F1: Schumacher en difficulté

6e à Bahrein, 10e en Australie, abandon en Malaisie et 10e en Chine, le bilan des 4 courses extra-européenne de Michael Schumacher est modeste. Le septuple champion du monde songeait à un retour à la Niki Lauda et on dirait davantage celui de Mansell

Il faut se souvenir que Schumacher n’était pas un pilote comme les autres. C’était un extra-terrestre: 7 titres (record) et 91 victoires (record), en 250 Grand Prix. Qu’on l’aime ou pas; qu’on aime sa politique de « la fin justifie les moyens » ou pas.

La plupart des grands champions (Jim Clark, Jackie Stewart, Niki Lauda…) ont dominé pendant environ 5, 6 ans. Lui, il a été au sommet pendant plus d’une douzaine d’années.

Il a tué plusieurs générations de pilotes. Il a d’abord écrasé ceux qui attendaient la fin de l’ère Prost-Senna pour briller (Jean Alesi, Gerard Berger, JJ Letho, Nigel Mansell…), puis ceux de sa génération qui obtinrent des volants dans un top team (David Coulthard, Heinz-Harald Frentzen, Mika Hakkinen, Damon Hill, Jacques Villeneuve…), les « nouveaux grands » de la fin des années 90 (Jenson Button, Nick Heidfeld, Juan-Pablo Montoya, Ralf Schumacher…) et enfin, ceux programmés pour le battre (Fernando Alonso, Felipe Massa, Kimi Raikonnen…)

Il faut enfin se souvenir que depuis 1979 (Jody Schekter), aucun pilote n’avait remporté de titre sur Ferrari. Arnoux, Alboreto, Prost et Mansell se sont cassé les dents a tenter de reprendre le sceptre, tandis que Senna a hésité. Au milieu des années 90, la Scuderia n’était que l’arbitre du duel Benetton-Williams. Et pourtant, à partir de 2000, les rosso étaient imbattable. Grâce à lui.

La tentation du bien

Fin 2006, l’Allemand raccrochait le casque. A Interlagos, pour sa dernière course, il effectua plus qu’un baroud d’honneur

Puis, comme la plupart des néo-retraités de la F1, il eu une période de flottement. Même si on n’est pas très « people », il est difficile d’oublier les voyages incessants, la médiatisation permanente, sans parler de l’excitation du pilotage.

On l’a vu courir à moto en amateur. Chez Ferrari, il avait un rôle assez flou d’homme de RP et de consultant présent sur certains Grand Prix. Et parce que c’est Schumacher, il y ajouta des contrats publicitaires « n’importe quoi » (cf. sa campagne avec Bacardi contre l’alcool au volant.)

Pour autant, on peut le soupçonner d’être sincère, début 2009, lorsqu’il annonça sur Top Gear qu’il avait tourné la page du pilotage pro.

Ensuite, la Scuderia a connu une mauvaise saison et il s’est peut-être dit que s’il était dans la voiture, il ferait mieux que Massa et Raikonnen.

Luca di Montezemolo lui mit l’eau à la bouche en lui proposant le baquet de Massa. Le Baron Rouge a cédé à la tentation. Il veut re-piloter. Après tout, il a mis la pâté à de nombreux pilotes (voir plus haut), pourquoi n’ajouterait-il pas Lewis Hamilton et Sebastian Vettel à son tableau de chasse?

Hélas, son dos en a décidé autrement. Puis Stefano Domenicali l’a achevé en annonçant une paire Alonso-Massa pour 2010.

Dans ce contexte, lorsque Norbert Haug lui a offert de piloter pour Mercedes, il ne pouvait pas dire non.

Against all odds

Schumacher avait les statistiques contre lui. Il a 41 ans et il est resté 3 saisons pleines sans piloter. Et puis le Schumacher de 2006 n’était déjà plus celui de 2000: il n’avait plus la même aisance et il avait même tendance à surconduire. En plus, les monoplaces ont beaucoup évolué en son absence (retour des slicks, aérodynamique simplifiée, qualification avec super-pole…) et il a donc beaucoup à (ré)apprendre. Sachant qu’avec 7 titres au compteur, il est difficile d’admettre qu’on ne sait pas.

Enfin, l’écurie Mercedes GP (ex-Brawn GP, ex-Honda, ex-BAR) a été construite autour de Button, arrivé là en 2003.

Si vous examinez les champions et les vice-champions de ces 10 dernières années, vous y voyez des pilotes qui ont gagné après des années passées dans la même équipe, afin de construire une osmose pilote/écurie (cf. Alonso chez Renault, Button, Hakkinen…) Avec la variante de pilotes issus de la pouponnière d’écuries qui les suivent depuis les formules de promotion et où ils connaissent parfaitement la maison avant même leur premier Grand Prix (cf. Hamilton, Massa, Vettel…) L’exception qui confirme la règle, c’est Raikkonen avec Ferrari, mais le Finlandais a bénéficié en 2007 des luttes fratricides entre Alonso et Hamilton.

Schumacher le sait bien: il lui a fallu 3 saisons un tiers pour vaincre avec Benetton et 5 saisons pour imposer la Ferrari. Or, à 41 ans, a-t-il le temps de « Schumacheriser » Mercedes GP?

Reste un point qui rend la tâche impossible: la défense du titre. La Brawn GP a dominé car elle a été conçue à l’été 2008 et qu’elle a donc pu exploiter au mieux la règlementation. Pour 2010, ils n’ont plus cet avantage en terme de temps et les autres n’ont pas chômé.

Echec

Schumacher avait pris l’habitude de battre en brèche les pronostics, tel un magicien. Certains observateurs croyaient que malgré tout, il allait s’imposer en 2010.

Après 4 courses, il n’a récolté que 10 points et il se retrouve entre les Force India. Son équipier a récolté 5 fois plus d’unités, il l’a systématiquement devancé aux essais et en course et est monté deux fois sur le podiums.

On évoquait un « big three » (McLaren, Mercedes GP et Red Bull) et c’est davantage un « big two » + Rosberg.

Le pire est que le kaiser n’a plus ses anciennes armes. Lorsque la pluie tombe ou que suite à un safety car, il faut improviser, il subit les faits. Alors qu’auparavant, il était celui qui transcendait les difficultés, larguant ses adversaires.

Schumacher victime de lui-même

Marquer 10 points après 4 ans sans F1, ce n’est pas si mal. Pedro de la Rosa, qui revient également après 4 ans sans Grand Prix, n’a toujours pas ouvert son compte 2010.

Sauf que l’Allemand n’est pas l’Espagnol. Quand on s’appelle Michael Schumacher, le public attend beaucoup de vous.

D’autant plus que Haug a « vendu » un Schumacher champion du monde 2010 au conseil d’administration de Daimler, afin de pouvoir racheter Brawn GP.

Schumacher devrait avoir une voiture très modifiée pour les Grand Prix Européens. Il a intérêt à se relever sans quoi conserver son baquet jusqu’à la fin de saison sera compliqué. Surtout qu’il a tendance à se laisser entrainer dans la spirale de la démotivation.

Le cas Mansell

Un champion du monde acheté à prix d’or par Mercedes pour son retour et qui fait un flop? On pense tout de suite à Nigel Mansell.

Puisque McLaren n’a pas pu avoir David Coulthard, fin 1994, elle s’est offert les services de Mansell. Le champion du monde 1992 était alors perçu comme le seul capable de battre Schumacher.

Il s’est plaint de la MP4/10, au point de boycotter les Grand Prix jusqu’à ce qu’une version « B » arrive. La voiture fut prête 2 courses plus tard. Bilan: une 10e place et un abandon. L’Anglais a râlé de nouveau et il a été viré sur le champ.

La grande différence entre Mansell et Schumacher, c’est que l’Anglais avait un égo et une bouche surdimensionnés. Mais la leçon a tirer, c’est que la patience de Norbert Haug a des limites et qu’une fois que Schumacher aura sa MGP W01B, il n’aura plus d’excuses.

Et Rosberg?

Le Germano-Finlandais boit du petit lait! Les conseils du kaiser, ils lui rentrent par une oreille et ils ressortent par l’autre!

Jusqu’ici, chez Williams, il s’était un peu fait « oublier ». D’une part, la Mercedes GP lui permet de revenir sur le podium. D’autre part, il était censé jouer les porteurs d’eau de Schumacher et c’est lui qui est devant. Schumacher, Hakkinen, Button et Hamilton ont acquis une « taille patron » lorsqu’ils ont vaincu un équipier ancien champion du monde et théoriquement beaucoup plus rapide (respectivement Piquet, Mansell, Villeneuve et Alonso.) Alors plus le septuple champion du monde s’enfonce, plus la cote de Rosberg remonte!

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