Fiction: 1er janvier 2021, le jour où Renault a disparu

Renault était un constructeur très franco-français. En Espagne et en Grande-Bretagne (dans les utilitaires), il bénéficiait d’une implantation forte. Mais il n’en profitera pas.

A la fin des années 70, il a tenté de racheter American Motors Corporation, alors mourant, pour s’implanter aux Etats-Unis. Il donne une nouvelle jeunesse à Jeep et fait produire des Renault Américanisée. Mais la firme au losange subit elle-même de graves difficultés financières et elle doit revendre à Chrysler au milieu des années 80. Dés lors, elle ne tentera même plus de revenir via l’importation.

En Chine, Renault a manqué de nombreuses opportunités. Deng Xiaoping était fier d’avoir travaillé pour Berliet et Renault dans sa jeunesse. Il a facilité l’implantation du camionneur Lyonnais en Chine. Renault a racheté Berliet et suite à des délits de sale g…., tout ce qu’il a fait est mis de côté. A la même époque, AMC passe un accord avec BAIC pour produire le Cherokee. Renault n’en profitera pas pour tisser des liens avec les Chinois. Dans les années 90, il monte une joint-venture avec un équipementier de l’aérospatiale pour assembler des Master. Un projet sans réelle ambition et qui fait long feu. A la fin des années 90, BAIC assemble une poignée de Scenic en vue d’un accord. Accord qui ne verra jamais le jour. Puis Renault devait s’inviter dans la joint-venture de DongFeng avec Nissan (comme Mercedes avec BAIC et Chrysler ou Mazda avec ChangAn et Ford.) Mais face à la bureaucratie Chinoise et aux divergences de vues avec DongFeng, il baisse les bras.

En Inde, il crée une joint-venture avec Mahindra pour produire des Logan. Faute de vente, la joint-venture est dissoute en 2010. Ironie de l’histoire, ils préparaient ensemble une Logan 5 portes. Mahindra la commercialise sous son badge et il peut ainsi se lancer dans les voitures particulières. Renault est donc « responsable » du succès de Mahindra. Le camionneur Ashok-Leyland songeait à construire des utilitaires légers, voir des voitures particulières, avec Nissan. Une idée abandonné. Renault s’est invité dans le projet d’ultra-low-cost de Bajaj. Mais la mévente de la Tata Nano et l’inexpérience de Bajaj ont torpillé le projet.

Etats-Unis, Chine, Inde: trois marchés importants où Renault s’est fermé la porte, faute de réelles ambitions. Il lui restait ses pré-carré Sud-américain et Moyen-orientaux. Hélas, au fil des années, il y fut victime de l’agressivité de Kia-Hyundai, puis de Chery. En quelques années, ils se sont appropriés ces marchés.

En 1999, Renault rachetait Nissan. Ce fut l’une des rares fusions-acquisition de l’époque a avoir duré. A l’époque, la firme au losange était l’un des seuls constructeurs à dégager des bénéfices. Il pouvait donc faire du shopping.

Nissan était miné par des maux typiquement Japonais: autisme des cadres dirigeants (tous Japonais et tous issu des mêmes écoles), dérive de la qualité et des prix chez les équipementiers (lesquels étaient souvent des filiales de Nissan), luttes intestines absurdes (la Skyline n’était pas exportée car elle descendait d’un modèle conçu par Prince, racheté par Nissan dans les années 60), masse salariale mal maitrisée (les entreprises Japonaises garantissaient quasiment un emploi à vie), etc.

Carlos Ghosn est envoyé par Renault et il ne va pas par quatre chemins: suppression d’effectifs, réduction du nombre de fournisseurs, intégration de davantage d’éléments étrangers dans l’encadrement. Le redressement est spectaculaire. Il est symbolisé par des modèles comme la 350Z ou la GT-R.

Renault avait tenté de mettre la main sur Skoda en 1991. VW remporta finalement le morceau (car il allait maintenir la marque Skoda, alors que Renault voulait juste y produire des Renault.)

Il se vengait en 1999 avec Dacia. Dacia n’avait pas été choisi par hasard: Renault en était le partenaire technique depuis ses débuts, à la fin des années 60. Comme de nombreuses entreprises des anciens pays communistes, le constructeur Roumain naviguait à vue. Il n’y avait pas vraiment de dirigeants. L’usine n’avait pas de toilettes, ni de douches. Les ouvriers arrondissaient leurs fins de mois en revendant des pièces détachées ou en fabricant des objets sur la chaine de montage.

Là encore, Renault casse tout. L’usine est modernisée, des procédures qualité apparaissent et un nouveau modèle est lancé, la Solenza, en 2003. Tout est fait pour que la Logan débarque dans les meilleures conditions possible, en 2004.

Renault s’est ensuite offert Samsung. Dans les années 90, le géant Sud-coréen de l’électronique voulait devenir constructeur automobile. Un must-have pour un chobol (tentaculaires conglomérats sud-coréens), à l’instar de Daewoo et Hyundai. Il a recruté des ingénieurs Soviétiques (car ils sont moins chers) et s’est rapproché de Nissan (pour qu’il lui fournisse un véhicule.) Lorsque la première Samsung est sortie, le pays traversait une grave crise économique. Samsung a du vendre.

Daimler a profité du rachat de Mitsubishi pour devenir (brièvement) actionnaire de Hyundai (dont Mitsubishi était alors l’un des principaux actionnaires.) Renault a fait de même avec Samsung: comme Nissan en est partenaire, il a profité du rachat du constructeur Japonais pour reprendre Samsung, en 2000.

La gamme passe rapidement d’un à quatre modèles (tous basés sur des Nissan-Renault.) La production sur l’unique site de Busan explose.

Enfin, dans un moindre mesure, Renault a repris la Somaca. L’entreprise Marocaine ne faisait que de l’assemblage de kits. Le constructeur Français investit et davantage d’opérations sont faites sur place.

Des investissements sont également fait dans les sites Slovènes et Turcs du constructeur. Il s’agit de les mettre aux normes occidentales.

En quelques années, le constructeur franchouillard s’est mué en « alliance » internationale.

Le point de basculement a été 2005. La Logan était une low-cost destinée aux pays émergents, notamment l’Europe Orientale. Il semblait logique de la produire chez Dacia, car c’était moins cher et surtout, il pouvait profiter de la présence déjà ancienne du constructeur dans cette région.

Néanmoins, très vite, l’Europe occidentale réclamait à son tour la low-cost Roumaine. Louis Schweitzer, alors PDG sur le départ, a du se battre avec son successeur, Carlos Ghosn, pour qu’elle soit vendue en Europe de l’ouest.

En 2005, la Logan débarquait donc en France. C’est un carton et en quelques années, Dacia s’installait dans le paysage Français.

Jusqu’ici, les usines étrangères de Renault ne produisaient que pour les marchés locaux. Ou alors, elles se faisaient discrètes, à l’instar des Supercinq de Novo Mesto.

La Logan a brisé un tabou: les clients Français ont confiance en leur Renault, quel que soit leur pays d’origine.

Le marché du SUV en Corée du Sud et en Europe était trop petit pour nécessiter deux usines. D’où l’idée de regrouper les moyens. Ainsi, en 2008, le Samsung QM5, produit à Busan, est exporté dans le monde entier sous le nom de Koleos.

Quant à la Samsung SM3, elle est produite par Renault-Oyak en Turquie et diffusée en occident sous le nom de Renault Fluence.

Côté produits, Renault n’arrivait pas à conquérir de nouveaux marchés. Spider Renault Sport, Avantime, Modus, Laguna coupé, Koleos, renaissance de Gordini, Wind, Twizy… Autant de flops (la Megane CC étant l’exception qui confirme la règle.)

Jusque dans les années 80, les constructeurs Français dominaient le marché Français du premium. Puis, leurs parts se sont étiolées au fil des années. La Vel Satis n’a jamais convaincu. Elle est remplacée de fait par la Latitude, une Samsung SM5 rebadgée pour l’export. La grande berline SM7 resta dans les cartons, faute de demande en Europe et en Asie. L’Espace IV n’a pas été remplacé.

La Laguna a longtemps été le best-seller de Renault. La Laguna II a payé au prix fort sa mauvaise réputation. La Laguna III a corrigé ses défauts, mais la clientèle était déjà définitivement partie.

Sachant que Sandouville produisait la Vel Satis, l’Espace et la Laguna, elle s’est donc retrouvé en porte-à-faux.

En bas de gamme, les Twingo et Clio souffraient de la concurrence avec les modèles Dacia, plus basiques, mais moins chers.

En France, Renault a tout misé sur les primes à la casse pour gonfler ses ventes. Il a multiplié jusqu’à plus soif les promotions et les rabais pour compenser la réduction, puis la disparition, des aides gouvernementales. Du coup, il s’est donné une image de soldeur, très préjudiciable pour vendre des véhicules plus cossus comme la Wind, la Laguna III restylée ou la Latitude.

Dans le même temps, Nissan a poursuivit son redressement. Il a su bien profiter de l’émergence du marché Chinois, où il a créé une marque inédite, Venucia. Il était également assez présent aux Etats-Unis. En Europe, il a su se crédibiliser dans les citadines et imposer sa marque Infiniti dans le premium.

En conséquence, Renault a choisi d’abandonner certains secteurs géographiques et certains segments à Nissan. « Nissan y est déjà, alors pourquoi y aller? Au mieux, on ne réussirait qu’à le gêner. »

Le constructeur Japonais est devenu le leader de l’Alliance.

A partir de là, c’est l’engrenage de la délocalisation.

Louis Schweitzer n’était pas plus attaché que cela à l’automobile. C’était un haut fonctionnaire Français de la vieille école, point. Au moins, il avait une certaine idée de Renault et s’y tenait.

Carlos Ghosn est un Libanais né au Brésil. C’est une « élite mondialisé » et il était donc partisan d’une globalisation de Renault. L’argument était financier: les ouvriers d’Europe orientale, du Maroc ou de Turquie étaient moins chers. Et lorsque le SMIC local a augmenté, Renault refait ses valises.

On l’a dit plus haut, la mévente des hauts de gamme, tous produit à Sandouville, a mis en péril le site. Renault le sauve en y produisant des Trafic.

A Flins, on annonçait la délocalisation de la Clio en Turquie. La firme au losange a annoncé qu’en compensation, il recevait la Twizy et un reliquat de Clio.

La donne a changé en 2012. A peine l’élection présidentielle est passé qu’une rumeur est apparue: l’état voudrait vendre ses dernières parts dans Renault. Il s’agissait de remplir les caisses de l’état. Nicolas Sarkozy jurait qu’il n’en fera rien. Mais dés que les élections législatives furent passées, l’état a réduit sa participation, avant de revendre ses dernières actions, en 2014. L’alliance Renault-Nissan s’est transformée en un groupe de six marques (Dacia, Infiniti, Nissan, Renault, Samsung et Venucia.)

L’état disposait d’un droit de véto théorique. Désormais, la firme au losange a les mains totalement libres. Elle a profité du restylage de la Clio IV pour transférer toute la production, à Bursa. Le site de Flins ferme. La Megane avait une gamme trop complexe pour pouvoir être produite en Corée du sud. La Fluence a permis de roder le site Turc à la demande occidentale. La Megane IV restylée sonne le glas du site de Douai.

En 2018, il n’y avait ainsi plus de Renault produites en France (hors utilitaires.)

Au début, la R&D se croyait au-dessus des délocalisations de Renault. Cette R&D « made in France » était brandie en guise de réponse aux critiques: « Renault est Français, car toutes les Renault sont conçu en France. »

Néanmoins, Dacia et Samsung ont été de plus en plus impliqués dans la conception de leurs voitures. Design, mise au point, ingénierie industrielle… Le Losange (ex-Technocentre) s’est vu déshabillé petit à petit.

En plus, l’ambiance y était déjà exécrable. Les affaires de suicide, puis d’espionnage industriel avaient miné le moral des cadres. On se craignait, on se surveillait. « Quel sera le prochain service délocalisé? Qui fera parti de la prochaine « charrette »? Et lui, là, il pose beaucoup de questions, ça ne serait pas un espion? »

Renault a utilisé l’excuse de la mauvaise ambiance (« ce lieu représentait trop de mauvaises choses ») pour fermer le Losange et l’éclater en petites structures plus faciles à maitriser.

En 2015, le groupe teste un nouveau dispositif. Jusqu’ici, à l’export, les Dacia et Samsung devenaient systématiquement des Renault. En conséquence, en Amérique du Sud, la Logan et la Latitude, pourtant très différentes, portaient le même badge. De quoi créer la confusion.

A partir de 2015, les marques Dacia et Samsung apparaissaient dans les pays où Renault était implanté depuis peu, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-est.

Ce fut un succès et le groupe décida d’étendre l’expérimentation à d’autres pays du continent Sud-américains. En Chine, lorsque la France reçoit le Dalaï-lama, les concessionnaires Renault sont pris pour cible par les ultra-nationalistes. Le passage à « Samsung » permit d’éviter ces saccages récurrents. En Inde, c’était pour mieux faire oublier la mésaventure Mahindra-Renault.

La conséquence du dispositif fut que la marque « Renault » n’était plus présente qu’en Europe de l’ouest. Le groupe Renault-Nissan s’est alors dit que puisque Dacia y était déjà présent et qu’il n’y avait plus de site industriel sur place, pourquoi ne pas amener Samsung en Europe?

La question fut longtemps taboue. Mais les faits étaient là: la marque ne semblait plus incontournable. Même en France, Renault n’était plus aussi populaire. En 1980, plus des trois quarts des voitures vendues étaient Françaises et Renault avait vendu 759 312 voitures. En 1990, la part de marché des Français est tombée à 60%, PSA est passé devant et Renault n’a vendu que 639 440 voitures. En 2000, les ventes de la firme au losange se sont stabilisées, avec 602 415 unités. En 2010, avec 497 820 ventes, Renault est talonné par Peugeot et les Français représentent tout juste la moitié des ventes. En 2015, Renault passe sous la barre des 300 000 ventes françaises, alors que Dacia et Nissan (y compris Infiniti) dépassent les 200 000. Il y a eu un effet ciseau en 2017.

La suite était prévisible. En 2018, le groupe Renault-Nissan devient groupe Nissan « tout court ». En 2019, le PDG du groupe Nissan annonçait qu’au 1er janvier 2021, la marque Renault va disparaitre définitivement des voitures particulières. La gamme se décomposera alors des SM2 (ex-Clio), SM3 (ex-Megane), SM4 (ex-Scenic) et SM5 (ex-Latitude.) Seuls les utilitaires moyens et lourds conserveront le badge à losange.

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P.S.: évidemment, tout ceci est une fiction. Il ne s’agit pas de vouloir la disparition de Renault, mais plutôt de dire: « Attention, regardez où ils vont. » A priori, la plupart des conditions sine qua none pour que Renault passe à la trappe ne sont pas réunies, à moins que…

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