à la voiture un ressenti plus “adulte”, plus GT que la voiture de série. Pas plus que sur la TRD de modification moteur mais un travail basé essentiellement sur les trains roulants, avec des amortisseurs Sachs spécifiques, des freins Brembo, des jantes BBS 18 pouces montées en Potenza S001 et un nouveau différentiel à glissement limité d’origine TRD.

Sortant de la voiture préparée par TRD on s’attend à quelque chose de moins hardcore, mais ca n’est pas exactement ça. Comme sur la précédente, les roues et les pneus font une grande différence avec la voiture de série, et permettent d’exploiter l’auto de façon efficace. Mais la Factory Tune se distingue par une suspension à la fois ferme et confortable, moins dure que la TRD mais plus tenue que la 86 de série. Le ressenti est très agréable, la voiture est parfaitement posée, tout en continuant à permettre les fantaisies d’usage, mais il faut les provoquer plus.

Alors que de premier abord c’est la TRD qui paraît offrir le plus de promesses, c’est cette version qui s’avère en fait la révélation. Telle quelle il est évident qu’elle manque de la puissance à volonté qui définissent des grosses GT, mais on s’imagine bien faire de la route avec elle à bonne allure. Elle confirme en tout cas que l’auto a les épaules pour accueillir un groupe propulseur plus musclé et que Toyota sait parfaitement quoi faire le jour où la décision en sera prise.

Il est d’ailleurs intéressant de constater l’approche choisie. Pour les deux autos essayées ici, comme pour la voiture de compétition dont il est question plus bas, le constructeur a décidé de porter les efforts (conséquents) pour faire évoluer le châssis et les liaisons au sol, raffinant la tenue de route et le ressenti, sans toucher au moteur.L’offre abondante sur le marché de la préparation montre pourtant qu’il n’est pas compliqué de passer la puissance à 250 chevaux ou plus, mais Toyota reste fidèle à la philosophie proclamée de l’auto, qui est de privilégier le plaisir de conduite à la performance. A moins qu’il ne s’agisse de laisser place un peu plus haut dans la gamme pour une voiture plus puissante.

Tada-san ne fait en effet pas mystère de son souhait de voir une sportive en dessous de la 86 et une au-dessus. Pour la petite, c’est en route. La presse japonaise se fait l’écho régulièrement d’une propulsion compacte avec un moteur 1,5l. Pour la grand, le retour de la Supra est évoqué régulièrement également, encore que l’alliance avec BMW ait changé la donne; le développement d’une sportive sur une base commune avec la prochaine Z4 est désormais l’hypothèse la plus probable. En attendant, les 200 chevaux de la 86 semblent fixés dans le marbre jusqu’à nouvel ordre.

Gran Turismo

Après les deux versions spéciales, retour à une 86 purement de série mais équipée d’un boîtier d’acquisition de données. Sur le modèle de ce que proposent d’autres constructeurs, Toyota offre en accessoire au Japon cette possibilité d’enregistrer les paramètres de fonctionnement, moteur, accélération  vitesse, position, etc. que l’on peut à l’issue de la session transférer sur une clé USB pour ensuite visualiser les résultats dans Gran Turismo 5. C’est excitant sur le papier, mais le fait est que l’on n’en mène pas large quand de retour au stand on branche la clé USB dans une PS3 reliée à un moniteur géant et que l’instructeur vous indique qu’il va superposer vos données avec celles d’un pilote essayeur Toyota ayant fait quelques tours de référence la veille…

Sans illusion sur la sincérité des compliments de circonstance délivrés poliment par l’instructeur, on se prend rapidement au jeu de déchiffrer le graphique d’accélération freinage, de comparer les trajectoires, de comprendre où on peut gagner du temps. Le graphique est nettement plus parlant quand on a généré soi-même les données. Il est également possible d’utiliser ses tours réels (ou ceux d’un pilote plus compétent) en mode Ghost dans Gran Turismo, infusant ainsi une passionnante dose de réalité dans la simulation, et inversement. Pour qui veut s’adonner sérieusement à la conduite en circuit, cette option est un must.

Accessoirement, cette excursion en 86 de série était également l’occasion de teste la version automatique de la 86 à côté de la version manuelle. L’expérience des palettes au volant est un peu déroutante quand on descend directement d’une auto à boîte mécanique. Les montées de rapports se font naturellement mais le premier freinage/rétrogradage demande un peu de réflexion alors que les pieds cherchent la séquence talon pointe, évidemment inutile… On a aussi l’impression un instant en jouant des palettes de se retrouver justement dans Gran Turismo, avant que la réalité ne reprenne ses droits. C’est pour le moins paradoxal. La boîte automatique n’est à proprement parler inefficace. Elle ne décide pas elle-même de changer les rapports, par exemple, mais le fait est qu’elle n’apporte pas la satisfaction de bien opérer une boîte manuelle, ce qui n’empêche que cette version est particulièrement appréciée au Japon, pays de l’automatique s’il en est.

Cette expérience de la 86 en circuit confirme également que la limitation électronique à 180 km/h que s’imposent les constructeurs japonais sur leur marché local est peut-être adaptée au touge mais pas au circuit. Arrivé au limiteur au tiers de la loooongue ligne droite du circuit avec le compteur généreusement bloqué à 183 km/h, on a largement le temps de penser à la version européenne qui ne s’embarrasse pas de cette concession à la prévention routière locale. D’aucuns prétendent que la chose est aisément contournable, d’un coup de reprogrammation, comme sur la plupart des sportives japonaises… Toyota ne fait évidemment pas de commentaire sur ce point.

86 Racing

Dernière étape de notre tour d’horizon de la 86, une voiture de course nous attend. Il s’agit de la version Racing destinée à la coupe monotype qui commence en 2013 et est ouverte aux Toyota 86 et Subaru BRZ de série ou pas loin, avec sept épreuves se déroulant en ouverture du Super GT ou d’autres grands meetings de sport auto.

La 86 Racing est produite par TRD. Pour limiter les coûts la voiture est essentiellement identique à l’auto de route. En guise de différences, un arceau sécurise et rigidifie l’habitacle dépouillé de tous les équipements de confort, un baquet de course équipé d’un harnais quatre points remplace le siège de série, un extincteur et un coupe-circuit sont installés, les roues sont remplacées par des jantes de 16 pouces chaussées en Bridgestone Potenza RE-11 et les amortisseurs sont remplacés par des combinés au tarage « circuit » alors que l’échappement aboie un peu plus. Mais c’est tout. Il n’empêche, on s’y croit quand le personnel de TRD s’affaire autour de l’auto et aide à boucler le harnais…

L’accélération dans la pitlane confirme toutefois que l’engin, malgré sa livrée spectaculaire, ne s’est pas transformé en machine de Super GT. C’est bien la même auto avec ses 200 chevaux, un poil plus rigoureuse à cause des meilleurs pneus et de la rigidification apporté par les réglages de suspension et l’arceau, mais le comportement n’est pas altéré radicalement. On pourrait sans difficulté prendre cette auto pour rentrer à Tokyo. N’ayant pas conduit d’autres voitures du même type, par exemple une Clio Cup, il est difficile de faire une comparaison, mais cette 86 Racing semble sur le papier nettement plus proche de la voiture de série que la petite française de sa consoeur immatriculée.

C’est un choix de Toyota qui veut que sa série soit accessible au plus grand nombre, en terme financier mais aussi de compétence nécessaire, et un message pour dire : « telle quelle, notre voiture peut faire la course ». La coupe monotype devrait essaimer en dehors du Japon, et Tada-san explique qu’il aimerait bien à terme avoir des coupes un peu partout avec une grande finale annuelle au Japon… On n’en est pas là encore, mais les premières courses de la série devraient apporter plus de spectacle que les très sages Vitz (Yaris) qui sont actuellement chargées de la coupe monotype de Toyota au Japon.

Arrivé à la fin de la journée, quand les autos rentrent dans les camions de TRD et Gazoo, la conclusion qui se fait jour à mesure que la nuit tombe est simple : Toyota a trouvé la bonne formule avec cette auto. Simple et pas avare de plaisir de conduite telle quelle, elle se prête de bonne grâce à la modification et réagit en conséquence. Reste le problème de la puissance. Avec 200 chevaux, sur un circuit comme le Fuji Speedway fait pour les plus rapides compétitions, on se trouve parfois un peu humble. Mais on ne s’ennuie jamais : objectif atteint !

Crédit photos : Yuji Shimizu et PLR pour leblogauto.com

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