Cela fait bien longtemps que l’on sent Apple attiré par l’industrie auto. Les premières rumeurs datent d’il y a cinq ans, lorsque des contacts avaient été pris avec VW. On parlait alors d’une possible iAuto, qui ne s’est pas matérialisée. L’année dernière, ce sont des contacts à haut niveau avec Tesla qui avaient mis la Silicon Valley en émoi. Rebelote avec la parution ce week-end de deux articles dans le Financial Times et le Wall Street Journal, évoquant des grandes manoeuvres top secrètes à Cupertino autour d’un supposé projet automobile.
Le Financial Times décrit une grande campagne de recrutement aussi bien externe et concernant des ingénieurs de l’industrie auto qu’interne parmi les équipes ayant mis au point l’iPhone, en vue d’un projet secret. Le Wall Street Journal va plus loin et cite un effectif de 1000 personnes pour la conception d’un véhicule électrique de type monospace, le projet « Titan » sous la houlette de Steve Zadesky qui possède le titre de vice président et a eu un rôle important dans la genèse des iPhone et IPad. Intéressante coïncidence, Zadesky est également un ancien de Ford. Dans les recrues identifiées, le WSJ cite Johann Jungwirth, l’ex-chef de la R&D Mercedes aux Etats-Unis et le designer Marc Newson qui a travaillé avec Ford.
Si on se fie aux apparences, Apple serait donc embarqué dans un projet à long terme concernant de près l’automobile, bien au-delà de ce que la firme à la pomme fait autour de CarPlay, l’interface permettant d’intégrer IOS et les systèmes de la voiture. Verrons-nous débarquer dans quelques mois une iCar qui chamboule le paysage ? Pas si vite. Dans les arguments pour, même si le niveau des investissements nécessaires réserve le ticket d’entrée dans l’industrie auto aux très gros joueurs, la réserve de cash considérable d’Apple lui donne les moyens de ses supposées ambitions. D’autre part Apple a traditionnellement l’esprit ouvert et a une histoire de projets, pas tous réussis d’ailleurs, dans une variété de domaines.
Mais d’autres caractéristiques de l’entreprise présidée par Tim Cook jouent moins en sa faveur. Au-delà de la conception, le coeur de métier d’un constructeur auto tient en sa capacité à produire, de la gestion de l’approvisionnement à l’efficacité du processus et la maîtrise de la qualité. Or Apple ne fabrique rien ou presque. Tim Cook a certes bâti sa réputation sur son art de contrôle et de management de ses fournisseurs, mais Apple a tout à apprendre de la production, a fortiori pour un produit aussi différent des ordinateurs de la maison. Faire appel à un équipementier de type Valmet ou Magna Steyr est certes possible, mais limite l’échelle du projet. D’autre part, la fenêtre d’opportunité de transition technologique dans laquelle Tesla a su se glisser est peut-être en train de se refermer : les résultats relativement décevants annoncés il y a quelques jours par Tesla et la concurrence grandissante des constructeurs premium d’un côté comme BMW et son i3 et généralistes de l’autre avec une Nissan Leaf de seconde génération qui aura une autonomie beaucoup plus importante et la prochaine génération de la Prius et de la Volt restreignent le créneau dans lequel peut s’installer un nouvel arrivant, fusse-t-il de la trempe d’Apple.
Le pari d’une attaque frontale contre les constructeurs établis paraît non pas impossible mais très risqué, et demanderait dans tous les cas de figure plusieurs années de développement. Reste une autre hypothèse, celle d’une manoeuvre stratégique contre Google et sa voiture autonome et Uber qui se dirige vers un projet du même type. Pour l’instant, les sources anonymes citées par les deux articles en référence sont encore trop vagues pour spéculer trop loin, mais il est certain que l’histoire reviendra tôt ou tard dans le fil d’actualité du blog auto…
Source : Financial Times, Wall Street Journal
Crédit illustration : Pixar