Dans une interview accordée à Reuters en juillet dernier, Sergio Marchionne, administrateur délégué de Fiat, avait promis une surprise sur le stand Lancia pour le salon de Genève 2006. On a attendu et on a rien vu venir. Selon le magazine anglais Autocar, ce sera pour Paris en octobre et le concept-car s’inspirera de la Lancia Beta HPE, commercialisée entre 1975 et 1984. En d’autres termes, c’est une confirmation de la direction que prend Lancia pour ses futurs modèles: il faut définitivement oublier l’héritage de la marque et poursuivre sur la voie désastreuse engagée à la fin des années 90, qui ont permis au constructeur italien de se rendre invisible aux yeux du public.
Alors que nous attendons tous avec impatience une digne héritière de la Delta, Giuseppe Bonollo, responsable gestion du portefeuille produits pour Fiat et Lancia, nous promet une Beta HPE. Quel meilleur modèle pour reconstruire Lancia? La Beta Coupé dont la HPE dérive n’a jamais été considérée comme une vraie Lancia par les lancisti qui considéraient son châssis comme inférieur à celui de la Fulvia, parce qu’il ne permettait pas de courir en rallye.
Reste que la Beta HPE est certainement le meilleur modèle dans le passé du constructeur qui puisse satisfaire les exigences du futur positionnement de la marque comme l’a révélé Giuseppe Bonollo au salon de Genève. Lancia doit en effet passer du statut de constructeur qui privilégie la tradition à celui d’un constructeur qui embrasse le futur et tout ses ersatz que sont les Crossover, SUV, SAV et autres néologismes. Comme par hasard, c’est aussi l’évolution du positionnement de Fiat pour 2008. Tout est dit. Lancia ne jouit pas d’une grande considération chez Fiat et n’a même pas son propre responsable des produits. Le géant italien compte bien faire de Lancia, un Lexus italien. Quel est le mal me direz-vous? Aucun, les Lexus sont d’excellentes copies de voitures européennes. Une Lexus, c’est un peu comme une saucisse végétarienne, c’est fait pour en avoir la forme, le goût, mais ce n’est pas une saucisse. Mais on pardonne à Lexus car les enquêtes de fiabilité et de qualité place la filiale japonaise sur le podium et elle bénéficie dans ce domaine d’une aura que Fiat ou Lancia n’ont pas. En adoptant la stratégie de Toyota, Lancia aura une gamme sans vraie personnalité, mais en plus avec la fiabilité et le service du groupe Fiat. Autant arrêter Lancia maintenant.
Pour s’imposer, Lancia n’a pas d’autres choix que de lancer des modèles qui ont du caractère. La future Delta doit s’inspirer de la première Delta qui avait été élue voiture de l’année en 1980 avec plus de 70% des points distribués par le jury. Elle doit représenter un point de rupture comme l’a fait la 156 pour Alfa Romeo en 1997. Au lieu de concevoir une variante du nouveau SUV Fiat/Suzuki dont l’échec commercial est assuré, Lancia devrait travailler sur l’achèvement d’une gamme traditionnelle avec des berlines dans un premier temps. Mais tradition ne veut pas forcément dire embourgeoisement car la carrière désastreuse des Lybra et Thesis ces dernières années ont prouvé que c’était une erreur. Lancia est un constructeur au passé viril et doit le faire renaître.
Lancia doit aussi développer et renouveler très régulièrement sa gamme à l’heure ou la fidélisation est le leitmotiv des constructeurs. Comment conquérir le client quand celui-ci sait que le modèle qu’il va acheter ne sera pas forcément renouvelé et que lors de la revente sa voiture affichera une forte décote. On se souvient des deux ans d’interruption entre la Kappa et la Thesis ou de l’arrêt de la Lybra qui n’a pas été remplacée. On ne parle même pas de la Delta dont les anciens possesseurs sont allés chercher leur bonheur chez Alfa Romeo, Audi et BMW. On est en droit de penser que le futur SUV, appelé Pangea, n’aura pas de successeur.
Fiat veut positionner Lancia comme un constructeur moderne. Il faut dès lors qu’il s’en donne les moyens. Il faut éviter les fanfaronnades comme les plus de 100 teintes disponibles pour la petite Lancia, ce dont le marché ne veut pas, et offrir de vraies nouveautés comme l’inauguration du moteur 5 cylindres sur la Kappa. Comment justifier en son temps l’absence de boîte automatique disponible sur la Lybra ou la disparition des quatre roues motrices au sein de la gamme?
Avec son passé, Lancia pourrait devenir l’Audi italien, mélange de technologies, de performances et de design, comme la Delta en son temps. Mais sous la direction de Fiat, Lancia semble condamné à devenir le Lexus italien, et je précise italien, car en dehors des frontières transalpines, avec ce concept, la relance de Lancia est vouée à l’échec.