L’Alfa Romeo 155 de DTM, ce n’était pas qu’une voiture de course des années 90. C’est le dernier programme d’envergure en compétition du groupe Fiat (hors Ferrari F1.) Pendant quelques années, c’était l’unique débouché pour de talentueux pilotes italiens au creux de la vague et enfin, les amateurs noteront que c’était l’une des dernières fois que les couleurs de Martini apparaissent…
Le rachat d’Alfa Romeo par Fiat était synonyme d’arrêt immédiat du programme F1 (qui n’a jamais été un succès.) Néanmoins, Alfa n’avait pas dit son dernier mot: le V6 turbo, dégriffé, sera monté à l’arrière des Osella jusqu’au banissement des Turbo (fin 1988), il y eu également des Alfa 75 de rallye plus ou moins officielles et le bref programme en Indycar. L’ancêtre direct de la 155 DTM est cette incroyable Alfa 164 Procar de 1988, conçue par Brabham et motorisée par un V10. Hélas, le championnat d’Europe de tourisme qu’elle était censée disputer l’année suivante sera mort-né (ne vous inquiétez pas, je reviendrai un jour sur cette voiture…)
L’Alfa 155 apparaît en 1992, pour remplacer la 75. Certes, les puristes hurlent parce que la 155 est une traction et qu’elle dérive des Fiat Tipo/Tempra et de la Lancia Dedra, mais les autres remarquent surtout une qualité de fabrication en nette hausse et un comportement plus sain.
Le DTM (Deutsche Tourenwagen Meisterschaft, championnat allemand des voitures de tourisme)remonte à 1986. A l’époque, c’était un championnat de tourisme « normal ». Mais le législateur a autorisé les dérives comme les méchantes Mercedes 190 (dérivée de celles de Snobeck, elles-même inspirées d’un projet mort-né de 190 groupe A « usine ») et les Audi V8. Pour 1993, le DTM invente le réglement « tourisme classe 1 »: carrosserie silhouette, châssis multi-tubulaire, moteur V6, 4 roues motrices, carbone et céramique à profusion… Des constructeurs « historiques », seuls Mercedes reste. Il est rejoint par Opel et Alfa Romeo (qui engage en parallèle des Alfa Romeo 155 dans les championnats européens de tourisme.)
Evidemment l’Alfa Romeo 155 de DTM n’a plus rien à voir avec la série. Comme il n’y a que trois constructeurs, Alfa est tenu d’engager 8 voitures. Pour les pilotes, pas de problèmes. Il faut savoir que dans les années 80, de nombreuses entreprises italiennes se sont lancées dans le sponsoring. En échange, l’écurie (italienne, pour que l’opération soit la plus discrète possible), reversait une partie de la somme, rédigeait deux factures, sans oublier les sports nationaux: blanchiment d’argent et corruption. D’où de nombreuses petites équipes italiennes en F1 (BMS-Scuderia Italia, Coloni, Life, Minardi, Osella/Fondmetal ou l’italo-germanique Eurobrun) et donc, de nombreux pilotes transalpins en F1. Vers 1992, l’opération « main propre » débute. Les équipes perdent leurs financement et certaines sont même inquiétées. D’où une abondance de bons pilotes Italiens de F1 à l’ANPE. Alfa va ainsi permettre à Larini, Modena, Nannini, Tarquini et même Fisichella de courir.
D’emblée, les 155 trustent les podiums. Son plus beau succès aura lieu dés 1993 lorsque Larini remporte le titre. Autres places d’honneurs: Larini sera 3e en 1994 et Nannini, 3e en 1996. Pour Alfa, c’est le symbole de la reconquête après une décennie morose.
Entre temps, le DTM a pris de l’ampleur. Persuadé de « tenir » quelque chose, le DTM commence par courir, hors championnat, en Italie. En 1995, le DTM se complète par l’ITC, un mini-championnat du monde, qui remplace le DTM l’année suivante. Pour avoir assisté au meeting de Magny-Cours en 1996, je peux vous garantir que les tribunes étaient loins d’être pleines. Il faut dire que 150frs pour aller voir des stars inconnues de ce côté-ci du Rhin (Ludwig, Schneider, Thiim, Van Ommen…), c’est cher!
Alfa Romeo a du mal a boucler son budget. Le constructeur propose qu’en 1997, il n’alignera qu’une seule 155 neuve, les autres étants des modèles 1996, voir 1995. Refus de l’ITC. Alors Alfa claque la porte, présentant au passage sa 156 Alfa Corse Gr. N et Supertourisme. Opel vainqueur 1996, décide d’en profiter pour quitter la discipline, laissant Mercedes seul. Du coup, la CLK DTM, censée remplacer les Classe C en 1997 est convertie à la hâte en FIA-GT, mais c’est une autre histoire…
Ironie du sort, le jeu « Sega Touring Championship », mettant en scène les voitures du DTM (et une Toyota Supra du GT Japonais), ne débarque sur les PC qu’à noël 1996, alors que la discipline a vécu!
A l’automne 1996, Alfa Corse devient « Petronas engineering », chargée de fournir des moteurs Ferrari à Sauber. Larini se retrouve pilote de la première Sauber/Petronas, sur les « conseils » de Ferrari. Mais le retour en F1 se fait difficilement et Larini est viré au tiers de la saison. Il retrouvera ensuite son rôle de cobaye chez Ferrari, avant de courir en Supertourisme, puis en WTCC.
Après des tests avec Benetton, Nannini effectuera une saison en FIA-GT avec Mercedes. Fin 1997, il raccroche son casque discrêtement, devient un éphémère co-actionnaire de Minardi, avant de se retirer.
Tarquini, le « vieux type chauve qui a détruit une Alfa Romeo en BTCC » (dixit Jeremy Clarkson), s’est converti au Supertourisme, puis au WTCC. En parallèle, il est pilote d’essai chez Maserati.
Quant à Fisichella, titularisé in extremis chez Jordan début 1997, il court toujours, 10 ans plus tard.
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