Un cadeau de son père ?
Pierre Bardinon est un industriel creusois qui a eu le nez creux. Alors que tout le monde considérait les voitures de course comme des « outils » bons à jeter une fois leur carrière sur piste finie, Pierre Bardinon avait décidé de les racheter pour une bouchée de pain. Au fil du temps, il a accumulé une collection de Ferrari impressionnante. Cette soixantaine de voiture, ainsi qu’une petite fortune personnelle lui ont permis d’entretenir une autre de ses marottes : le circuit du Mas du Clos.
Pierre Bardinon disparaît en 2012 et s’ouvre alors sa succession. Avec sa femme Yanne, il a eu 3 enfants : Anne, Patrick et Jean-François. Surprise en 2014, Patrick vend une Ferrari 250 GTO 1964. Elle devient alors la voiture la plus chère du monde. La vente à un milliardaire Taïwanais (pour 38 millions de dollars) surprend tout le monde. Surtout, il la vend pour son propre compte, clamant que son père lui avait donné la voiture en 1978, en cadeau suite à un accident.
Evidemment, la fratrie explose et Anne et Jean-François attaquent leur frère. Patrick Bardinon avait gagné en première instance. Le 7 mars 2019, le Tribunal de Guéret (Creuse) a débouté sa soeur et son frère, considérant que la voiture était bien la sienne.
Achetée moins de l’équivalent de 1 000 €
Mais, la cour d’appel de Limoges vient d’infirmer le premier jugement. Patrick Bardinon est condamné, mercredi 7 janvier, à réintégrer plus de 52 millions d’euros dans la succession de son père.
Dans son arrêt du 8 janvier, la cour d’appel estime que Patrick Bardinon a commis une faute civile au préjudice de ses cohéritiers en vendant la Ferrari alors qu’elle faisait partie de la succession. Aux 48 millions de dollars de la vente (+frais), il faut ajouter les intérêts depuis 2014 ce qui donne 58 millions de dollars soit 52,3 millions d’euros au cours actuel.
Contrairement au tribunal de Guéret, la Cour d’appel de Limoges considère que Patrick Bardinon ne peut prétendre légitimement à la donation, par son père, de la fameuse Ferrari, en mai 1978 selon lui.
La Ferrari 250 GTO 1964 est sans doute la plus belle pièce de la collection qui compte d’autres chefs-d’oeuvre pour plus de 200 millions d’euros. Il n’est pas sûr que les Bardinon aient passé de bonnes fêtes de Noël tous réunis en famille. Tout cela pour, après tout, un « tas de métal ».
La voiture, Pierre Bardinon l’aurait achetée pour une centaine d’euros (l’équivalent) puis restaurée pour 1500 euros environ. Un peu plus de 2000 € de frais pour une voiture dont la cote a explosé au fil du temps.
Illustration : la Ferrari 250 GTO #24 aux 24 heures du Mans 1964
« Il la vend » serait mieux
C’est pas faux 😉
Merci du signalement.
puisqu’on est à la correction d’orthographe…
La Ferrari 250 GTO que Patrick, l’un des fils, avait venduE en 2014 pour 48 millions de dollars, doit réintégrer la succession.
(C.O.D placé devant le verbe)
Cette soixantaine de voitureS, ainsi qu’une petite fortune personnelle lui ONT permis d’entretenir une autre de ses marottes : le circuit du Mas du Clos.
Merci 😉
ah, -1
je vois que mon fan club est de retour
n’oubliez pas de cliquer, beaucoup cliquer
c’est bon pour les stats de LBA…
Formidable collection de voitures de course sauf 1 qui était un proto de route de couleur bleue sur base 375MM de 1954 avec le v12 4.5 de 340cv
Je vais apporter mes précisons car le cas Bardinon m’a toujours passionné : cette GTO 5573GT à été achetée en 1972 (lors du Mans) par l’intermédiaire de Roger Penske. Restaurée plus tard par Fantuzzi car la 1ere resto avait été bâclée et la voiture avait mis du temps à traverser l’Atlantique. Au décès de Mr Bardinon une vidéo était dispo sur le site Chaptal, datée des années 70, où il faisait faire les réglages des Weber par son mécano et après il attaquait sévère sur le circuit. Sublime…
Il est à la base regrettable d’avoir vendue cette voiture, la dernière GTO française, même si je pense que Patrick Bardinon avait besoin de liquidités pour le projet de circuit Terre au Mas du Clos et quid du coût de l’assurance d’un tel objet? On doit bien être à plusieurs dizaines de milliers d’euros à l’année non? Mais bon sans consulter la famille. … déjà que certains s’écharpent pour de la vaisselle…
Également je ne sais pas si dans un tel cas que ce soit une GTO ou une Twingo la vente n’est pas rendue caduque du fait que le bien ait été vendu alors que la succession n’était pas réglée? Car sinon on peut envisager que n’importe qui vende un bien de valeur à un tiers pour limiter les frais de succession ?
Je suis moins expert la dedans si quelqu’un à la réponse d’avance merci!
vendre avant la succession ne change rien, parce que la valeur financière du patrimoine est inchangée. J’ai 10 immeubles totalisant 100 millions d’euros, et mes héritiers se partageront ces 10 immeubles. On a vendu 1 immeuble pour 40 millions. Alors les héritiers se partageront 9 immeubles et 40 millions. Dans les 2 cas, le fisc prendra sa part sur 100 millions
Pour payer moins de droit de succession, il y a des cas pour cela, comme les dons (limités) de son vivant. Parfois, c’est très intéressant, spécialement lorsque le patrimoine VA varier (à la hausse). Ex: j’ai des propriétés à l’Ile de Ré, qui ne valaient rien il y a 50 ans, et une fortune de nos jours…
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Ici, il y a eu problème parce que le don fait en 1978 n’avait pas été confirmé par écrit, et que le véhicule en question a pris beaucoup de valeur après.
Par exemple, dans ces années 70, supposons que ses voitures de collection ne valaient pas grande chose. En 1978, le père a décidé de donner une partie de son patrimoine: une voiture, un appartement et du cash, chacun valant 25000€. Ceci aurait été légal, et le devenir de chacun de ces dons est indépendant, irrévocable.
-Celui qui avait le cash aurait investi dans Apple, vaudrait plusieurs millions aujourd’hui, et tout cela lui appartient. Mais s’il a tout dépensé, alors tant pis pour lui
-Celui qui a la voiture. Si elle ne vaut pas grande chose par la suite, alors c’est ainsi la vie. Et si ça prend de la valeur, alors c’est le jackpot, et tout lui appartient, sans que les autres puissent en réclamer une part.
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Ici, le problème est que le don de la Ferrari n’avait pas été acté en 1978, et que les autres enfants n’avaient pas eu un équivalent financièrement. Le fiston a mis cette voiture chez lui. Lors de l’héritage, c’était « transparent », c’était omis dans les actes.
Le problème est lors de la vente du véhicule, bien après le décès du père, cette vente fut un record, et les autres héritiers se sont dit « mais cette voiture appartenait dans la collection de papa, fait partie du patrimoine de papa. Le patrimoine de papa, son héritage n’a pas été partagé à part égal…. »
@Wizz : si en 1978 Monsieur Pierre Bardinon voulait céder la voiture à son fils Patrick, il le pouvait sans que cela ne rentre dans la succession.
C’est une vente/cession d’un véhicule entre particuliers. La 250 GTO n’avait pas encore l’aura qu’elle a désormais, surtout les modèles de course.
Après, en droit français, on dispose d’une part de son patrimoine pour le « donner » à qui on veut sans que les ayant droit ne pipent mot.
Avec deux enfants, c’est 1/3 à disposition, avec 3 enfants ou plus c’est 1/4. Très souvent, tout revient au conjoint survivant et aux enfants.
Mais il y a plein de cas où un défunt édicte des dispositions pour favoriser l’un des enfants, ou léguer à des associations, ou à un proche (neveu, frère, soeur, etc.).
A noter aussi qu’il existe ce que l’on appelle « le droit de retour » auquel il faut faire super gaffe.
En gros, vous héritez de vos parents un bien familial. A votre décès, si vous n’avez pas pris de disposition contraire, vos frères et soeurs peuvent réclamer ce bien de famille même s’il y a des enfants (qui théoriquement ont la priorité successorale).
Ici, le souci est que la cession en 1978 n’a pas visiblement été actée officiellement (notaire, etc.) et que Patrick Bardinon a été « gourmand » (qui ne l’aurait pas été pour 48 millions de dollars ? 😉 ).
I pouvait donner la voiture, mais cela fera parti de la succession . Cela aurait été dans la part (N+1, à la date du donnation) du patriarche, dont il est libre de disposer en héritage
Heu non. Pierre « vend » la voiture à Patrick pour 1 euro symbolique en 1978.
En 2012, les 1 euros sont dans la succession. Pas la voiture.
Tout cela est reconsidéré selon le montant, la date de la « donation »/vente, etc.
Ici, vente ou cadeau en 1978, valeur de 2000 euros environ entre achat et réfection…théoriquement peu de chance de réintégration dans la succession s’il y avait eu preuve irréfutable (selon la cour d’appel de Limoges) de ce cadeau de Pierre à Patrick.
Désormais tout cela est codifié et mis noir sur blanc dans les donations du vivant.
Si la donation est déclarée au fisc, c’est la valeur au moment de la déclaration qui est prise en compte. Ici, trèèèèèèèèèèèès loin des 48 millions.
Ensuite, une donation doit être « égale » entre tous les héritiers le jour de la donation….en gros, il eut fallu que Anne et le deuxième frère reçoivent la même somme ou un objet à la valeur équivalente en 1978.
Sinon, on peut attaquer en réduction (en gros la réévaluation de la donation est faite à la date de la succession et réduit d’autant la part d’héritage de celui qui a reçu la donation).
Ici, s’il s’était agis d’une 4L pourrie, je suppose que la fratrie n’aurait pas éclaté.
Là, plusieurs soucis…la voiture a pris une valeur largement au-delà du raisonnable pour ne pas râler, et rien n’a jamais vraiment prouvé que Pierre l’avait donné à Patrick…surtout qu’elle est restée dans la collection du Mas du Clos…
Bref, difficile de ne pas suivre la cour d’appel de Limoges. Mais, vu que le tribunal de Guéret avait jugé en 1e instance que la voiture appartenait bien à Patrick, tout ne doit pas être si limpide…
en matière successorale, ça ne l’est jamais.
@wizz et Thibaut, merci messieurs pour toutes ces précisions je vois que ça alimenté le débat en plus!
les partages, dons , biens, numéraires même du vivant du patriarche doivent être équitables aux risques de voir un enfant héritier lésé ester en justice pour iniquité et à raison. ..et même bien après la déclaration de la succession. La cour d’Appel n’a fait que réparer une décision de justice biaisée de par la valeur de ce don, dont le fisc et les héritiers lésés ont eu connaissance après vente du véhicule , montant médiatisé. Le Père Bartinon aurait du vendre lui même la voiture , faire don d’une partie de la vente . Le tout devait être stipulé dans la succession ultérieurement.
…sur le sujet, le notaire est au parfum des droits des enfants du vivant et post décès , des legs possibles, dons en argent à inclure en succession, sachant qu’il est impossible d’exhéréder un membre au profit d’un autre. Pas facile de couper en morceau le prix intégral d’une telle voiture, sauf si elle est en vente à l’enchère dans le but du partage. Dans le monde de l’automobile on aime plus l’auto que l’argent …et ils sont des problèmes difficiles à résoudre si on se refuse à la vente. Dans ce cas précis si l’auto est vendue, c’est simple et il est logique que le fruit de la vente rentre en succession. le souci majeur est la tutelle européenne en matière des droits de succession. On voit qu’on a corrigé dans certains pays ces droits.