Samedi dernier donc, cétait la dernière étape du Tour Auto Lissac 2008 qui ralliait Avignon à Marseille après un joli passage par les routes du mont Ventoux, du pays dAix et la célèbre Gineste. Arrivé très tôt au parc fermé établi dans le centre dAvignon, jai tout de suite été abasourdi par lune des autos qui trônaient dans les allées de lOule, allant jusquà rendre presque anonymes les pourtant très prestigieuses voitures qui se trouvaient à coté delle. Elle, cest une énorme – le mot est faible – GT italienne. Large et longue comme deux Lancia Fulvia, basse comme une Miura. LEspada restera peut-être comme le plus grand succès de tous les temps pour Lamborghini. Et ce nest pas pour rien
En 1968 et après déjà quelques belles années de production automobile à même de venir inquiéter les autos de Maranello, Ferruccio Lamborghini, qui sétait juré de venir concurrencer les autos dEnzo Ferrari, décide de construire une vraie 2 + 2. Cest vrai quà lépoque le terme « 2+2 » était souvent ( ça lest toujours, dailleurs ) une façon de désigner une voiture équipée de deux grandes places à lavant et de deux minuscules petits ersatz de sièges à larrière, même pas capables de pouvoir accepter un petit nenfant tout rikiki. Vous êtes-vous déjà assis à larrière dune Porsche 911? Dune Maserati 4200 GT? Dune Ferrari 456 GT?
Super bus
En ce sens, la démarche de lex-constructeur de tracteurs était bonne : Construire une GT dotée de deux vraies places à larrière tout en gardant une ligne séduisante. Mais si lidée était effectivement intelligente, le résultat fut carrément génial.
En 1968 donc, La 350 GT et la Miura se vendaient admirablement bien. Après le prototype Marzal, Lamborghini présente lEspada 400 GT, qui reprend beaucoup de la Marzal tout en supprimant certaines excentricités comme les portes à ouverture verticales. Aux crayons on retrouve le célèbre Marcello Gandini ( déjà auteur des Miura et Marzal ), et cest Giampaolo Dallara qui se chargera de la partie conception / mécanique. Il na dailleurs pas fallu chercher bien loin pour le moteur de lEspada : Ce sera rien de moins que le V12 de la Miura, juste un peu dégonflé pour le rendre suffisamment « civilisé » dans une GT luxueuse.
Commissaire fais-moi peur
Un moteur de supercar, un châssis maîtriséEt une gueule denfer. Quatre petits phares rond incrustés dans une calandre qui la ferait presque passer pour un gros muscle car, surtout avec cet interminable capot et cette couleur vert flashy. Vous ne trouvez pas quil y a un peu de Dodge Charger 70 là dedans? Oh bien sûr il ne faut pas pousser non plus : Elle reste moins brute et infiniment plus élégante que la Charger ( attention je reste néanmoins un inconditionnel des muscle cars ). A partir du pare-brise avant, on retrouve une inspiration typiquement Bertonesque entre la découpes des vitres latérales, la sublime lunette arrière et lallure générale, plate et basse à en mourir.
Cest la première fois que je voyais une Espada en vrai et ce fut un choc. Alors quand on ma proposé de faire le copilote dans cette Espada verte (modèle 1974 ) sur toute létape jusquà larrivée au Circuit Paul Ricard, jai bien tenté de garder un air professionnel genre « oui pourquoi pas même si je suis un peu lassé des voitures de sport que je conduis tous les jours », mais jai sans doute été trahi par un sourire qui devait remonter jusquà mes oreilles. Tant pis pour ma réputation, et il ne me reste plus quà monter dans lEspada coté passager où le road-book mattend. Attention à la portière qui mesure au moins dix mètres de long et qui risquerait de heurter un poteau ou un trottoir en cas dinattention. Mais une fois dedans et limposante portière refermée, ma légère appréhension laissait place à un bonheur intense. Lintérieur est incroyablement confortable. Sorte de monospace ultra-bas, vous ne serez jamais à létroit dans la Lamborghini Espada. Vos pieds sont confortablement étendus sous le tableau de bord et il y a même un repose pied façon « siège de TGV ». Dailleurs lEspada cest tout à fait ça : Un TGV en première classe, dans lequel on sinstalle en position ( presque ) couchée et – comble du raffinement à lépoque – équipé de la climatisation et des vitres électriques. Mention spéciale au cuir qui est dans un état assez remarquable malgré plus de 30 ans dâge. Omniprésent sur le tableau de bord, aucune couture nest visible sur ce cuir beige à la senteur délicatement vintage. Du grand art.
Et larrière?
Oui car pour lavant on est rarement mal installé dans une grande GT Mais pour larrière cest toujours une autre histoire. Et bien cest tout simplement lun des plus gros points forts de lEspada : Cest presque comme à lavant! De la place aux coudes, aux genoux, aux jambes et aux pieds Du jamais vu pour une voiture de sport. Et ça toujours dans la même ambiance de raffinement et de cuir beige, séparé de votre voisin par la grosse colonne de transmission. Waouh. Bon sur mes photos et dans ma petite vidéo, ça nest pas vraiment visible en raison du grand nombre dobjets en tout genre présents dans lhabitacle. Parmi ces objets, un gros jerrycan dessence pas du tout superflu
La mécanique
Vu la consommation de la bête : Sous le très long capot avant, on trouve donc le V12 à six carburateurs double corps de la Miura, qui développe une puissance de 350 chevaux sur cette Espada GTE ( le dernier modèle ). La voiture pèse plus dune tonne 600. Bref, deux facteurs qui font que lEspada boit beaucoup : Pas moins de 30 litres aux 100 kilomètres en utilisation ( à peu près ) normale. Le problème, cest quelle est équipée de 2 réservoirs, placés sur les deux cotés de la voiture, qui ne permettent de transporter au total que 60 litres dessence. Au final, lautonomie ne dépasse pas les 300 kilomètres. Vous comprenez mieux la présence du jerrycan à lintérieur
Vroum
Un V12 Lamborghini cest toujours une pièce qui laisse un ( agréable ) traumatisme plus ou moins marqué aux tympans de ses occupants. Celui-ci est vraiment particulier : On est si confortablement installé dans lEspada quon en oublierait presque que cest une GT sportive. Mais une fois la clé de contact tournée le doute nest plus permis. Non seulement le son est magnifique, mais on nentends que lui. Très honnêtement je pense que les ingénieurs de Lamborghini ne se sont même pas posés la question de linsonorisation intérieure : Sur lautoroute à allure moyenne, on ne sentend même pas parler à bord et impossible de discuter. Cest un vrai régal pour un passager occasionnel comme moi, mais sur un très long trajet cela doit être à la limite du mal au crâne. Je pense quà lusage, il aurait été agréable davoir un peu de silence de temps en temps, dans une atmosphère aussi agréable. Tant pis pour les paresseux, tant mieux pour ceux qui apprécient les belles mécaniques.
Un autre élément qui est aussi très agréable à bord de lEspada, cest la luminosité. Avec un pare-brise très plongeant et de grandes vitres latérales, le soleil est omniprésent.
Ça tourne?
Après Avignon, le parcours empruntait les petites routes autour du Mont Ventoux. En plus du cadre magnifique de la région, cela permettait aussi de voir si le lourd châssis de lEspada parvenait à se défaire de chaussées pas forcement bien entretenues.
Bien sûr, si la vocation première de la grosse Lamborghini nest pas venir titiller le chronomètre dans les virages serrés, le bilan est loin dêtre mauvais : Ça freine à peu près et ça tourne bien. Les suspensions sont assez molles, chose facilement concevable pour une voiture des années 70. Lorsquil y a un petit dénivellement, ça pompe un peu mais globalement les vertèbres et lestomac des passagers restent toujours en bon état. En fait, le plus gros problème sur les petites routes reste le gabarit excessivement large de lengin : Pas facile de croiser tranquillement sur une route à peine plus large que notre Espada.
Pousse au crime
Mais avec ce bruit qui reste envoûtant à tous les régimes, il est très facile de se prendre au jeu, surtout dans des enchaînements très serrés. Ce serait parfait sans cette boite de vitesse au maniement VRAIMENT délicat. Une boite 5 vitesse qui laisse parfois échapper quelques bruits de frottement au passage dun rapport. Il faut prendre le truc, mais même avec de la pratique sa prise en main reste compliquée.
La voiture est capable de plus de 250 kilomètres / heure en vitesse de pointe mais je pense quà cette allure là la direction risque de devenir délicate. Quant aux accélérations, le 0 à 100 kilomètres / heure est atteint en moins de 6.5 secondes : Ça pousse fort pour une si grosse voiture! Et à lépoque cétait tout simplement la 4 places la plus rapide au monde.
Combien ça coûte?
Construite à plus de 1200 exemplaires, la côte de lEspada est particulièrement intéressante. La mienne était estimée à environ 70 000 euros, et certaines Espada peuvent sacquérir contre seulement 30 000 euros. Une aubaine pour une aussi belle voiture. Seul bémol, le coût dentretien exorbitant : Avant le tour auto, le moteur de « mon » Espada verte venait dêtre entièrement refait et elle retournera au garagiste juste après larrivée. Mais quimporte : Non seulement quand on aime on ne compte pas, mais en plus avec une telle auto on va presque au garagiste de bon cur. Celui de « ma » voiture est devenu un ami de son propriétaire et pour lui, accorder la batterie de carburateurs du V12 cest comme jouer une partition de Mozart.
En bref
Infiniment spacieuse, très confortable, bien amortie, vraiment performante et surtout terriblement belle Pour moi lEspada représente un genre automobile à elle toute seule. Sans concurrence à son époque, je ne vois dans la production automobile contemporaine aucune auto capable de sy identifier : Une CL 65 ou une Continental GT est très spacieuse, (autant que lEspada? Vraiment pas sûr ) mais sa ligne est presque conventionnelle.
Si jétais à la tête dun constructeur de prestige ( Lamborghini en tête évidemment ), je pense que ma première entreprise serait de construire une voiture qui reprendrait les mêmes concepts que lEspada.
Cest décidé, lEspada vient de se placer tout en haut de léchelle de mes voitures préférées
Et au vu de la tête des très nombreux spectateurs présents lors de létape Avignon – Marseille lorsque notre grosse voiture ultra basse verte passait accompagné dun son vraiooooOOAAARR vraiment pas discret, je pense que je ne suis pas le seul.
Merci à son très agréable propriétaire, un vrai passionné qui roule aussi en 2CV et en vieille Jag.
Ci-dessous : une petite vidéo à bord, dont le plus grand intérêt est de permettre d’entendre le bruit du V12 :
http://www.youtube.com/watch?v=6iVW1P5bLVE nolink
A lire également : La dernière étape du Tour Auto
Toujours aussi magnifiques et grandioses ces voitures Audi…
En tout cas il est magnifique et j’espère en voir beaucoup sur les routes…
Un
@ Automobile,
C’est du second degré ?
La photo du sujet, ou il est écrit « Le design NOVATEUR de l’Audi Q5 » Ca me beaucoup rire !!!
bof… quoi qu’on en dise cet suv est un succès assuré… s’il n’en vende pas autant qu’ils le veulent en Europe du Nord, je pense bien que les Russes, les Chinois et les Américains ne cracheront pas dessus.
Hormis le dessin des feux arrières que j’apprécie moyennement, je trouve cette voiture très réussie.
Si maintenant on pouvait avoir des infos sur les émissions de CO2 (et des taxes) ou sur une éventuelle compatibilité du moteur essence avec le ethanol E85, ce serait bien !
Assez sympa…
Sur la S-line se sera du 19″ et non pas du 20″ 🙂