Toile de Pénélope
La Cruze vient donc remplacer la vieillissante ex-Daewoo Lacetti dans l’échiquier de Chevrolet Europe. Aux Etats-Unis, elle prend aussi la relève de la compacte Cobalt. En Australie, elle s’appellera Holden et en Chine, c’est peut-être le blason Buick qu’elle arborera au début des années 2010. Bref, la Cruze veut s’implanter sur à peu près tous les continents et l’auto a été conçu comme un vrai projet global, monté autour de la nouvelle plate-forme Delta II et pensé pour répondre aux standards des marchés les plus exigeants.
On en parle beaucoup moins souvent que de la Volt ( une auto forcement plus visible de par la technologie qu’elle embarque ), mais la Cruze est sans doute plus importante encore pour GM par rapport aux volumes de ventes qu’elle devrait représenter, tous marchés confondus. Autant dire que la mission est périlleuse pour la nouvelle berline que nous présentait Chevrolet France dans le cadre splendide de la Cantabrie et des petites routes cachées derrière la côte balnéaire de Santander. C’est clairement la survie de tout le groupe qui est en jeu avec cette auto.
La situation de la General Motors constitue une véritable épée de Damoclès mais elle semble aussi avoir un effet stimulant sur le staff Chevrolet. Pas de panique ni de désespoir, il suffit de « prouver la valeur et la qualité de ses produits, le reste ira tout seul ».
Majority Report
Cruze n’a plus rien à voir avec Daewoo. Elle est la première Chevrolet à avoir été entièrement mise au point en Europe, que ce soit dans le blizzard de Scandinavie, sous le soleil du sud de l’Espagne ou même dans les impitoyables courbes de la Boucle Nord du Nürburgring comme ses cousines -un peu plus musclées- Cadillac CTS-V et Corvette ZR1. Pour GM, il fallait absolument que l’auto soit capable de convenir à tous les types d’utilisations observés en Europe, un marché où les utilisateurs figurent sans doute parmi les plus exigeants au monde. Un mal nécessaire pour une auto destinée à envahir presque tous les continents.
Le résultat de tout ce travail, abattu conjointement par toutes les équipes de GM autour du monde, est une berline compacte prête à venir en découdre avec toutes les références de sa catégorie, mais en beaucoup moins cher puisque à l’occasion de son lancement, son tarif descend jusqu’à 13 990 euros sur la version d’entrée de gamme.
Beau comme un camion?
Sur le plan extérieur, la Cruze impose les nouveaux codes stylistiques Chevrolet : une énorme calandre en deux parties, des feux avant étirés vers le haut et une ligne de caisse qui remonte vers l’arrière, soit autant d’éléments apparus avec la petite Aveo et qui se retrouvent aussi dans la toute nouvelle Spark.
Cette grosse calandre en deux parties est assurément l’élément le plus marquant sur la Cruze. Avec son emblème placée à mi-hauteur, on la prendrait presque pour un gros Chevy Silverado ! Sa face avant très marquée lui donne une forte personnalité lorsqu‘on est placé devant elle. Une dégaine de « camion manqué » qui la rendrait même carrément attachante s’il n’y avait pas cette poupe terriblement anonyme quelques mètres plus loin. Les designers de Chevrolet ont voulu lui donner un look de coupé quatre portes façon Mercedes CLS via une arche de toit tout en courbes, mais je trouve que l’effet n’est pas vraiment saisissant à cause du dessin du coffre et des feux arrière.
Une partie arrière qui tranche radicalement avec l’agressivité de la proue et qui gâche un peu le style général de l’auto, même s’il ne s’agit là que d’un jugement très subjectif.
Quoiqu’il en soit la Cruze est plutôt agréable à l’œil, surtout avec les jantes de 17 pouces permettant d’éviter l’effet « petites roues » des jantes de 16 pouces proposées en entrée de gamme.
Supercar ou presque
A l’intérieur, on est une nouvelle fois bien loin des autos de l’époque Daewoo. L’habitacle de la Cruze est agréable, bien dessiné et assez bien fini. Attention, les designers de Chevrolet ont même osé la comparaison avec une voiture de sport en insistant sur la structure de la planche de bord, qui porte le nom presque attendrissant de « double alcôve ». Cet intérieur au nom délicat prétend s’inspirer de la disposition vue à l’intérieur de la Corvette avec deux parties symétriquement séparées par la colonne centrale.
La comparaison avec la célèbre sportive est sans doute un peu exagérée mais le dessin de la planche de bord est vraiment réussi. Par contre, je n’ai pas du tout aimé les rembourrages sur les portières et au dessus de la boite à gants : sur la version LS, c’est une espèce de mousse en tissu molletonné grisâtre et je trouve ça encore plus triste que le plastique moussé d’une Laguna. Heureusement, il est aussi possible de choisir des rembourrages en cuir qui donnent un bien meilleur aspect à l’ensemble. Ouf.
Coté habitabilité, la Cruze s’en sort bien avec des côtes intérieures qui la placent au dessus de la moyenne de la catégorie. A l’arrière, l’espace aux jambes est même très bon et tout serait parfait s’il n’y avait pas eu cette faible garde au toit à cause de l’arche courbée qui vient mourir juste au dessus des cheveux des passagers arrière : si vous faites plus d’un mètre 85, attention à la tête lorsque la voiture passe sur un dos d’âne. Le coffre n’est pas particulièrement grand avec un volume de 450dm3 qui la place à égalité avec une laguna mais loin derrière celui d’une Skoda Octavia.
Niveau options, la Cruze est bien équipée et ce dès l’entrée de gamme : Climatisation manuelle, système de filtrage des odeurs et des particules, autoradio lecteur CD, radar de recul, régulateur de vitesse, ESP, lecteur MP3, écran à deux couleurs sont de séries en finition LS alors que la finition LT rajoute un chargeur 6 CD, une climatisation automatique double zone et une prise I-Pod.
Cruze Control
On se sent bien au volant de la Cruze. La direction est très légère et le maniement de la boite mécanique est très facile. L’auto est pour l’instant disponible avec deux motorisations essences ( 1,6 litres 113 chevaux et 1,8 litres 141 chevaux ) et un bloc diesel ( 2,0 Litres VCDi 150 chevaux ), rejoints dès septembre par une seconde version diesel moins puissante à 125 chevaux.
Le 1,6 litres d’entrée de gamme est logiquement un peu juste pour mouvoir confortablement les 1300 kilos de l’ensemble et c’est déjà beaucoup mieux avec le 1,8 litres. Évidemment, le 2,0 Litres diesel reste le plus confortable à utiliser, pas trop bruyant et très économique ( consommation mixte de 5,6 litres ).
Les suspensions de la Cruze présentent un réglage plutôt efficaces : elles sont très fermes mais ne compromettent pas un niveau de confort général vraiment appréciable. Cette Cruze ne devrait pas craindre les très longs voyages même si j’ai eu personnellement un peu de mal avec le positionnement du levier de vitesse qui me forçait à me tordre un peu le bras droit pour passer les premiers et seconds rapports.
La Chevrolet Cruze est très saine de comportement et enchaîne sans broncher les courbes serrées des petites routes entre les villages de l’arrière-pays de Santander.
ABS, système de répartition de freinage EBD, TCS, contrôle de trajectoire ESC… La Cruze présente un niveau de sécurité active très élevé et Chevrolet prévoit la même chose au niveau sécurité passive, même si l’EuroNCAP n’a pas encore livré son verdict sur les essais crash-test de l’auto.
Bref, en dynamique cette Cruze ne craint pas ses concurrentes. Mais il y a un domaine ou la nouvelle berline Chevrolet risque vraiment de faire mal…
Risky Business
Les prix de la Chevrolet Cruz vont s’échelonner de 17 200 à 21 000 euros et Chevrolet annonce déjà une offre de lancement à 13 990 euros pour la version 1,6 litres essence. Un tarif tout simplement imbattable pour la berline qui se place carrément 4000 euros moins cher que la plus compétitive de ses rivales, la Skoda Octavia. Et même dans ses variantes mieux motorisées, la Cruz reste toujours plus abordable que ses concurrentes. Espérez à peine plus de 18 000 euros pour la version 2,0 litres diesel 150 chevaux, un tarif auquel vous devrez rajoutez quelques milliers d’euros supplémentaires si vous préférez vous tourner vers une Renault Laguna ou une Peugeot 407 à équipement égal.
C’est bien simple, la Cruz se place toujours moins cher que l’ensemble de ses rivales quelque soit la finition, la motorisation et le niveau d’équipement choisi.
Jour de Tonnerre
Que retenir de cette Cruze?
– Elle a plutôt une belle gueule
– Elle est correctement motorisée
– Ses tarifs sont imbattables
Au sein de son échiquier européen, GM veut placer Chevrolet comme sa marque d’entrée en la rendant plus accessible encore qu’Opel. En gros, dans l’offre de berlines compactes du groupe, la Cruze se présente en premier prix au dessous de l’Opel Insignia, elle-même au dessous de la Cadillac BLS.
Eric Wepierre, président de Chevrolet France, nous confie : « Nous voulons placer Chevrolet comme la marque la plus accessible au sein du groupe en France. Un placement qui doit passer par des produits au rapport prix / prestations exceptionnel, une qualité suffisante pour être crédible et une image de constructeur fun et accessible. »
Chevrolet cherche à s’imposer comme une sorte de « Skoda GM » et le constructeur semble clairement sur la bonne voie avec des produits comme Cruze. Prochaine étape de cette transfiguration, la petite Spark qui devrait constituer le gros des ventes de la marque au Bow Tie en France et qui arrive en milieu d’année.
Alors, Chevrolet bientôt au niveau de Ford en France?
Galerie : Essai Chevrolet Cruze
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