Essai rétro: Mazda MX-5 « NA » 1991, l’empire de la passion

La Mazda MX-5 première génération, dite « NA »ou « Miata », rend hommage aux roadsters des années 50-60. Aujourd’hui, elle est elle-même devenu un modèle important de l’histoire automobile. Si proche et pourtant, déjà si loin…

Entre la toute dernière Subaru 360 et la toute première Mazda MX-5, il s’écoule 21 ans (1968 vs 1989.) Durant cette période, le Japon est transfiguré. Néanmoins, ce qui change surtout, c’est le regard que l’on porte sur l’archipel.

Au crépuscule des années 70, on prend encore les Japonais de haut. On s’imagine que c’est un pays exotique, peuplé de samourais et de geishas. C’est le Japon stéréotypé de la bande dessinée Du glucose pour Noémie (1970.) Puis il y a une rupture. En une décennie les constructeurs nippons de motos terrassent leurs concurrents européens et raflent 90% du marché. British Leyland quémande l’aide de Honda et Alfa Romeo, celle de Nissan. Toyota manque de racheter Alpine et il s’offre une part de Lotus à la place. Mitsubishi rachète Chrysler Australia. Sony lance le walkman, puis le CD et rachète le studio Columbia pictures. Bull, ex-fleuron de l’informatique française, solde ses ordinateurs à NEC. Shigeo Shingo, qui n’a passé que quelques mois chez Toyota, vend à prix d’or ses conseils aux entreprises occidentales. Les Japonais se montrent conquérants, voir agressifs et sûrs d’eux. Ils sont à la fois craints et admirés. Les banques leur prêtent de l’argent les yeux fermés; elles ne sont que trop contentes d’avoir des clients japonais. Et dans l’automobile, on est persuadé qu’hors de l’archipel, il n’y a point de salut.

C’est dans ce contexte que Bob Hall, un journaliste américain, frappe à la porte de Mazda. Il veut qu’il construise un petit roadster.

Concevoir un roadster, c’est bien beau. Mais le vendre est une autre paire de manches. Si Hall veut que Mazda produise un petit roadster, c’est parce que les genre est en voie d’extinction. Seul l’Alfa Romeo Spider (dont le modèle original remonte à 1966) est encore au catalogue. Ils n’ont plus la cote auprès de leur clientèle traditionnelle. C’est désormais la GTI qui vous pose son minet. Pour les amateurs de ciel bleu, il y a les petits cabriolets (les fameux « paniers de pique-nique ».) Ils sont plus polyvalent et du côté des constructeurs, ils sont moins chers à produire, vu qu’il y a davantage d’éléments communs avec une berline. Les experts s’accordent à dire que la seule niche possible pour les roadsters est dans l’exclusivité (cf. les BMW Z1, Lotus Elan et autres MG R-V8.)

Qui plus est, dans les années 80, la notoriété de Mazda est faible. Le constructeur fait parti de cette nébuleuse que l’on désigne par « les Japonais ». Le nom de « Mazda » évoque plutôt un fabricant d’ampoules. Quoi qu’il en soit, Mazda n’a sûrement pas la crédibilité d’un MG ou d’un Triumph pour commercialiser un roadster.

Pour résumer, on a donc un constructeur relativement méconnu hors de ses frontières qui s’apprête à lancer un véhicule de niche. La rentabilité économique du projet est plus qu’aléatoire. A Hiroshima, fief de Mazda, on est confiant: l’ascension des Japonais est irrésistible. La future MX-5 fait parti d’un programme de lancement ambitieux, aux côtés de la RX-7 (FB), du spectaculaire coupé kei Autozam AZ-1, de la berline premium Xedos et de la grande berline Amati. Auxquels il faut ajouter le programme Le Mans (que le constructeur gagnera en 1991) et un engagement en championnat du monde des rallyes ! Ford, alors actionnaire du constructeur, est persuadé qu’il court à la catastrophe. L’ovale bleu prépare son « anti-MX-5 », la Capri: un roadster 2+2 places, traction, basé sur la 323.

Style et équipement:

24 ans et environ 900 000 exemplaires plus tard, le pari de la MX-5 est largement gagné. C’est le roadster le plus vendu de l’histoire. La RX-7 s’est attirée un cercle de fans. Néanmoins, c’est bien la MX-5 qui a fait connaître Mazda auprès du grand public.

Lors des études préliminaires, le constructeur comprend que la clientèle des roadsters attache beaucoup d’importance à l’esthétique. Les études menées en Europe font ressortir l’importance des roadsters britanniques et italiens. Il en résulte un réel effort sur les lignes de la MX-5. On y trouve des traits de véhicules anciens (Austin Healey Sprite Lenham, Lotus Elan, Fiat 124 Spider…) et des touches du « bio-design » alors cher aux constructeurs japonais, sans tomber dans l’excès d’un côté ou de l’autre.

La MX-5 « NA », c’est avant tout une gueule d’amour. Dans ce rouge vif, elle est prête à faire chavirer les cœurs les plus froids!

Pour renforcer le côté rétro, elle s’offre quelques touches de chrome, comme ces mignonnes poignées de porte ou les supports du couvre-capote.

Dire qu’elle a bien vieilli, c’est un euphémisme. Difficile de croire qu’on est face à une auto de 22 ans!

Il y a bien sûr quelques détails qui trahissent l’époque. On commence par les phares sous trappe. En 1989, on ne sait pas encore faire des optiques fines (l’Opel Calibra n’arrivera qu’en 1990.) Donc, pour avoir un avant racé, c’est phares sous trappe ou bulle en plexiglas. Qui plus est, on est à l’époque des « cales de portes ». En ayant de tels phares, la japonaise se met au même niveau que les GT contemporaines.

L’autre détail que l’on repère tout de suite, c’est la « vitre » arrière en plastique transparent. Elle se gondole et se raye facilement (sans parler de la buée, l’hiver), de quoi grever la visibilité. Les générations suivantes auront droit à du verre.

Alternativement il y a bien sûr le hard-top, mais cela implique d’avoir un garage pour le ranger et il faut être deux pour le mettre.

L’intérieur accuse nettement plus le poids des ans. La qualité apparente est moyenne. La porte semble bien légère et les plastiques de la planche de bord bien grossiers.

Côté équipement, pour l’époque, la MX-5 est dans la moyenne inférieure. Seuls le volant Momo en cuir, le pédalier alu et les vitres électriques sont présents… Mais deux décennies plus tard, ça semble carrément du Zola ! Pas d’airbags, pas de climatisation, pas de condamnation centralisée, pas de radio, pas de rétroviseurs électriques, pas de sièges chauffants, pas de GPS… Aujourd’hui, la moindre Dacia est mieux dotée !

Avec la « NA », les ingénieurs ont voulu privilégier la légèreté. D’où cet intérieur spartiate. Pour les générations suivantes, ils se rendront compte que le client veut davantage de confort, quitte à sacrifier la masse. En attendant, pour souligner le côté sportif, il y a l’instrumentation complète, jusqu’à la densité de l’huile.

L’un des gros défauts de la « Miata », c’est le coffre. Forcément, le cocktail propulsion + arrière effilé ne favorisent pas le volume de chargement. En prime, la roue de secours mange une bonne part des 135 dm3. Il y a de la place pour un unique bagage-cabine, point.

Gag n°1 : le bouton en dessous des feux de détresse permet de lever les phares, sans les allumer.

Gag n°2 : il n’y a pas de plafonnier. Il faut se contenter de ces lumières placées de part et d’autres de la console centrale. C’est idéal pour éclairer les mollets, la nuit !

Sur la route:

Non, je n’ai pas changé… On a tendance à dire qu’au fil des années, les voitures prennent de l’embonpoint. La MX-5 est sortie quelques mois avant la Renault Clio. Examinons la Clio RT diesel 5 portes. En 1990, pour 75 000 francs, vous avez une voiture mesurant 3,7 m x 1,6 m x 1,4 m, pesant 915 kg et équipée d’un 1,9 l 65 ch. 23 ans plus tard, la Clio Authentique dCi 75 gagne 0,3 m en longueur, 0,13 m en largeur et 0,05 m en hauteur, pèse 156 kg de plus (auxquels il faut ajouter les pleins) et reçoit un 1,5 l 75 ch. Du coup, elle ne gagne que 6 km/h en pointe, malgré une meilleure aérodynamique. Tout cela pour un prix de 16 000 € (soit 4 566 € supplémentaires – + 40 % – hors inflation.)

A contrario, la MX-5 est restée raisonnable ! Entre une « NA » et une « NC » (en version 1,8 l élégance), les dimensions sont assez stables: 0,02 m supplémentaires en longueur, 0,04 m en largeur et 0,2 m en hauteur. Elle pèse 120 kg de plus, compensés par un gain de 11 ch, avec 4 km/h en pointe de gagnés. En 1990, elle coûte 139 900 francs. Mazda n’a pas une réputation de brader son roadster et pourtant, l’actuelle est à 23 600 € (soit 273 € de plus – +1,28% – hors inflation!)

En 1989, on n’abuse pas encore des gros caches en plastique. On peut donc admirer le 1,6 l double arbre 115 ch. Le constructeur s’est conformé à l’orthodoxie du roadster : moteur longitudinal, atmosphérique et propulsion. Pour notre plus grand plaisir. Le gros « plus », par rapport aux mécaniques britanniques ou italiennes, c’est la fiabilité nippone. Avec 22 ans et 120 000 km au compteur, le moteur tourne comme une horloge. Et il n’est pas rare de voir des voitures à vendre avec de gros kilométrages.

Ce 1,6 l n’a « que » cinq rapports. Une sixième aurait été utile, notamment pour rouler sur autoroute… Mais de toute façon, la première boîte 6 vitesses pour une voiture de série (destinée à la BMW 850i) n’arrivera qu’en 1990.

Comme dans tout roadster, on ne monte pas à bord: on « descend » dans une MX-5! La position de conduite est assez moyenne. Le coussin sur lequel on pose les fesses est trop haut, trop mou est trop incliné. D’où une position en « N« , avec le volant dans les genoux.

De toute façon, tous les griefs sont oubliés dés que l’on démarre!

A l’époque, le magazine Automobiles sport et prestige la décrit comme: « une petite propulsion passionnante à piloter, saine et sans surprise. » On ne saurait être plus d’accord. Plus précisément, c’est un outil qui s’adapte à votre conduite. Vous préférez le cruising à 2 000 tours/min ? Pas de problème : le moteur se fait oublier. Et vous avez l’engin idéal pour « pécho ».

Néanmoins, c’est lorsque le rythme s’accélère qu’elle fait preuve de son talent. Le 1,6 l se réveille à 3 500 tours/min. Un enchaînement de rond-points est l’occasion d’un mini gymkhana. Ken Block peut aller se rhabiller ! La japonaise slalome entre les obstacles. Comme on est assis bas, on ressent d’autant mieux les réactions de la voiture et on peut anticiper les éventuels soucis. Sur les routes sinueuses, elle bondit d’un virage à un autre. La direction est précise. Et pas besoin de débrancher l’ESP : il n’y en a pas! C’est du plaisir à l’état pur.

Conclusion:

21 ans et pas une seule ride ! Difficile de croire qu’elle est arrivée en concession avec la R19 Chamade, le Land Rover Discovery 1 ou la Skoda Favorit ! En terme d’aspect, de performances et de comportement, la MX-5 « NA » pourrait donner des leçons à nombre de voitures actuelles. C’est un roadster aussi agréable à l’œil que joueur.

Le propriétaire de MX-5 « NC » pourra remarquer les évolutions apportées au fil des ans. Les premiers clients ont été entendus et Mazda a corrigé le tir : davantage d’équipements et de rangements, de vrais baquets, des moteurs plus puissants… Mais sans pour autant toucher aux dimensions ou au poids.

Très jolie et assez fiable, utilisable au quotidien, elle fait payer au prix fort ses atouts. C’est bien son gros défaut. En théorie, en occasion, vous pouvez en trouver une pour 4 000€. En pratique, comptez plutôt 5 000€, voir 6 000€ pour une voiture ayant 120 000km au compteur. Un prix abusif, compte tenu de son ancienneté et de sa diffusion. Et maintenant qu’elle a un statut « collection », les tarifs devraient redécoller…

Une « NB », plus récente et plus puissante, se négocie autour de 5 000€. Mais elle est beaucoup moins craquante. Mazda a tendance à bien facturer les pièces et la main d’œuvre. Attention donc aux exemplaires bricolés…

Crédit photos: Joest Jonathan Ouaknine/Le Blog Auto

A lire également:

Genève 2010 Live: Mazda MX-5 « NA »

Mazda MX-5 Korso 2010: 1. le record

Mazda MX-5 Korso 2010: 2. le village

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *