Essai rétro : Suzuki Cappuccino

La Cappuccino est née au tournant des années 90 à cette période bénie où l’industrie automobile japonaise, reflétant l’atmosphère hédoniste qui imprégnait le Japon alors au plus fort dune bulle financière qui faisait pleuvoir des torrents de yens sur le pays, sortait chef d’oeuvre (Honda NSX) sur pièce maîtresse (Nissan Skyline GT-R R32) sur classique (Toyota Supra JZA80, Mazda RX-7 FD3S, j’en passe et des largement aussi bonnes).

C’est la réponse de Suzuki, avec ses propres armes, à la Mazda MX-5. Une auto de pur plaisir, mais conçue dans le respect de la réglementation Kei, domaine d’expertise du constructeur d’Hamamatsu qui est avec Daihatsu le roi de ces toutes petites voitures qui. grâce à une fiscalité avantageuse et une parfaite adaptation au labyrinthe urbain qu’est le Japon moderne, prennent une part toujours plus importante du marché.

Et comme la MX-5 est une interprétation moderne de la Lotus Elan, on peut également appliquer une interprétation britannique à la Suzuki, malgré un nom de provenance transalpine et un physique de Dodge Viper à l’échelle 1/2. D’ailleurs, nos voisins d’Outre-Channel furent les seuls européens à réclamer, et recevoir, quelques exemplaires dans la seconde partie de la carrière de la Cappuccino. Celle-ci, pourrait-on dire, reprend les choses là où l’Austin Healey Sprite/MG Midget les avait laissé: roadster de 3,29 m à moteur avant longitudinal de 3 cylindres en ligne de 657 cm3 doté dun turbocompresseur, transmission aux roues arrières via une boîte manuelle à 5 rapports. En ces temps où la moindre citadine fait plus de 100 ch sans même essayer, la puissance de 64 chevaux résultante n’est pas bien impressionnante, c’est sûr, mais le poids n’est que de 679 kg

Culminant à 1,18 m avec son hardtop, on a tout d’abord du mal a croire qu’on va pouvoir se glisser dans ce modèle réduit de 1,39 m de large qui fait irrésistiblement penser aux voitures à pédales de l’enfance, ce qui constitue avant même d’avoir touché à la poignée de porte le premier sourire dune expérience qui en comptera d’autres, bien d’autres. Mais non, on rentre sans grands efforts dans l’habitacle ou l’on se trouve happé par un baquet simili-cuir à l’ancienne, largement rembourré, bien calé entre le tunnel de transmission qui divise l’habitacle et la portière, par la vitre de laquelle on se trouve à contempler les genoux des bipèdes qui entourent la voiture.

L’assise est particulièrement basse et donne sur le monde une vision qui n’apparaît que dans les authentiques sportives. Fixer les yeux dans les boulons les jantes des camions qui passent rend philosophe sur la fragilité de la condition humaine, et renforce la conviction qu’il faut profiter de la vie tant qu’il est encore temps. Ça tombe bien puisque la Cappuccino est faite pour ça; c’est une promesse qu’elle nous fait immédiatement par l’intermédiaire du compte-tours dont la zone rouge, quartier des plaisirs à venir, commence au chiffre passionnant de 8500 tr/mn. Deuxième franc sourire.

Le moteur s’ébroue sans drame quand le contact est mis, pas particulièrement fort, mais quelque chose dans les tréfonds de l’habitacle, à moins que ce ne soit la carrosserie tout entière, vibre bruyamment en résonance avec le ralenti. C’est l’effet rétro de cet essai d’une voiture plus toute jeune et qui de toute façon ne s’est jamais voulu une GT de prestige, on l’avait compris. La direction qui a perdu son assistance (selon la fiche technique, elle a dû théoriquement l’avoir à un moment de son existence) demande des bras de camionneur, un effet comique pour un engin de cette taille, mais les dimensions microscopiques permettent d’éviter une bonne part des manœuvres, ce qui rend la chose essentiellement hors sujet.

Une fois pointée dans la bonne direction, il est temps de déchaîner la furie des 3 cylindres tapis sous le long (tout est relatif) capot. J’en vois qui rigolent. Ils ont tort. C’est bien de furie qu’il s’agit, le hurlement des 9000 trs minutes avant de changer de rapport, le voyant du turbo qui clignote, le bitume qui défile à portée de main en route vers les 100 km/h, l’expérience est absolument jouissive. Car ce n’est pas la vitesse ou la puissance qui compte, mais l’impression de cette vitesse ou de cette puissance. C’est là que se situe le secret de la Cappuccino. Calé dans son petit habitacle, au ras du sol, les bras tendus vers le volant, c’est l’ultime simulateur de voiture de sport, mieux que n’importe quelle console de dernière génération.

Et les sensations continuent lorsqu’arrive le premier virage. La direction, dure au décollage, est, une fois parti, parfaite. Directe, vive, elle pointe parfaitement la voiture qui suit superbement. Bon, soyons clairs, les grandes courbes en dérive à l’accélerateur, elle restent virtuelles. La petite Suzuki ne sait pas faire, du moins pas dans sa définition d’origine, ce qui ne l’empêche pas de tenir son rôle de roadster sportif avec beaucoup d’aplomb. On ne s’ennuie jamais dans une Cappuccino, si l’on prend soin de prendre l’itinéraire le moins rectiligne du point A au point B.

Au niveau pratique, on note un hard top astucieux (pas de capote en toile, trop compliqué et encombrant), démontable en 4 parties qui permet de rouler T Roof, Targa ou complètement décapoté selon l’humeur du moment. Les éléments peuvent se ranger dans le coffre qui s’en trouve alors empli complètement. On préférera donc : 1) regarder la météo avant de partir ou 2) trouver un fourré sur le bord de la route pour y dissimuler son toit et revenir le chercher plus tard (j’ai testé pour vous). Moyennant quoi, le coffre ainsi libéré est étonnamment utilisable, en particulier grâce à la place épargnée par l’utilisation d’une roue de secours galette, une des premières du genre. Si l’on ajoute la place raisonnable dans l’habitacle, qui accueillit à titre d’expérience scientifique deux escogriffes du blog auto entre Tokyo et Twin Ring Motegi (et retour) avec suffisamment d’espace vital pour qu’ils ne pacsent ni ne s’entretuent passé le 50ème kilomètre, on tient là un petit miracle d’efficacité spatiale.

Et le meilleur, en ces temps de pétrole rare et cher, on le découvre au passage à la pompe. Même après avoir joué le départ de Grand Prix à chaque feu rouge et la Targa Fiorio dans les lacets japonais, le petit 3 cylindres, malgré tous ses efforts, est un petit buveur et le plein est fait pour un prix considérablement inférieur à celui d’une compacte banale.

La Cappuccino est la preuve définitive que ce n’est pas la taille qui compte, mais la manière de s’en servir. Une réussite en tous points que malheureusement Suzuki, comme Honda avec la Beat et Mazda avec l’Autozam AZ-1 (développée d’ailleurs par Suzuki), n’ont pas voulu poursuivre après que la première génération ait terminé sa carrière en 1997. Seul Daihatsu a repris le flambeau avec la Copen, qui, aussi séduisante soit-elle, est nettement décaféinée comparée à cette Cappuccino. Pourtant, avec le pétrole qui s’envole et les restrictions de plus en plus serrées sur la circulation, le format Cappuccino apparaît comme idéal. Un revival est-il évitable ? Je ne pense pas. Ce n’est qu’une question de temps. Il serait criminel de laisser une formule magique de plaisir de ce calibre dormir dans les classeurs par  les temps qui courent. En attendant cette résurrection, la Cappuccino du siècle dernier est un jouet fantastique, qu’on trouve pour une bouchée de pain (ou un bol de riz, pour faire local) sur les sites d’enchères japonais. En France, c’est une autre paire de manches, mais mon petit doigt me dit que la mission n’est pas impossible, surtout si l’on s’aventure sur l’autre rive de la Manche.

Des visiteurs cappuccinistes (c’est comme ça qu’on dit ?) et français me font remarquer judicieusement qu’il existe une entreprise qui propose des voitures dans l’hexagone, ainsi qu’une préparation assez impressionnante à la carte: Cappuccino Sport

Arigato Justin San !

Fiche technique

Suzuki Cappuccino

Production :  1991-1997, 28010 exemplaires produits

Longueur : 3,29 m

Largeur : 1,39 m

Hauteur : 1,18 m

Empattement : 2,06 m

Poids : 679 kg

Moteur : 3 cylindres en ligne, 657 cm3, 12 soupapes, turbocompressé

Transmission : roues arrières, 5 rapports

Puissance Max : 64 ch à 6500 tr/mn

Couple Max : 85 Nm à 4000 tr/mn

0-100 km/h : 8,2 s

Vitesse maximum : > 150 km/h

Un commentaire

  1. une superbe course que c’est beau malgré les drapeaux jaunes qui tombent souvent en indycar c’est quand même plus beau que la F1 dans tout les sense du terme mais chacun son point de vue…

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