Plus encore que les incompétences du testeur concernant les « modernités » de l’auto, il y a un point qui me tracasse. Même bariolée de rouge pétant, même élargie et posée par terre comme une auto de course (presque), même avec un 4 cylindres qui chante plus grave que son CV à bas régime, cette Clio RS n’intéresse pas grand monde. Entendez par là qu’aucune tête, pas mêmes celles des équilibristes de 15 ans en scooter, ne se retourne sur l’engin. Etonnant. A croire que pour attirer l’oeil aujourd’hui, il faut rouler en allemande ou avec une auto pelle à tarte « Drift like » à néons clignotant. L’époque change et on peut croire que les nouvelles générations n’ont pas les mêmes envies automobiles que les trentenaires lorsqu’ils avaient leur âge.
L’important me direz vous est de satisfaire son propriétaire, et vous aurez raison ! Et là où la Clio RS ne déçoit pas c’est à l’attaque des difficultés que la topographie locale vous met sous les gommes.
D’ailleurs à propos de gomme, l’auto est équipée de Continental ContiSport Contact en 215/45-17 qui m’ont semblé un poil juste. C’est, je pense, un bon compromis usure-tenue de route (c’est relatif) mais j’avoue être un peu perplexe. Le fait qu’ils ne chauffent pas très vite en plein mois de Juillet me laisse augurer quelques séances de glisse en hiver et dès qu’ils ont reçu un bon coup dans la musette, il faut les cajôler pour que ça tourne. Bref, je pense qu’une monte plus tendre (mais moins économique) aiguisera un peu plus le comportement. A leur décharge, l’auto n’avait que 1100 km et le rodage de la gomme n’était peut être pas terminé.
Comportement qui est par ailleurs à ranger dans la rubrique Salé !
Dans un premier temps, il me faut relativiser mes premières impressions sur la direction électrique qui virait au chaloupement sur son point milieu. On y ressentait de la brise par temps calme, c’est dire. Sur ce modèle, plus de soucis. La direction se fait oublier et on apprécie son assistance dans les manoeuvres et sa consistance dans les enchainements. A peine noterais je le retour de cette impression de flottement à des vitesses bien plus grandes que pour mon premier essai. Un bon point.
Ensuite, les quelques kilomètres fait il y a un mois et demi laissaient apparaitre un caractère joueur fait de déhanchés sensibles sans que cela ne devienne jamais inquiétant. Confirmation ici, la Renault Clio RS « roule » du postérieur comme une secrétaire ambitieuse sans jamais déraper vers le vulgaire. Mes suivants, que je remercie pour leur aide sur la séance photo, qualifieront même cette danse de « spectaculaire ». L’auto est facile, constante et l’électronique, débrayable, veille aux excès d’optimisme qui mettent longtemps à débarquer, tant elle est efficace. On regrettera, après avoir été poussé à bout, un manque de grip du train avant. Comme si les chaussettes ne suivaient pas les performances de l’athlète, le train avant à pivot découplé semble réellement demander plus d’adhérence de la part des pneus. Mais il faut préciser que tout ceci se passe à des allures du type de celles qui vous dessinent des auréoles sous les bras alors que la climatisation est réglée sur 15° ! Bien en deçà de ces extrêmes, le plaisir est déjà réel. Sentir une auto qui « bouge » et qui enroule de la sorte tout en gardant l’inclinomètre plat est une sensation grisante. C’est d’ailleurs après une vingtaine de kilomètres sur les hauteurs varoises que l’extérieur de votre genou réclame un peu de répit.
Quand donc les designers d’intérieurs de voiture aussi sportive penseront à mettre des mousses de protection sur le côté gauche des consoles centrales ?
Précision remarquable, la RS malgré ses qualités de négociante en virages n’est pas une rabatteuse pour kinésithérapeute. Du vrai bon « Mou-Dur » positif, en somme. On se demande vraiment comment une telle prouesse est possible.
Si, dans les grandes courbes, les capacités chassis ont tendance à vous coller la tête sur le vitrage, celles du freinage vous font manger la couture rouge du volant à chaque ralentissement. En ville, c’est mordant comme un boxeur belliqueux et en plein effort ça ne vous décoit jamais. Faut dire que c’est siglé Brembo et que c’est pistonné costaud (4). Les disques ventilés de 312 mm semblent bien digérer l’embonpoint de l’auto.
Renault avait prévenu, les ventes en mode « chassis sport » de l’ancienne version avaient orienté les ingénieurs metteurs au point vers du « racing like » et c’est bien le cas. Le freinage est adapté à la piste sans aucune ambiguïté possible.
Et je pousserai même l’analyse en remarquant que si un freinage réalisé en ligne est totalement neutre (et efficace) la même chose avec un peu d’angle fait gigoter votre Clio de façon étonnante. On peut y voir une conséquence du réglage « Q mobile » qui lorsqu’il déleste un peu trop fort cherche son salut dans la tangente. Cette tendance est en fait très « circuit »: Le freinage est abordé droit et on fait pivoter l’auto durant le relaché progressif de la pédale. Quand l’arrière translate, à peine avant le point de corde, on réaccélère pour sortir le postérieur de sa dérive et on dessine la courbe parfaite avec un petit rictus de jubilation. Merveilleux.
Si les pneus permettaient d’être un peu plus agressif sur piste ce serait le Nirvana. Mais la Clio RS ne se destine pas aux mêmes clients qu’une Lotus Elise et rien n’empêche d’avoir un jeu complet de Yokohama fondant dans le coffre… Juste pour le Dimanche, histoire d’aiguillonner les insectes d’Hethel.
Après le ‘Salé’, il faut en venir à la douceur, le ‘Sucré’. Et chacun sait que trop de sucré nuit.
Sur le papier, les 200 ch pour 2.0l, c’est bien. Pour un ingénieur, sûrement. Pour un limeur de bitûme en mal d’adrénaline, ça manque de peps. Surtout avec 1240 kg à tracter. On a déjà glosé sur les performances quasiment équivalentes à la Clio 2eme génération et même si le moteur a semblé un peu plus péchu que pour l’essai bref du mois dernier, les 27.5 s au 1000m semblent assez loins.
Nous n’avons pas les moyens de mesure d’Auto Hebdo mais au chrono manuel, et de façon empirique difficile de tutoyer les valeurs annoncées. Sur un plan sensations, c’est pareil. Le moteur est réellement éructant vers 5500 tr/mn. La courbe de couple et la puissance chutant vers les 6800/7000 tr/mn, la plage d’utilisation réellement sensible est assez courte. Trop courte pour rabattre totalement le caquet à des autos plus menues, plus légères et plus vives sur de petites routes sinueuses. Il n’y a vraiment que sur le haut régime que l’on fait la différence. Pour la faire au volant, il faut approcher des limites que le conducteur du jour ne peut décemment chercher sur route ouverte.
Ceci remet d’ailleurs en question l’utilité même de la recherche de l’efficacité intrinsèque d’une auto lorsqu’elle est rapporté aux conditions de route. Pour la Clio RS, elles sont repoussées si loin que c’est l’humain qui est limité. Que penser des supercars actuelles alors…
Sur circuit, c’est un peu la même chanson. Il est plus facile de rester « dans les tours » puisqu’on est assuré de ne trouver personne pour réceptionner près d’1.3 tonnes dans les gencives en cas d’optimisme déplacé mais à contrario, la largeur de goudron à disposition (et nous n’étions pas au Castellet !) réduit d’autant vos sensations que celle ci est importante.
Le responsable de l’école de pilotage Zig Zag qui nous a gentiment permis d’accéder à la piste du Luc est tout aussi dubitatif. Son école est patronnée par Renault Sport et il avoue que la Megane RS avec laquelle il réalise des baptêmes de piste et qui ne dispose que de 25 ch supplémentaires est autrement plus expressive sur ce point. Les avantages du Turbo dépassent ceux des arbres à cames à décalage continu.
Par moments, il y a des douceurs toutes relatives (ça n’est tout de même pas une Twingo 1.2l 60 ch!) qui n’ont pas l’effet escompté. Gardons à l’esprit, comme un espoir suspendu, qu’au fil des kilomètres, ce moteur de 100ch/l saura se libérer pour se faire accepter dans la caste des tous bons. Mais l’arrivée massive des prochaines motorisations Essence Turbo dernière génération risque fort de rejeter ce travail d’ingénieur largement respectable au rang des oubliés. Et ce ne sont pas les premiers essais prometteurs des moteurs FSi et TFSi VW et Audi qui me feront dire le contraire.
En résumé, pour 23.000 euros, il faut garder en tête que vous aurez là une auto remarquable plutôt polyvalente pour ceux qui acceptent de ne pas rouler dans de la ouate et qui aiment se défouler parfois volant en mains. La piste ne l’effraie pas et son comportement vous fera de toute façon oublier que les 200 ch sous le capot n’ont pas la vigueur attendue. Par rapport à un Diesel ultra coupleux qui fera illusion sur le premier rapport, pensez qu’au moment ou il passera sa deuxième, vers 4500 tr/mn, vous commencerez à peine à ressentir une poussée qui vous le fera dépasser dans un joli hurlement rageur. Et je ne vous parle pas de la première courbe.
Lire également: Bonus Test part one
Test Clio RS: Science de l’efficience 1 2 et 3
Un grand Merci à Sébastien Boulet qui nous a fait une place sur le circuit du Luc où il officie en tant que responsable (et moniteur de pilotage puisqu’il est Volant Elf Magny-Cours 1993) à la bien nommée école Zig-Zag. Visitez leur site pour plus de détails.