Charlie Wiggins: né sous la mauvaise étoile

Les blacks sont très, très rares dans l’histoire du sport automobile. Aujourd’hui, on peut espérer que Lewis Hamilton fasse tâche d’huile. Dans les archives du Champ Car, le nom de Charlie Wiggins n’apparait nul part et pourtant, d’aucuns disent qu’il fut l’un des meilleurs pilotes de la fin des années 20. Le problème? Wiggins était black et les portes se claquaient devant lui.

Les livres d’histoires nous apprennent que les états du Sud des Etats-Unis étaient racistes, alors que ceux du nord étaient pour l’égalité des races, d’où la guerre de sécession. Wiggins pourrait témoigner que les choses n’étaient pas aussi simple.

Le premier pilote black fut Jack Johnson. Le célèbre boxeur (ci-contre) adorait les voitures. En 1910, défia le vainqueur du Champ Car 1905, Barney Oldfield. La course: trois manches de 5 miles (8km) sur le circuit de Sheepshead bay (utilisé alors par le Champ Car.) Oldfield s’imposa, mais Johnson rentrait dans l’histoire.

Wiggins est né à Evansville, dans l’Indiana. Cireur de chaussures, il amusait ses clients en reconnaissant chaque voiture passant dans la rue rien qu’au bruit. Il s’était installé près d’un garage, lequel finit par l’embaucher. Là encore, il savait déceler une panne « à l’oreille ». Passionné de voitures de courses, il déménage avec sa femme à Indianapolis, où il ouvre son propre garage.

Wiggins récupère des pièces à droites et à gauche pour créer sa « Wiggins Special » (photo du bas.) Mais en 1924, lorsqu’il tente de s’inscrire aux 500 miles, on lui barre la route avec de faux-prétextes. Faute de pouvoir jouer chez les blancs, les joueurs de baseball blacks ont créé leur propre ligue. Sur le même principe, Wiggins lance la Colored Racing Series, donc le point d’orgue sont les 100 miles de « Gold and glory ». Cette course est sponsorisée par l’homme d’affaire black William Rucker.

En 1928, Harry McQuinn, un pilote de sprint Car, souhaite engager la Wiggins Special à la course de Louisville. Wiggins accepte, à condition qu’il effectue quelques tours pour la régler. Lorsque le public (au milieu duquel se trouvait sans doute des membres du klux klux klan) voit tourner un black, il envahit la piste et menace de le lyncher. Wiggins est arrêté par des miliciens, jeté en prison « pour sa sécurité » et expulsé à la tombée de la nuit.

En 1934, Bill Cummings, un autre pilote, demande à Wiggins d’être son chef-mécanicien pour les 500 miles d’Indianapolis. Mais le seul job autorisé pour un black par l’organisateur est d’être balayeur. Wiggins passera donc ses journées à balayer la piste et ses nuits à régler secrètement la voiture de Cummings, qui s’imposera (on voit ici Cummings après la course, lunettes autour du cou.) Il avouera beaucoup plus tard que Wiggins était son mécano. Notez que Wiggins n’est pas sur la photo.

La ligue black de baseball était plus populaire que la ligue professionnelle. Cette dernière tuera la ligue black en engageant les meilleurs joueurs blacks. Ce qui leur permit de devenir des professionnels. A contrario, même au bord de la faillite, l’AAA (alors organisateur du Champ Car), refusera de pactiser avec la Colored Racing Series.

En 1936, lors de la Gold & Glory, Wiggins est victime d’un terrible accident où il laissera sa jambe. Privé de son pilote-vedette, la Colored Racing Series s’éteindra peu après. Wiggins continuera de réparer des voitures. Il formera de nombreux mécanos et inspirera Ray Joie, premier black au départ d’une manche de Nascar (Daytona, 1952.) Les soins pour sa jambe ruinèrent Wiggins, qui mourra en 1979 pauvre et oublié.

Source:

Evansville.net

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