Elle n’a jamais couru, épisode 26 : Alfa Romeo 160

Seulement, le championnat est encore fragile financièrement dans une Europe qui se reconstruit à peine et les monoplaces de Formule 1 deviennent trop dispendieuses. La CSI annonce pour 1952 le passage à la règlementation Formule 2, tandis que Alfa Romeo, dont la situation financière est également précaire, se retire de la compétition.

Néanmoins, les ingénieurs du département course espèrent que le Biscione reviendra bientôt dans la catégorie, d’autant plus que les autorités annoncent rapidement, à l’horizon 1954, le retour à une règlementation Formule 1 avec des moteurs atmosphériques de 2.5 litres de cylindrée. Ainsi, dans le plus grand secret, dans le courant de l’année 1952, l’équipe d’ingénieurs dirigée par Orazio Satta Puglia se met au travail. Elle compte parmi ses membres un transfuge de Ferrari, qui avait déjà fait un détour par Alfa Romeo avant-guerre : Giuseppe Busso, qui bientôt donnera son nom au moteur emblématique d’Alfa Romeo.

La recherche de l’architecture parfaite

Les ingénieurs ne veulent pas revenir avec de vieilles recettes, mais ont au contraire l’ambition de proposer une voiture de course novatrice, en rupture avec les architectures techniques habituelles. Avant guerre, Alfa Romeo avait été impressionné par les audacieuses Auto-Union Type C et D, qui détonnaient dans le paysage des voitures de grand prix avec leurs moteurs V16 et V12 placés en position centrale/arrière. Les flèches d’argent conçues par Ferdinand Porsche étaient pointues à conduire, réputées même dangereuses, et moins fiables que les Mercedes, mais leurs performances étaient ahurissantes, surtout en accélération grâce à une excellente répartition des masses liée à la position du moteur.

Face à cette outrageuse domination germanique, Alfa avait tenté de répliquer en développant en 1940 la Tipo 512, la première monoplace à moteur arrière du Biscione, mue par un 12 cylindres à plat 1.5 compressé, mais elle n’eut pas l’occasion de courir avec l’éclatement du second conflit mondial. Les essais de la 512 s’étaient avérés de toute façon délicats : avec un moteur logé à l’arrière et un poste de pilotage très avancé vers l’essieu avant, son comportement trop pointu rendait le pilotage difficile.

Constatant les défauts de conception de la 512, les ingénieurs d’Alfa Romeo définissent un concept de monoplace avec un châssis-poutre tubulaire, dont le poste de pilotage serait positionné…en arrière de l’essieu arrière ! Ils estiment qu’une monoplace de grand prix avec un siège placé ainsi serait plus facile à conduire, donnant au pilote une bonne visibilité sur l’ensemble de la voiture ainsi qu’un meilleur contrôle du train arrière, comme sur les dragsters. Les ingénieurs tablent aussi sur une meilleure répartition des masses et une meilleure traction du train arrière, bien que le modèle soit aussi pensé pour recevoir, le cas échéant, une transmission aux 4 roues.

La raison plutôt que la passion

Fin août 1952, les premiers essais sont réalisés à Monza avec une Alfetta 159 modifiée, nom de code 160, dont on a reculé le pédalier et la direction…mais, faute de temps, pas le pare-brise, qui reste planté au milieu du capot ! Vu le bricolage, il ne s’agit pas de chercher la performance mais de valider le concept. Consalvo Sanesi, pilote de course et pilote d’essais régulier de la marque, qui avait déjà étrenné la Tipo 512, réalise quelques tours sur le temple de la vitesse, signant un chronomètre de 1’59 », à comparer au temps de 1’53 » de la pole position signée par Fangio en 1951. Sanesi se plaint évidemment du positionnement du pare-brise, qui ne le protège plus des turbulences et l’oblige à corriger constamment le placement de ses lunettes (!), mais par contre, il se montre enthousiaste à propos de l’adhérence en virage procurée par cette Alfetta prototype.

Mais le projet tombe finalement à l’eau. Fin 1952, faute d’une rallonge financière de l’État, Alfa Romeo renonce à retourner en F1 et donne surtout la priorité au développement d’une berline sportive de route qui doit augmenter les ventes et pérenniser la marque. Ce sera la Giulietta !

Images : wikimedia, flickr

(12 commentaires)

        1. Ah ben le souci c’est qu’assis derrière l’essieu arrière on sent bien trop de choses…et des « fausses ».

          1. Oui, gros risque de sur-compenser au volant les derives du train arriere.
            Il aurait ete interessant qu’ils poussent le concept jusqu’au bout pour voir ce que cela aurait donne en performances pure. Le temps du mulet dans l’article n’est pas franchement representatif…

        2. C’est de la que ca viens pour un Alfiste d’avoir en permanance mal au cul , c’est un des trois symboles historiques qui n’a jamais changé pour la marque avec la forme de la calandre et la fiabilité catastrophique ?

  1. C’est très italien dans l’appréciation romantique du terme ce pare-brise laissé là parce-que bon, on n’a pas que ça à faire…
    Charmant 😉

    1. Non non, il s’agit bien de la Giulietta, sortie en 1954, et non pas la 1900 de 1950 (qui a été de toutes façons un échec commercial)

  2. très bon article qui démontre encore le feu de la passion des gens de chez Alfa Roméo.Alfa retentait ce que Bugatti avait lui aussi fait en essai avec la 53 , 20 ans plus tôt: 4 roues motrices . Une bonne auto, pour moi, rien n’a changé: ça se conduit toujours aujourd’hui avec les fesses. Je sais c’est ringard ce que j’écris, vue que je suis Loin. Audiard ne disait-il pas , je cite  » Conduire dans Paris, c’est surtout une question de vocabulaire ».

  3. Salut
    Elles servent à quoi les 4 roues dentées en sortie de transmission aux 4 coins ?
    J’arrive pas à voir à quoi ça sert.

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