Des Moscovites se rebellent contre un projet « fou » de route sur un site radioactif

Ce terrain boisé de la ville de Moscou, jouxtant une plateforme de train très fréquentée et situé à moins de 200 mètres de grands immeubles d’habitation, est parsemé de zones de radioactivité élevée.

Depuis des semaines, des riverains et des militants comme M. Ojarovski, physicien nucléaire de formation, se mobilisent contre le projet de construction d’une autoroute à huit voies justement sur cette colline, où ont été enterrés des déchets nucléaires soviétiques jusque dans les années soixante-dix.

« La véritable horreur, c’est que nous sommes exactement à l’endroit où l’autoroute est prévue », affirme M. Ojarovski, qui étudie cette zone depuis l’année dernière.

« Dès qu’on enlève la couche en surface, les niveaux enregistrés sont élevés. Cela veut dire que nous sommes sur une pile de déchets radioactifs », ajoute-t-il, alors que le dosimètre grimpe à plus d’un 1 microsieverts/heure, soit plus de trois fois le niveau de rayonnement ambiant naturel.

Si ce niveau n’est toujours pas nocif pour la santé, il indique néanmoins que des doses plus élevées se trouvent sous la terre et pourraient se répandre et nuire à la santé des habitants, affirme M. Ojarovski.

Selon les règles de construction russes, des inspections supplémentaires sont obligatoires si un niveau supérieur à 0,6 microsieverts/heure est mesuré, afin de déterminer si un nettoyage est possible avant de décider d’une quelconque construction.

Mais selon des documents publiés en février sur le projet d’autoroute – une parmi quatre routes prévues par l’influent maire Sergueï Sobianine – « aucune contamination radioactive n’a été trouvée ».

Moscou n’est ‘pas Prypiat’

La nouvelle autoroute doit traverser dix quartiers en enjambant la Moskova pour relier des zones périphériques en évitant le centre de la mégapole de 12 millions d’habitants.

Sur la colline en question, située dans le sud-est de Moscou, la pollution radioactive provient d’une ancienne usine soviétique qui faisait jusque dans les années 1970 de l’extraction de thorium, élément radioactif, destiné aux réacteurs nucléaires de l’époque.

Des années avant la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (1986), lorsque les risque des radiations étaient sous-estimés, l’usine rejetait simplement ses déchets sur la colline adjacente, qui descendait vers la rivière.

Ce terrain, où gisent dispersés les déchets sans aucune indication, est depuis passé dans le giron de la ville de Moscou, dont le maire tient à développer rapidement les zones négligées.

« Nous sommes extrêmement préoccupés », affirme Ivan Kondratiev, activiste dont le père habite à proximité. Toucher au terrain de la colline « va répandre (la pollution radioactive) sous forme de particules et gouttelettes et nuire à la santé des gens », affirme-t-il, debout à côté d’une base érigée par des riverains pour surveiller le site en permanence et empêcher le début des travaux.

« Ici, ce n’est pas Prypiat, » indique un panneau, en référence à la ville la plus proche de la centrale de Tchernobyl, devenue fantôme depuis son évacuation.

Sur la chaîne Telegram alimentée par les militants, des centaines de personnes suivent les évènements, prêts se rendre sur place pour bloquer les travaux si besoin.

Fin janvier, le maire a admis pour la première fois que la colline contenait bien des « déchets radioactifs », mais a assuré qu’il n’y avait que des « traces de contamination insignifiantes » sur le tracé de l’autoroute, « n’interférant pas avec la construction ».

« C’est une approche complètement immature », s’indigne M. Kondratiev, affirmant que la mairie ne fournit aucun chiffre, après avoir nié pendant des mois la dangerosité du site.

Le département de la construction de la mairie chargé du projet a refusé une demande d’interview de l’AFP.

‘Projet fou’

Les militants demandent que le projet soit gelé le temps qu’une nouvelle expertise soit réalisée.

Greenpeace Russie a déposé un recours en arbitrage le mois dernier pour faire reconnaître comme nulle l’étude initiale ayant conclu à une absence de traces de radioactivité sur place.

La construction de l’autoroute déterrerait une quantité « imprévisible » de radiation, et des poussières radioactives « se répandraient sur des distances considérables », a affirmé Greenpeace dans la requête, qui devrait être entendue début avril.

Mais la ville est peu susceptible de bloquer longtemps ce projet phare: les travaux pour cette route de 28 kilomètres battent déjà leur plein de l’autre côté de la rivière.

La riveraine Elena Agueïeva affirme qu’elle se battra « jusqu’au bout », pour empêcher un projet qu’elle estime dangereux pour sa famille.

« Nous serons les premiers frappés par ce qu’ils déterreront », affirme-t-elle, dénonçant un « projet fou »: « Nous ne pouvons pas permettre qu’une catastrophe environnementale se produise dans la ville ».

Par AFP

(15 commentaires)

  1. La Russie est le paradis des gens qui se foutent de l’écologie 😉
    On va pouvoir organiser des voyages ici… 😀
    Paradoxalement, je suis pro-nucléaire, car je pense que cela reste largement un « moindre-mal » mais il faut que cela soit bien fait.
    Car sinon les inconvénients dépassent largement les avantages.
    Les Russes nous montrent depuis les années 50, les erreurs qu’il ne faut absolument pas faire !

    1. Mais oui les gars, tout va bien, vous avez raison de ne pas vous inquiéter !
      J’oublie volontairement les accidents les plus connus.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_nucl%C3%A9aire_de_Kychtym

      https://www.liberation.fr/debats/2019/09/08/accident-nucleaire-en-russie-les-fantomes-de-nionoksa_1750029
      J’oublie aussi les cimentières des sous-marins nucléaires répartis de l’ouest à l’est et les armes chimiques jetées par-dessus bord en mer Baltique.
      Tout ça qui fait passer l’accident de Tchernobyl pour un « petit » détail de l’histoire.

    2. C’ est plus ton « moindre mal » qui fait bondir etant donne les problematiques du nucleaire concernant les dechets, les dangers potentiels, et le demantelement des centrales.
      https://www.huffingtonpost.fr/entry/fessenheim-arret-du-reacteur-numero-1-mais-les-vrais-problemes-commence-avec-le-demantelement_fr_5e3976a2c5b6ed0033acb7f3
      Toi qui te gargarises d’ agir pour les generations futures, cette forme d’ energie est la pire invention qui soit sur le moyen et long terme.

      1. Soyons pragmatique… qui va renoncer à 50 % de son électricité ?
        Réponse : Personne ! *

        On arrête les 500 réacteurs nucléaires dans le monde… on les remplace par quoi… même sur 10 ans ?
        Franchement, on tue la planète sur moins de 30 ans… les centrales à charbon, pétrole, gaz … etc. exploserons en nombre avec 7 milliards d’individus (bientôt 10 milliards) qui veut sa petite voiture, sa petite maison (avec piscine ci-possible), sa petite clim, etc.
        Alors OUI, en pesant le pour et le contre c’est un « moindre mal »… qui pourrait sauver le monde. (pas négligeable ?)

        * : à part 0,01 % d’écolos pur et dur.

  2. Bah, tant qu’on ne fait que passer sans bouchons ni au quotidien… Puis on est en Russie, la résistance aux rayonnements ionisants fait partie du projet de société vu comme ils font repartir la course aux armements avec leur libre interprétation de traités qui motive le pendant de l’autre côté à se torcher avec!

    1. Une petite rasade de vodka pour soigner tout ça… comme disait le capitaine du sous-marin nucléaire Russe le K-19 surnommé « Hiroshima » 😉

  3. « Des Moscovites se rebellent… » : autant dire de suite qu’ils vont finir eux-mêmes sous la colline, sous la route ou au fond de la rivière… ou les 3.

  4. Le pragmatisme consite plutot a investir les milliards qu’ on met dans la construction d’ une seule centrale dans la recherche d’ alternatives (le budget EDF se chiffre en dizaines de millions seulement..) et a etablir un plan realiste pour l’ arret progressif des dites centrales avec des moyens de compensation (les techno « vertes » existent), plutot que d’ investir dans le renforcement du reseau nucleaire et la vente de cette technologie a l’ etranger au motif d une soit-disante superiorite nationale….On disait la meme chose du Minitel ou du Bebop.
    Le nucleaire ne pourra jamais sauver le monde (quelle arrogance), mais par contre il peut le detruire. Un exemple tout bete: en cas d’ eruption solaire (hypothese tout sauf farfelue), l’ ondre electromagnetique aura (entre autres) pour effet de desactiver tous les systemes de securite des centrales….

    1. Ah, parce que l’énergie nucléaire serait le Bebop de l’énergie ?
      Je crois qu’il n’y a jamais eu autant de centrales en cours de construction.
      Tous les sites sensibles sont « blindés » contre le flash électromagnétique comme les E-Bomb.
      Je ne suis pas « pro-nucléaire » par plaisir, mais par nécessité, je suis plus à fond pour les EnR.
      On n’est pas d’accord avec moi !?
      OK… Alors fait quoi concrètement ?
      Les EnR ne peuvent pas remplacer 100 % du nucléaire… on rachète du charbon aux Allemands ?
      On fait quoi ?
      On coupe le compteur EDF dans nos logements ?
      Dans un sens, nos arrière-grands-parents vivaient sans électricité chez il y a 100 ans.
      Prêt pour un grand retour en arrière ?

    2. Qu’est-ce que c’est que cette ânerie que vous nous débitez? Que vous soyez anti-nucléaire, certes, mais évitez les affirmations dignes d’un site complotiste !

      Une éruption solaire n’a aucune chance de toucher les équipements de contrôle d’une centrale nucléaire… ça aurait déjà du mal à influencer fortement tous vos appareils…

      Les seuls qui seraient fortement impactés sont les satellites, qui eux ne jouissent pas de la protection de l’atmosphère.

      Enfin, si vous êtes aussi crédule, ça ne m’étonne qu’à moitié que vous puissiez penser pouvoir faire sans le nucléaire à court ou moyen terme…

    3. Greg, les articles à charge sur le démantellement ont peu de valeur, je vous renvoie sur l’article documenté de Brennilis : les anti en ont fait leur prophétie auto-réalisatrice (comment bloquer au maximum le chantier par des recours pour expliquer ensuite que c’est problématique)

      Un chantier de démantèlement c’est 90% d’attente, simplement parce que la demie-vie de la plupart des isotopes est de 8 à 30 ans. Il est donc beaucoup plus rationnel de faire des pauses à chaque fois qu’on s’approche du coeur.
      Mais si vous approchez Brennilis, vous constaterez qu’il n’y a plus rien, c’est une coquille vide depuis longtemps avec de l’herbe autour. Je trouve hallucinnant de se servir de l’argument « ça a mis 50 ans de travaux », alors que vous le constaterez vous même : le chantier est vide d’homme ou presque.

      En tout cas en termes de cout comme de nuisance, rien à voir avec un réchauffement global.

      Ensuite vous évoquez le fait qu’on aurait du mettre ces milliards dans des alternatives : ça a été testé !
      L’allemagne a elle seule a mis l’équivalent du passage au zéro co2 de toute l’europe en réacteurs nucléaire 450 milliards 🙂

      Au final même pas 30% de ses propres besoins sont couverts.

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