Les Maseratistes sont partagés sur cette voiture. Il y a ceux qui considèrent qu’en tant que berline, elle était géniale, ne serait-ce qu’à cause de son V6 aussi prompt à éveiller les sens qu’à monter dans les tours. Par contre, pour les ayatollahs de la Ghibli, de la 250F ou de la « Birdcage », c’était un sacrilège, comme Jeremy Clarkson qui balança une benne sur une Biturbo rouge.
En 1975, Maserati est K.O. et d’aucuns en parlent déjà au passé. L’incontournable Alejandro De Tomaso rachète l’entreprise. L’année suivante, la première « Maserati De Tomaso » sort: la Kyalami (en fait, c’est une De Tomaso Longchamp rebadgée.)
Mais la première vraie nouveauté sera pour le 14 décembre 1981, lorsque la marque au trident présente la Biturbo. Comme son nom l’indique, elle possède un V6 2,0l Biturbo de 180ch. 180ch? C’est peu pour une Maserati, mais avec un poids d’une tonne, les accélérations sont démoniaques.
Outre le moteur, les acheteurs peuvent être charmés par l’ambiance: cuir, bois et l’inimitable « tocante » au centre du tableau de bord (à l’époque, BMW et Mercedes sont plutôt « plastique noir mat ».)
Dans les moins, il y a la ligne (trop?) discrète de Pierangelo Andreani, l’habitabilité réduite (même plus tard en 4 portes), les tarifs très « Maserati » et surtout une qualité de fabrication à hurler entre la caisses « biodégradables » et moteurs qui cassent comme du verre.
Malgré tout, les ventes explosent les prévisions. La production progresse de 328% entre 1981 et 1982, avec un pic à 6365 véhicules (un record absolu, qui tient toujours) en 1984.
Du coup, De Tomaso abandonne les autres véhicules, comme la Kyalami ou la Merak (seule la Quattroporte restera), pour décliner la Biturbo. En 1983, on passe à 2,5l (pour l’export uniquement, les plus de 2l étant lourdements taxés.) En 1984, le Spyder, dessiné par Zagato sur un empattement raccourci apparait. En 1985, un 2,8l est proposé, ainsi qu’une carrosserie 4 portes. Puis en 1987, la gamme est reliftée, tandis que les V6 reçoivent l’injection (la fiabilité fait un bond.)
Maserati atteint alors un plafond de verre: elle n’a pas les moyens techniques ou financiers pour développer encore plus la Biturbo (voir de la remplacer) et concurrencer efficacement les Allemands; l’accord avec Chrysler ayant fait long feu.
C’est le début d’une chûte des ventes. Qui plus est, Maserati noye l’acheteur potentiel avec une avalanche de modèles. Ainsi, en 1988, la Karif, qui est une version coupé du Spyder (donc châssis court), arrive. En 1990, c’est le tour du Shamal, qui est grosso modo une Biturbo 2 portes « normale » avec un kit carrosserie (même si Marcello Gandini l’a dessinée et qu’elle n’a pas de panneaux de carrosserie communs) et surtout un V8 de 300ch.
En 1991, les ventes sont tombées à 3000 unités. Alejandro De Tomaso, malade, laisse Fiat rentrer dans le capital. La gamme (qui reçoit un deuxième lifting) se réduit aux seuls modèles équipés du 2,8l et de la Shamal. Toujours en 1991, la Ghibli (une Shamal équipée du V6 2,8l) fait son entrée.
En 1995, Fiat prend cette fois 100% du capital. Les Biturbo « normales » et la Shamal disparaissent. On tente de monter une coupe monotype, la Ghibli Cup pour 1996, qui n’aboutira pas, faute de concurrents. La marque est très malade. D’ailleurs, elle n’a même plus de réseau en France.
La Ghibli est un coupé sportif, mais vieillissants, cher et surtout, trop pointu. Ferrari, à qui Fiat a délégué la gestion de Maserati, décide, en 1998, d’arrêter la production quelques mois, le temps de fiabiliser les modèles. De plus, les moteurs turbo, trop brutaux, ne sont plus à la mode; il faut tout miser sur les V8.
A la reprise, la Quattroporte sera au rendez-vous. En revanche, pas de Ghibli, qui a donc discrètements disparu. D’autant plus que la 3200 GT, présentée au printemps 1999, l’a vite chassée des esprits.
Mais pour moi, la Biturbo, cela restera la belle 422 grise des méchants dans le James Bond Permis de tuer. Fait rarissime dans la série, la voiture n’aura pas la moindre égratignure à l’issue du tournage.