Il faut remonter en 2002 pour retrouver la toute première mouture de l’Audi RS6. Avec ses 444 chevaux (480 en version Plus), elle donnait à l’époque un gentil coup de vieux à la BMW M5 E39 et comptait déjà sur ses quatre roues motrices pour se distinguer dans cette catégorie des berlines / break ultra-sportifs de gabarit intermédiaire (BMW Serie 5, Audi A6, Mercedes Classe E). Lorsque BMW a osé sortir le V10 atmosphérique sur la génération suivante de la M5, les ingénieurs de la marque aux anneaux ont alors décidé de calmer tout le monde avec un engin à la fiche technique délirante : la RS6 de génération C6 débarquait en 2008, équipé d’un V10 de Lamborghini Gallardo renforcé par une paire de turbos pour atteindre 580 chevaux. Du jamais vu sur des autos de cette catégorie, et de quoi s’assurer la suprématie absolue en matière de poussée face au V10 de la BMW M5 E60 (507 chevaux) et au V8 6,2 litres de la E63 AMG.
Mais depuis cette RS6 de type C6, la course à l’armement se fait différemment sur les allemandes de ce segment. Une seule architecture semble à peu près compatible aujourd’hui avec les modes de calcul de consommation du cycle européen NEDC, histoire d’afficher des chiffres théoriques en dessous des 10 litres aux 100 : Le V8 suralimenté par deux turbos. Chez BMW, on a dégainé en premier avec le V8 4,4 litres de la M5 F10, fort de 560 chevaux et 680 Nm de couple. Chez Mercedes, le très chanteur 6,2 litres atmosphérique a laissé sa place à un bloc biturbo de 5,5 litres de cylindrée, fort de 557 chevaux et 720 Nm de couple (la version S fait encore plus fort, on en reparle plus bas). Chez Audi, c’est donc le tout nouveau V8 4 litres biturbo qui succède à l’ancien V10 biturbo avec 560 chevaux et 700 Nm. Un bloc que nous avons déjà vu sous le capot des Audi S6, S7, S8 et autres Bentley Continental GT dans des versions moins puissantes.
Wagon Lead
Depuis le RS2 du début des années 90, le break surpuissant fait partie des codes Audi qui font fantasmer un large éventail d’amateurs d’automobile, du gamer adolescent jusqu’au trafiquant de drogue reconnu. Un genre de véhicule qui a sans doute énormément contribué au changement d’image de la marque aux anneaux à la fin du siècle dernier, passée du statut de constructeur un peu ringard à celui de fabricant avant-gardiste, capable d’aller très loin dans la performance sur ses modèles de route. D’un point de vue stylistique, cette nouvelle RS6 Avant possède à peu près tout pour donner la chair de poule aux amateurs du genre, surtout si vous optez pour une livrée mate Gris Daytona comme sur notre modèle d’essai du deuxième jour : entre cette peinture digne d’une AMG Black Series, les jantes de 21 pouces noires laquées, les inserts en fibre de carbone sur le bouclier avant et le gros QUATTRO sur le bas de la calandre, tous les petits artifices sont là pour faire de cette RS6 anthracite un engin de terreur autoroutière particulièrement voyant.
Mieux vaut sans doute préférer une livrée plus sobre, histoire de jouer sur la fibre sleeper qui fait quand même partie de la vocation originelle sur ce genre de véhicule. En blanc, gris ou noir en évitant les jantes optionnelles de 21 pouces et -si possible- en évitant aussi la fibre de carbone à vif sur le bouclier, le cocktail semble parfait pour mettre une rouste à la quasi-totalité des sportives de la planète au feu vert par surprise (0 à 100 km/h en 3,9 secondes). Visuellement, la silhouette de cette nouvelle RS6 Avant paraît un peu plus musclée que sur le précédent modèle, sans doute grâce à ses arches de roues au style différent. Une chose est sûre : le gros break Audi a toujours une forte présence, sans doute un peu plus qu’une Mercedes E63 AMG qu’on imagine plus naturellement en berline qu’en break. Au fait, vous ne pourrez plus commander de RS6 en version quatre portes contrairement à l’ancien modèle. Si vous n’aimez pas les breaks, il faudra donc vous reporter sur la RS7. Tout l’inverse de BMW qui ne propose sa M5 qu’en version berline, mais plus en break.
La transporteuse
Techniquement, la RS6 Avant est un grand break familial qui peut donc rendre tout un tas de services grâce à son volume de coffre généreux (565 litres) et sa banquette arrière rabattable (1680 litres maxi), que ce soit pour transporter des meubles ou un gros stock de matières illicites dans un film de Luc Besson. Côté confort, elle fait évidemment de gros efforts pour se montrer digne d’une familiale classique avec sa suspension pilotée (paramétrée en mode Confort pour la balade tranquille), et son moteur qui peut compter sur un système de désactivation de la moitié des cylindres pour combattre son appétit naturel. Vous évoluez alors sans bruit ou presque, dans un univers connu : l’habitacle d’une A6 à laquelle on a rajouté de superbes baquets et quelques détails de finition pour asseoir son statut de missile familial. Rien à dire sur cet intérieur à la finition toujours parfaite, auquel la fibre de carbone et l’Alcantara conviennent très bien. Plus soigné et plus récent de style et de conception que celui des « petites » RS4 et RS5, il me paraît mieux dessiné que dans une Mercedes E63 AMG ou une BMW M5. Plus intuitif.
Sur le tableau de bord, le bouton de l’Audi Drive Select permet de régler tous les paramètres de l’auto entre la suspension, la direction ou le groupe motopropulseur. Sur une fourchette allant de Efficiency jusqu’à Dynamic, un mode Individual permettant de choisir le réglage pour chaque paramètre, indépendamment. Compte tenu des prétentions qu’affiche cette RS6, nous avons d’ailleurs vite fait de tout passer en mode Dynamic, lancé sur les routes du Larzac et de l’Aveyron.
L’attaque (trop) facile
Il n’y a donc plus de gros V10 mais mécaniquement, Audi parvient à faire encore mieux avec ce « petit » V8 de quatre litres qui envoie plus de couple que sur une M5 et quasiment autant que sur une E63 AMG dont le bloc est plus gros de 1,5 litre. Même à bas régime. Pédale de droite écrasée, la poussée de l’engin ne vous dépayse pas quand vous sortez d’une R8 V10 Plus, le niveau d’accélération vous permettrait d’humilier une Aston Martin DB9 ou une Maserati Gran Turismo avec beaucoup d’impudeur. Le bruit est assez flatteur lui aussi, encore heureux pour une marque capable de faire passer un V6 TDI pour un V8 américain. Un peu moins violent qu’un V8 AMG, ce V8 claque avec suffisamment de hargne pour effrayer les automobilistes que vous doublez entre deux virages. Virages dans lesquels vous vous engouffrez sans aucune retenue puisque cet engin n’impose à peu près aucune précaution à l’emploi : ici, vous n’êtes pas dans une BMW M5 ou une E63 AMG, qui exigent de vraies compétences au volant lorsqu’elle sont fortement malmenées à l’attaque, surtout avec les aides à la conduite en mode dégradé. Vous faites ce que vous voulez de votre pied droit, qui peut envoyer autant de chevaux qu’il le désire sans jamais vous mettre en danger en sortie de courbe : la transmission intégrale et le système de torque vectoring très travaillé empêchent la moindre ruade du train arrière, l’ensemble reste d’une neutralité qui vous met en confiance instantanément.
Les performances sont inévitablement supersoniques grâce à cette facilité de comportement, mais ne comptez pas sur elle pour atteindre le septième ciel du pilotage. La RS6 Avant se contente d’offrir la meilleure efficacité possible sur la route en restant raisonnablement confortable, sans chercher à se montrer joueuse. Au passage, la boîte de vitesse automatique à huit rapports se montre décevante en mode manuel et rappelle celle de la E63 AMG en à peine mieux : trop lente de fonctionnement avec le moteur en pleine charge, elle vous impose d’anticiper vos changements de rapports sous peine de rester bloqué au rupteur un court instant. Pareil au rétrogradage où la boîte manque de réactivité : mieux vaut alors la laisser fonctionner en automatique avec le mode Sport, elle préfère. Sur ce plan, la BMW M5 et sa double embrayage supersonique restent à des années lumières devant en matière de rapidité et de plaisir. La boite double embrayage des RS4, RS5 et autres R8 n’était pas capable d’encaisser les 700 Nm du V8 biturbo, il aurait donc fallu en développer une autre pour la RS6 ce qui a été jugé trop coûteux en interne. Dommage.
Au delà de la boîte et malgré sa force de poussée herculéenne, la RS6 Avant n’est pas une machine particulièrement généreuse en sensations. Elle a bien perdu un petit quintal sur la balance depuis l’ancien modèle, mais sa neutralité de comportement et sa direction pas si communicative n’en font pas une machine spécialement vivante. Vous glisser sans faire de chichis dans ce qui relèverait du domaine du grand excès de vitesse partout en dehors de ses autobahns natales, voilà ce qu’elle sait faire le mieux. Et si vous décidez d’attaquer très fort sur une petite route (ce qu’elle sait très bien faire aussi), n’oubliez pas qu’un si gros bébé sollicite beaucoup ses freins en acier. L’option du carbone-céramique est heureusement au catalogue pour les plus agressifs, au prix d’une petite voiture (un peu moins de 10 000 euros). Ne vous faites pas d’illusions sur sa consommation qui, fatalement, dépassera largement les 20 litres aux 100 kilomètres en conduite très sportive.
Guerre à trois
Pas de doute, cette RS6 Avant pousse encore plus fort qu’une M5 ou qu’une E63 AMG sur la route, grâce à sa transmission intégrale qui lui donne par ailleurs un comportement beaucoup plus docile. Côté plaisir de pilotage en revanche, la M5 reste devant mais impose plus d’investissement de la part de son conducteur. Pareil pour la Mercedes E63 AMG qui peut se montrer encore plus sauvage du train arrière, mais qui compose avec une boîte de vitesse trop lente en mode manuel par rapport à la bavavoise. Par rapport à ces deux concurrentes, la RS6 Avant se montrera inévitablement plus polyvalente dans une utilisation quotidienne, quelle que soit la météo. Côté tarif, avec un prix d’appel de 120 600 euros elle se montre très légèrement plus chère que la M5 (117 000 euros, tarif 2011) et légèrement moins que la E63 AMG (121 800 euros en berline).
Reste le cas de la E63 AMG S, nouvelle venue dans la catégorie avec une transmission intégrale peu habituelle pour les sorciers de la marque à l’étoile. Forte de ses 585 chevaux (pour 800 Nm), d’un comportement plus accessible que la propulsion et d’une poussée qui nous avait parue encore plus démoniaque que cette RS6, elle reste -de pas beaucoup- la plus rapide en ligne droite dans cette catégorie des berlines les plus méchantes. Elle est aussi beaucoup plus chère avec un tarif d’entrée à 136 000 euros. Mais chez Audi, on ne cherche même plus à démentir l’arrivée prochaine d’une RS6 Plus pour rivaliser avec cette E63 AMG S et la toute nouvelle M5 Competition, poussée à 575 chevaux. Entre ces trois-là, la guerre est donc loin d’être finie. Choisissez juste votre camp…
Crédit photos : Laurent Sanson (merci !) et Cédric Pinatel
+ | Performances de supercar
Facilité de comportement Polyvalence |
– | Boîte de vitesses trop lente en mode manuel
Engin avare en sensations de pilotage |
Caractéristiques | |
Moteur | |
Type et implantation | 8 cylindres en V essence |
4 soupapes par cylindre | |
Injection directe biturbo | |
Cylindrée | 3993 cm3 |
Puissance | 560 ch à 5700 tr/mn |
Couple | 700 Nm de 1750 à 5500 tr/mn |
Transmission | |
Roues motrices | Integrale |
Boîte de vitesses | Automatique à 8 rapports avec mode séquentiel |
Châssis | |
Suspension avant | A cinq bras, active |
Suspension arrière | trapézoïdale, active |
Direction | Electrique à crémaillère |
Diamètre de braquage | 11,9 m |
Freins | Disques ventilés percés Etriers 6 pistons (Av) Disques ventilés percés (Ar) |
Jantes et pneus | 245/40 R 20 ou 285/30 R 21 |
Performances | |
Vitesse maximale | 305 km/h |
0 à 100 km/h | 3,9 s |
Consommation | |
Cycle urbain | 13,9 l/100 km |
Cycle extra-urbain | 7,5 l/100 km |
Cycle mixte | 9,8 l/100 km |
CO2 | 229 g/km |
Dimensions | |
Longueur | 4 979 mm |
Largeur | 1 936 mm |
Hauteur | 1 461 mm |
Empattement | 2 915 mm |
Volume de coffre | 565 -> 1680 l |
Réservoir | 75 l |
Masse à vide | 1 935 kg |
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