Essai Porsche 911 Turbo S : la douce catapulte

Dans le monde de la voiture de sport, personne ne fait un aussi grand écart que la Porsche 911. La basique Carrera compose avec des concurrentes qui cherchent toutes à se payer le scalp de la « référence » mondiale de la GT polyvalente, toujours invincible sur le plan comptable et pas moins remarquable en matière d’efficacité ou de finition. Tout en haut de la gamme 911 actuelle, la Turbo S chasse plutôt sur le terrain des supercars junior en attendant l’arrivée d’autres moutures de la 991, encore plus lourdement armées. Dans un monde envahi par des extraterrestres comme la Nissan GT-R et de nouvelles pointures comme la McLaren 12C, la Turbo et son badge trentenaire sont-ils capables de suivre la cadence ? Pour le savoir, nous avons pris le volant de la plus puissante des 911 de Type 991, sur le circuit du Paul Ricard et sur les routes de Provence.

Dans la famille nombreuse des 911, quasiment tous les segments sportifs sont couverts. Et même si les choses ont largement évolué depuis la fin des années 70, c’est toujours la Turbo qui doit se frotter aux sportives à hautes performantes des marques concurrentes. Pas les supercars les plus puissantes et les plus élitistes de la planète (pour cela, Porsche a d’autres atouts dans ses manches), mais plutôt celles qui représentent le gros des ventes pour une clientèle cherchant une machine aux performances sérieusement violentes, capable de rester à peu près utilisable au quotidien. En son temps, la première Turbo était la version la plus performante de la 911 et surpassait les Ferrari 308 et autres Lamborghini Urraco. La génération suivante cherchait carrément des noises à la Testarossa, puis la 993 Turbo s’arsouillait avec la 355. La 996 Turbo soutenait la cadence de la 360 Modena et la 997 Turbo, le rythme de la F430. Au fil des générations, la 911 Turbo s’imposait désormais comme une référence de la haute performance utilisable au quotidien, alors même que les premières versions étaient connues pour leur tempérament difficilement domptable. Mais à la fin de la dernière décennie, gros coup de pression (avec ou sans dump-valves) : pendant de longues années, les ingénieurs de Nissan avait étudié la 991 Turbo. Ils accouchaient d’une grosse japonaise en 2007, avec des ambitions jamais vues auparavant. Cette GT-R prétendait battre le sacro-saint maître étalon de la 911 Turbo en performances pures pour un prix deux fois moins élevé ! Pire, au bout de quelques essais presse, plus personne ne doutait des performances surnaturelles de cette lourde GT 2+2 équipée d’un grand coffre.

Crise de la quarantaine ?

Pas question pour autant de modifier le plan produit classique de la 911 chez Porsche, qui passait tout juste à la génération 991. Après le lot habituel de Carrera, Carrera S et autres Carrera 4, les choses sérieuses commençaient enfin l’année dernière avec l’arrivée de la GT3 et de la Turbo qui, comme pour la génération précédente, dispose d’une variante « S » représentant pour l’instant le modèle le plus puissant, le plus cher et le plus performant dans toute la gamme 911 (ne serait-ce qu’en ligne droite). Avec 560 chevaux, elle est plus puissante qu’une Lamborghini Gallardo, plus puissante qu’une Audi R8 V10 Plus et à peine moins puissante qu’une Ferrari 458 Italia. Ses quatre roues ne sont plus seulement motrices mais aussi directrices, ses deux turbos sont toujours à géométrie variable et l’auto peut compter sur un aérodynamisme mobile inédit et un arsenal technologique plus complet que jamais. A noter qu’elle est plus puissante de 40 chevaux par rapport à la Turbo « normale », et que toutes les améliorations techniques disponibles sur cette dernière sont de série sur la Turbo S. Bref, sur le papier c’est la plus lourdement armée de toutes les 991 en attendant les GT2 et GT2 RS, qui chapeauteront très probablement la gamme dans les années à venir, encore de que récentes déclarations venues de Porsche sèment quelque peu le doute sur ce dernier point.

Agressive, vous dites ?

Premier contact avec la bête un peu avant 7 heures du matin sur un Paul Ricard à peine sorti de la nuit. La rosée pèse sur les branches des oliviers et les vitres de la Turbo S sont encore largement couvertes de buée. Ah, elle est peinte en gris métal clair ce qui ne contribue évidemment pas à la rendre particulièrement voyante, surtout que son physique est d’un naturel résolument sobre. Au premier coup d’oeil lorsqu’elle arrive vers vous, vous pourrez presque la confondre avec un Cayman ou une 911 classique. La face avant est franchement sage, et ne compte que sur ses entrées d’air élargies pour se différencier d’une Carrera S à première vue. Le rendu est très différent pour la poupe, qui annonce plus clairement la couleur avec ses sorties d’échappement généreuses, ses ouïes latérales et son aileron accroché au capot (dont la partie supérieure est mobile). En observant ses proportions dans le détail, on remarquera ces hanches nettement plus larges (de 28 millimètres, on est au niveau d’une Gallardo ou d’une 12C en largeur totale) et une silhouette générale qui ne trompe pas sur ses prétentions dynamiques, pas tout à fait au niveau d’une « simple » 911. Quelques détails sont assez étonnants comme au niveau du bouclier avant, équipé d’une partie inférieure gonflable de façon à apporter plus ou moins d’appui aérodynamique en fonction des besoins : lorsque cette partie charnue est déployée, la Turbo S se retrouve avec un drôle de boudin noir sous le pare-chocs. Ne rigolez pas, Porsche précise que ce système permet de gagner deux secondes au tour sur la Nordschleife.

Ne la comparez pas à une Jaguar F-Type Coupé, une Maserati Gran Turismo ou une Aston Martin V8 Vantage, cette 911 est à ranger dans la catégorie des missiles à plus ou moins 200 000 euros que sont les Ferrari 458 Italia, McLaren 12C et autres Lamborghini Gallardo. Autant d’autos au physique très distinctif qui attireraient toutes les regards si elles se retrouvaient posées à côté de cette Turbo S gris clair. Malgré sa musculature franchement développée, elle reste infiniment plus discrète que ces dernières. C’est de toute façon une marque de fabrique pour elle, qui se s’est jamais adressée aux amateurs de supercars au style radical quelque soit la génération de modèle. Des lignes aussi sages sur un daily driver de 560 chevaux capable de boucler un tour de Nordschleife en mois de 7 minutes 30, est-ce concevable ? Sans pouvoir répondre à cette question profondément philosophique, je dois avouer que cette auto dégage quelque chose d’assez fort même pour le non-Porschiste. Embuée sur le parking du circuit Paul Ricard au petit matin et sous l’angle trois-quart arrière, on rêve de la lancer à fond de compteur sur la file de gauche d’une autoroute allemande. En passant à l’intérieur, on retrouve tous les clichés Porsche habituels avec un habitacle extraordinairement confortable, à la finition exemplaire et aux matériaux irréprochables. Sur ce plan la comparaison avec la Nissan GT-R est impossible, même si cette dernière fait quelques efforts sur ses versions récentes et qu’elle possède toujours l’avantage d’un coffre plus grand et de places arrières plus utilisables : pour s’installer sur la banquette de la 911 Turbo S, il faut impérativement mesurer moins d’un mètre 75 et avancer le siège de devant au maximum. C’est comme dans une Aston Martin Vanquish ou une Lotus Evora : les sièges arrières ne peuvent servir qu’en cas d’urgence sur de petits trajets, sauf plaisir masochiste particulier.

Crédit photos : Porsche / le blog auto

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