Depuis la fin de l’ère Ford et le rachat par les Indiens de Tata, la machine Jaguar-Land Rover marche à plein régime. Le succès commercial semble bien parti pour s’installer durablement au sein des deux marques et les nouveautés importantes se succèdent. Il y a seulement quelques semaines, nous essayions la Jaguar F-Type en terre espagnole. Nous revoilà déjà dans l’univers du groupe anglais pour un modèle encore plus important sur le plan économique, ne serait-ce qu’en regardant les chiffres de ventes de la mouture qu’il remplace (plus de 400 000 exemplaires écoulés depuis son lancement il y a huit ans).
Land Rover a récemment renouvelé son sacro-saint Range Rover, ce gros engin qui règne sans partage sur la planète des 4×4 de grand luxe depuis des décennies. Le constructeur anglais en a profité pour échafauder une nouvelle politique de plate-formes et moderniser le reste de sa gamme en optimisant les coûts, même dans le très haut de gamme : la structure 100% aluminium du Range Rover de quatrième génération, qui fait la fierté de ses géniteurs, est directement reprise sur ce nouveau Range Rover Sport. Pareil pour ses motorisations et une partie de ses composants, même si Land Rover a fait de son mieux pour distinguer les deux modèles et revendique 75% de pièces différentes entre le Range Sport et le Range classique.
Le look hybride
Dans l’histoire récente de Land Rover, l’arrivée du petit Range Rover Evoque a fait office d’électrochoc. Que ce soit par ses chiffres de ventes ou la radicalité de son style, qui détonne totalement dans le paysage automobile mondial. Un style qui se retrouve dans toutes les nouveautés sorties après son arrivée, à des niveaux différents. Le récent Range Rover de quatrième génération lui a seulement repris le dessin de sa face avant et de sa planche de bord, préférant ne pas trop s’éloigner de la tradition statutaire du modèle. Pour le Range Sport, les designers se sont plus franchement éloignés des canons historiques de la marque : ses dimensions le rapprochent d’un Range Rover classique -qui reste à peine plus long- mais le style s’inspire directement du petit Evoque, de la calandre à la ligne de caisse en passant par les feux arrières. Quant aux sorties d’échappement, elles sont visibles et non pas masquées comme sur le Range Rover. Imaginez un Evoque cinq portes à l’échelle 1 et demi, ou un Range classique travesti en Evoque. Compte tenu des réactions suscitées par l’Evoque depuis sa sortie, le choix des designers apparaît commercialement très logique et ce nouveau Range Rover Sport fort en gueule devrait plaire. Les puristes préféreront toujours l’allure spéciale et verticale du Range Rover classique, cela va de soi.
Signalons quelques surprises à l’intérieur, dans un habitacle au style là aussi très proche de celui du Range Rover Evoque et du gros Range Rover. Le dessin de la planche de bord est connu, mais on est assis plus bas que dans son grand frère. En bas de la console centrale, le bouton cylindrique de la commande de boîte du Range Rover laisse la place à un sélecteur façon Jaguar F-Type. On imagine qu’il fallait absolument marquer le surplus de sportivité par rapport au vrai Range. A l’arrière pourtant, il est possible -c’est une première- d’installer deux sièges d’appoint en plus de la banquette principale de façon à accueillir sept passagers au total, à condition que les deux derniers soient proches de la petite enfance ou d’un gabarit très compact. Le secret seating (c’est le nom savoureusement britannique de l’option) est facturé 1700 euros pour ceux qui veulent un Range Rover Sport de grande famille.
Sportif, vraiment ?
Au volant du nouveau Range Rover Sport mais du mauvais côté du tunnel de transmission, on prend d’abord quelques secondes pour admirer la finition intérieure qui peut aller assez loin dans l’émerveillement visuel selon les choix de couleurs. Les combinaisons possibles sont très nombreuses, le rendu peut être magnifique avec certains assemblages de teintes. Après avoir démarré, vous égrenez tranquillement les huit rapports de la transmission automatique ZF, en essayant de ne pas prendre les ronds-points à l’envers. Sur le tarmac souvent de mauvaise qualité des routes britanniques, la suspension pneumatique du Range Rover Sport est à peine moins douce que sur le « vrai » Range. Autant dire qu’elle reste confortable, sans atteindre le toucher de route aérien du Range classique.
Sans surprise, la différence avec le Range Rover est nettement plus notable lorsque vous décidez de hausser le rythme, en enclenchant le mode Sport via la molette du Terrain Response, et en passant le sélecteur de vitesses aussi en mode Sport. Si vous évoluez avec le haut de gamme Supercharged V8, vous retrouvez le son rauque si particulier de ce gros bloc compressé de 510 chevaux à la moindre accélération franche. Beaucoup plus intense que dans le Range classique, qui préfère vous déplacer dans une paisible ambiance Rolls-Royce plutôt que de vous inciter à attaquer la route. Avec le Range Sport oui, vous pouvez le faire. La boîte à huit vitesses aurait gagné à se montrer encore plus rapide en mode manuel, mais sa réactivité est suffisante pour se prendre au jeu de lacets gallois, à condition d’éviter les moutons. Autre singularité par rapport au vrai Range, le châssis qui fait preuve d’une rigueur bien supérieure en conduite sportive. Vous êtes certes dans un SUV dépassant assez largement les deux tonnes sur la balance, mais le gain de poids par rapport à l’ancien modèle (plus de 200 kilos en moyenne, grâce à cette structure tout alu reprise du Range Rover) et surtout le set-up des suspensions différent autorisent une conduite très dynamique. Mieux, son système de Torque Vectoring très bien réglé autorise une agilité en courbe étonnante et jamais vue sur un Land Rover auparavant.
L’engin pousse fort, évidemment. Land Rover annonce un 0 à 100 km/h abattu en 5,3 secondes, c’est mieux que sur un Porsche Cayenne GTS. Les Cayenne Turbo et Turbo S, Mercedes ML 63 AMG, BMW X5 et autres X6 M sont capables de faire encore mieux, mais Land Rover annonce un chrono en 8 minutes 35 secondes sur la Nordschleife pour ce nouveau Range Sport. Seulement dix secondes moins vite qu’un X6 M plus cher et plus puissant. Quand on sait qu’une déclinaison plus sportive est au programme, on se dit que le potentiel est là.
Comme d’habitude, le gros des ventes du Range Rover Sport devrait disposer de motorisations plus tranquilles. Le Range Rover Sport récupère une gamme diesel très complète, une déclinaison hybride est en préparation et même un quatre cylindres essence devrait rejoindre la gamme à moyen terme. Fort de ses 292 chevaux, le SDV6 que nous avons aussi essayé est déjà suffisant pour offrir des performances de premier plan tout en délestant très sensiblement la facture de carburant (le V8 Supercharged dépasse inévitablement les 20 litres aux 100 en conduite sportive). Côté sonorité, là aussi les ingénieurs semblent avoir bien travaillé pour éviter une ambiance mazout, sans aller jusqu’au faux V8 d’un SQ5 Audi.
Le Sport tout-terrain
Comme son prédécesseur et le vrai Range, le nouveau Range Rover Sport n’oublie absolument pas de défendre la réputation de sa famille loin du tarmac. Lorsqu’il faut rayer sa carrosserie hors de prix dans de grosses ornières bordées de ronces, le Range Sport répond présent. Dans ce contexte, il est d’ailleurs quasiment aussi doué que son grande frère. A peine moins bon nageur (il peut se vautrer dans 850 mm d’eau contre 900 pour le Range Classique), à peine moins souple (546 mm de débattement maximum de suspension), il est capable d’offrir une motricité hallucinante sur la boue, d’attaquer n’importe quelle pente grâce à ses porte-à-faux de longueur raisonnable, de croiser généreusement ses ponts, de sortir d’à peu près toutes les situations possibles. Le Terrain Response est aussi sophistiqué que sur l’autre Range, l’auto gagne même quelques gadgets comme un radar de profondeur de gué visuel et sonore. A noter que notre modèle d’essai était équipé d’une boîte courte, les moins friands de franchissement peuvent opter pour une transmission sans boîte courte mais optimisée pour la conduite sportive sur route.
Tarif habituel
Vous vous attendiez à ce qu’il soit bon marché ? Forcément, il est cher. Moins que le Range Classique, qui reste en moyenne 15 000 euros plus cher à motorisation et équipement égaux. Comptez sur un prix de base de 60 000 euros en version diesel 258 chevaux, et 90 000 euros en version V8 Supercharged. Sauf si vous préférez l’élégance statutaire du Range Rover, quitte à en payer le prix fort, ce Range Rover Sport apparaît finalement plus polyvalent. Meilleur sur la route et quasiment aussi bon en tout terrain, il semble parfaitement positionné pour gagner (encore) des parts de marché face aux Cayenne, ML et autres X5. Ne reste plus qu’à attendre l’arrivée d’une version ultra-sportive pour se placer en face du Cayenne Turbo, des BMW M et des Mercedes AMG. Sera-t-il capable d’obtenir la suprématie totale sur la route ? En dehors du bitume en tout cas, il est déjà le roi depuis bien longtemps.
Crédit photos : Land Rover
+ | Style percutant
Polyvalence extraordinaire Comportement dynamique en net progrès Sonorité en V8 Supercharged |
– | Moins beau que le Range Rover Classique
Consommation inévitablement élevée en V8 |
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