Un chantage à l’emploi qui fonctionne
Le diesel, c’est du gras pour schématiser. Et ce gras peut être issu de différentes origines, dont des origines végétales. Aussi, chez Total, on a décidé de transformer l’usine de La Mède (Bouches-du-Rhône) en « bioraffinerie ». Elle peut traiter jusqu’à 650 000 tonnes « d’huile et de gras » dont jusqu’à 300 000 tonnes d’huile de palme par an. Il était question de 550 000 t de palme dans le projet initial. Cette huile, en provenance majoritairement d’Indonésie, est transformée en carburant et bénéficiait d’un abattement fiscal.
Sauf qu’il y a un an, les députés ont voté la fin de ce régime fiscal favorable. Ils ont sorti l’huile de palme de la liste des « bio-carburants ». Total a même été récemment débouté par le Conseil Constitutionnel d’un recours lancé contre cette exclusion. Total a alors sorti la machine à communication/lobby en expliquant que cela coûterait de 70 à 80 millions d’euros par an.
Et Total de faire explicitement un chantage à l’emploi et souhaiter fortement que les députés reviennent sur leur décision avant la fin de l’année. Comme par magie, rebondissement donc hier soir. En plein examen du budget les députés ont adopté une mesure soutenue par des élus MoDem, LREM et LR des Bouches-du-Rhône en faveur d’un report à 2026 de cette exclusion des biocarburants. Certains fustigent le lobbying de Total.
Pas grand chose de bio dans l’huile de palme
Ces députés expliquent vouloir « laisser une période transitoire suffisante de stabilité fiscale et réglementaire aux acteurs économiques français, […] dans un calendrier [de sorti] deux fois plus rapide que celui proposé par l’Union européenne ». En effet, en théorie en Europe, la sortie de l’huile de palme est prévue pour 2030. En l’interdisant dès 2020, la France faisait figure de pionnière et de bon élève. Patatras ! D’ici à ce qu’en 2025, on repousse encore, il n’y a qu’un pas. En attendant, c’est un cadeau fiscal de 70 à 80 millions d’euros contre 250 emplois à La Mède.
Pourtant, cette usine peut fonctionner avec de l’huile de colza ou de tournesol française. Elle peut même utiliser des huiles de vidange, des graisses et ou des fritures recyclées. Bien plus écologique qu’une huile responsable d’une déforestation massive en Indonésie. Cette déforestation menace directement l’orang-outan.
Total argue que son huile est issue d’une filière « durable et certifiée ». Il n’empêche qu’utiliser une huile alimentaire pour faire avancer voitures, camions, etc. est une hérésie. Les députés avaient la possibilité d’y mettre fin. Ils ne l’ont pas fait. Le Sénat peut désormais rectifier cela même si c’est l’assemblée qui aura le dernier mot, avec l’aval du gouvernement.
[Mise à jour 15/11 22h : Le Gouvernement a entendu la grogne suscitée par le vote d’hier soir. Le texte est reparti à l’Assemblée Nationale pour un second vote. Cette fois-ci, l’huile de palme est retirée de la liste des biocarburants en 2020.]
Mettez un orang-outan dans votre moteur
La culture de l’huile de palme en elle-même n’est pas forcément mauvaise pour la planète. Pour une même quantité d’huile, un palmier à huile demande de 5 à 10 fois moins d’eau que d’autres plantes oléagineuses. Malheureusement, comme pour la canne à sucre (éthanol) au Brésil, l’Indonésie défriche d’immenses morceaux de forêt riche de bio-diversité pour y planter du palmier.
De plus, elle parcours des milliers de kilomètres pour arriver dans nos raffineries, et à la fin dans notre assiette ou notre moteur. L’ONG Transport&Environment estime qu’un diesel à l’huile de palme c’est +200% de pollution par rapport à un diesel fossile classique. Le jour où les carburants seront issus de déchets non créés explicitement pour faire du carburant, alors là oui on pourra parler de bio-carburant.
Pour comparaison, la France importe près de 140 000 tonnes d’huile de palme par an pour l’industrie agro-alimentaire dans son ensemble. Ici, on est à plus du double pour une production d’environ 15% du « biodiesel » produit annuellement en France.
Illustration : Wagino (Creative Commons)
des fois en politique, on en arrive à être couillon sans même s’en rendre compte , ou trop tard, en dichotomie TOTALe avec ses discours. Argent, chantage à l’emploi, ça ne sort pas du hit parade.
Ne t’inquiètes pas pour les politiques, ils savent très bien tout ce qu’ils font pour leurs futures pantoufles, et les revenus associés.
What a surprise !!! Et c’est par la loi et les politiques qu’il faut compter pour « sauver » l’environnement ? c’est mal barré vu les lobbies et les intérêts contradictoires privés.
Heureusement, la Ford Mustang « Ma queue » arrive pour sauver le monde…
« L’important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage », etc…
Champions de la terre !!!!
Total fait vivre une bonne partie de l’économie française, ne pas le soutenir confinerait au suicide
L’Huile de Palme est décriée car elle déforeste… C’est un fait, mais une conséquence de l’accroissement des besoins et non la cause de la déforestation… Je m’explique : l’huile de Palme est très populaire car elle a un rendement à l’hectare double des autres huiles… Remplacer l’huile de Palme par du Colza c’est déforester deux hectares pour chaque hectare de palme… Ce n’est pas la palme le problème mais l’augmentation de la population et des besoins afférents…
Certes.
Ça sort du sujet (carburant vs alimentation), mais c’est aussi avant tout au consommateur à acheter en toute connaissance de cause. Il y a parfaitement moyen de manger dans huile de palme (ou de Colea bien que celle-ci soit nettement meilleur pour la santé).
Donc avant de taper sur les politiques (à tort ou à raison), c’est le consommateur (et électeur par la même occasion) le premier responsable !
On voit clairement la différence à la pompe de l’essence et du sucre, est ce que c’est pareil pour le diesel et l’huile de palme ?
Chantage à l’emploi ? Vous me faites bien rire. L’état, qui avait autorisé Total à importer de l’huile de palme l’a fait pour que Total ne ferme pas une raffinerie devenue inutile. Les conséquences sont donc logiques.
Total a mis du temps et des millions pour la conversion. Total devrait donc accepter de perdre son investissement sur un coup de tête de l’état!
Et bien soit. Mais outre le préjudice financier c’est sûr que j’ai pas trop envie de continuer à entreprendre dans ce climat. Tout ce qui est délocalisable, je le délocalise. Pas par soucis d’économie fiscale ou autre, mais juste pour être tranquille et m’offrir une vision à long terme.
Allé encore un petit effort et il ne restera plus rien. Juste les points de vente et commerces locaux que l’on ne peut pas délocaliser. On pourra les saigner facilement : ils sont petits et il y aura toujours un courrageux pour remplaçant le défunt.