40 ans déjà : l’exploit de Darniche au Monte-Carlo

Nous sommes encore à la grande époque des rallyes qui s’étalaient sur une semaine, avec des équipages partant aussi bien de Rome, Paris, Varsovie ou encore Londres pour le parcours de concentration, afin de converger, tel un pèlerinage motorisé, vers la commune ardéchoise de Val-les-Bains, point de départ des étapes à épreuves spéciales.

Fiat et Ford font figure de favoris. L’usine italienne engage deux 131 Abarth pour Markku Alen et Walter Röhrl, complétées par deux 131 de Fiat France avec Jean-Claude Andruet et Michèle Mouton. Ford de son côté engage officiellement deux Escort RS1800 pour Bjorn Waldegard et Hannu Mikkola. En dépit du retrait officiel de l’usine, Lancia est toujours présent avec sa fameuse Stratos, engagée par l’importateur Lancia France Alain Chardonnet pour Bernard Darniche, champion d’Europe et de France. Porsche fait enfin figure d’outsider avec les Carrera Groupe 4 de Jean-Pierre Nicolas et Jacques Alméras.

Ford en balade…

Le parcours dit de classement, qui mène de Val-les-Bains à Monaco en passant par Sisteron, tourne à l’avantage des Ford. Mikkola et Waldegard se tiennent en 7 secondes et possèdent plus d’une minute d’avance sur les pilotes usine Fiat. Bernard Darniche, premier pilote Lancia, est 6e au classement mais à 3 minutes déjà des leaders.

Les deux jours suivants, c’est le parcours commun avec une boucle de Monaco à Digne puis Gap avant un retour sur la principauté. Les conditions de piste sont piégeuses, alternant portions sèches, humides ou verglacées. Dans le Turini, Darniche exploite à merveille sa Stratos et réalise coup sur coup deux scratchs. Néanmoins, les pilotes Ford restent solidement ancrés en tête, grâce à des pneus Dunlop cloutés qui se révèlent très efficaces dans les secteurs verglacés ou de neige fondue de la région de Digne. Au soir de cette étape, Mikkola et Waldegard restent groupés en moins de vingt secondes et ils ont doublé leur avance sur les Fiat. Darniche est grimpé au 5e rang et maintient un retard de 3′ sur la tête. Le lendemain, les conditions de piste marqués par le dégel profitent encore à merveille aux Ford dont les pneus sont parfaitement adaptés à la situation. Ainsi, à la veille de l’étape finale, Waldegard pointe en tête avec plus de 4 minutes d’avance sur les Fiat de Alen et Röhrl, alors que Mikkola a été retardé par une crevaison. Darniche, en délicatesse avec ses pneus Michelin visiblement moins adaptés que les Dunlop, demeure 6e à plus de 6 minutes désormais du leader !

Mais Darniche stratos…phérique !

Le parcours final consiste en deux boucles entre Monaco et Saint-Martin de Vésubie, pour 10 épreuves spéciales de 170 kilomètres. Les conditions de piste ont beaucoup évolué par rapport à la veille avec moins de neige et moins de zones verglacées. Les choix de pneumatiques sont délicats. Waldegard, dont les pneus Dunlop Racing sont peu efficaces à basse température, choisit de partir en pneus faiblement cloutés. Partant du fait que les secteurs enneigés se réduisent, Darniche fait le pari de chausser des pneus Michelin Racing retaillés, qui seront très performants sur les secteurs asphaltés secs, mais gare aux glissades sur les parties enneigées !

Dès la première boucle, les chronos montrent que Darniche a fait le bon choix, surtout sur les tronçons secs où il peut faire parler toute la puissance de la Stratos. Dans le col de la Couillole, le Français reprend 52″ à Waldgaard en 21 kilomètres puis il récidive à Villars-sur-Var où il reprend encore 52″, cette fois-ci sur seulement 13 kilomètres ! A l’issue de la première boucle, Waldegard est toujours en tête mais il ne compte plus que 2’33 sur Röhrl, qui a également retrouvé des couleurs avec sa Fiat, et plus que 3’15 sur Darniche, qui a déjà divisé par deux son retard de la veille !

La dernière boucle est entamée de nuit. Darniche continue d’affoler le chronomètre et double Röhrl au général mais, à deux spéciales de la fin, il compte encore plus de 1’30 de retard sur Waldegard. Dans l’avant-dernière spéciale de Villars-sur Var, tout bascule : Darniche reprend 1’16 d’un coup au suédois, qui a cependant été retardé par…deux pierres placées en plein milieu de la route. Waldegard perd une trentaine de secondes dans l’affaire pour se dégager de l’obstacle et ne compte plus que 15 secondes d’avance à l’entame de la dernière ES, au col du Turini.

Dernier coup de poker : alors que Darniche décide de repasser en pneus cloutés, Waldegard, qui a subi toute la journée l’hémorragie de son avance chronométrique, passe des pneus Racing pour tenter le tout pour le tout. Le Français s’est fait de nombreuses chaleurs tout au long de la journée et veut assurer la dernière spéciale. De plus, il pense que Waldegard n’aura pas un feeling suffisant avec les Racing pour les exploiter correctement.Et dans cette ultime spéciale, Waldegard donne tout pour résister, mais malgré ses efforts, il concède 21 secondes à Darniche qui le coiffe pour la victoire avec une petite marge de 6 secondes ! Le Français a livré un véritable récital, remportant les 10 spéciales de la journée. La liesse des spectateurs et de l’équipe fut indescriptible, tant la victoire était inespérée après une première journée cauchemardesque pour Darniche. « Nanard » s’adjuge une nouvelle victoire dans la longue liste de ses triomphes avec la Lancia Stratos engagée par Lancia France.

Sources : les 50 plus grands rallyes, acm.

Pos No Pilote Copilote Voiture Temps Écart Groupe
1 4  Bernard Darniche  Alain Mahé Lancia Stratos HF 8 h 13 min 38 s 4
2 2  Björn Waldegård  Hans Thorszelius Ford Escort RS1800 8 h 13 min 44 s + 6 s 4
3 3  Markku Alén  Ilkka Kivimäki Fiat 131 Abarth 8 h 17 min 47 s + 4 min 09 s 4
4 9  Jean-Claude Andruet  Chantal Liénard Fiat 131 Abarth 8 h 19 min 20 s + 5 min 42 s 4
5 5  Hannu Mikkola  Arne Hertz Ford Escort RS1800 8 h 23 min 07 s + 9 min 29 s 4
6 1  Jean-Pierre Nicolas Jean Todt Porsche Carrera 8 h 26 min 37 s + 12 min 59 s 4
7 12  Michèle Mouton  Françoise Conconi Fiat 131 Abarth 8 h 34 min 44 s + 21 min 06 s 4
8 16  Guy Fréquelin  Jacques Delaval Renault 5 Alpine 8 h 44 min 27 s + 30 min 49 s 2
9 36  Jacques Alméras  Maurice Gélin Porsche Carrera 8 h 49 min 52 s + 36 min 14 s 4
10 17  Ari Vatanen  David Richards Ford Fiesta 1600 8 h 50 min 15 s + 36 min 37 s 2

(18 commentaires)

  1. ….merci ! comme si c’était hier ! : Turini : neige des spectateurs en haut du Turini, Darniche en slics au ralenti mais qui fait des scratch parce qu’une stratos en racing larges retaillés sur la neige, c’est la savonnette dans la baignoire…
    Et ce Bigre de Bjorn Waldegard , toute sa vie aux avant postes , et encore ses 2 dernières années de vie venus aux légend boucles Belge , finir 2 x 2ème av 1 bonne escort mk II.
    C’est bien LBA de montrer ça aujourd’hui aux gosses qui s’intéressent à la bonne époque !

  2. Époque bénie pour ceux qui on connu ces années la. De 1976 à 1986 j’ai toujours des images fabuleuses. Je me souviens d’un dessin dans la revue échappement ou la stratos de Darniche (vainqueur de ce monté carlo) est en pleine vitesse et dans une bulle le copilote (Alain Mahé) dicte les notes comme un robot « a fond, à fond, à fond, à fond »

  3. Si on comprend bien l’article, Waldegard perd 30 secondes à cause des pierres posées (par des spectateurs?) sur la route. Et Darniche gagne la course avec six secondes d’avance. Donc, en théorie (et je dis bien en théorie, car il aurait pu arriver une autre avarie à Waldegard), Darniche aurais dû perdre la course pour six secondes. Non?

  4. oui Tout le monde y est allé – langage parlé déforme souvent. Bien de rectifier – mais vous savez bien –
    ______
    79: gd souvenir pour moi: c’était la 1ère fois que j’avais ascensionné en spectateur le Col de Turini pour voir ce Mté Carlo.Depuis tôt le matin pour le soir. Et Bonheur la police m’avait laissé monter parce que j’avais 4 clous… Pour ceux qui termine la teuf à cette heure: ça ne passe pas sur énergie. Dommage : Namika avec Black M :  » je ne parle pas français »
    https://www.youtube.com/watch?v=Cz1rJtlGHVs
    ______
    A cette époque on était le transistor sur l’épaule pour écouter Bernard Spindler sur RMC qui donnait les rebondissements de ce trop chouette rallye…

  5. On ne refait pas l’histoire. Si il n’y avait pas eu des pierres si ceci si cela … hélas les imbéciles existaient il y a 40 ans et ils existent aussi aujourd’hui. De façon différente sans doute. Dans tous les sports. Au delà de cela la remontée de Darniche restera dans les annales du sport auto.
    Darniche a souvent été critiqué car il gagnait car les autres abandonnaient. Les spéciales de l’époque étaient longues, les rallyes moins formatés et plus intenses . La science de la course de Darniche faisait la différence. Mettre la pression, attaquer et gérer les pneus et freins puis au bon moment porter l’estocade. Pousser l’adversaire à commettre une faute. Savoir garder l’adversaire à distance. Darniche savait économiser pneus et freins. Et quand les autres étaient à l’agonie sur les pneus et freins lui pouvait augmenter le rythme sans aller aux limites. On retrouve cette façon de faire chez Loeb, Ogier par exemple.

  6. Ce qui a manqué à Darniche mais que Loeb et Ogier ont c’est d’être bon aussi sur la neige et la terre. Ce n’était pas dans la culture rallye de l’époque. Je n’oublie pas Didier Auriol bien sûr mais l’époque de groupe A m’ a moins passionné.

    1. B.Darniche est tjrs je crois un sportif cycliste, parce que le sportif ne se fige pas aux timbales dans la vitrine.On est sportif jusqu’à sa mort. Il est de l’ère des mousquetaires Alpine: Andruet Nicolas Thérier Darniche, pous succéder aux Vinatier, Piot… Tous ont marqué le sport automobile d’une forte image. Tout le monde aimait l’auto en ce temps là !!!. C’était encore avant Saby/Auriol/Ragnotti/Bugaslski et je n’ai pas évoqué les Privés Henry/Fréquelin/Saimpy/Roussely parce que chaque région avait son, ses cadors de disciplines différentes Côte, rallye, piste . On a pas attendu en France Sébastien Loeb avec le retentissement de sa carrière internationale pour saluer ses champions. B Darniche est devenu un grand champion automobile parce qu’il était excellent partout, tous les terrains. c’était déjà obligatoire. il a été champion d’Europe avec des moyens inférieurs à l’équipe italienne qui avait la même auto.

  7. Je suis d’accord je ne remets pas en question le talent et je suis un administrateur de Darniche ( j’ai eu la chance gamin d’être à côté de lui lors d’un abandon au tour de corse) mais les pilotes nordiques avaient ce petit truc en plus sur terrain glissant que les pilotes français, italiens n’avaient pas encore pour être champion du monde. C’est juste une question de culture rallye et typographie aussi

    1. Oui on est d’accord; l’Europe du Sud avait encore en 1980 surtout des pilotes supérieurs sur le tarmac et la Scandinavie des pilotes de glisse. les migrations ont fait qu’à présent les sportifs sont parfaitement éclectiques. Peugeot recrutait des Waldegard, Vatanen, Kankunen, Salonen avec Saby Mouton. Arrivé le temps de Henri Toivonen on peut dire que plus personne n’a eu de complexes, car la pratique des terrains du championnat a permis de resserrer les niveaux de chacun avec la hiérarchie de ceux qui ont pu graver leur nom. Le pilote privé n’avait plus de place que pour un contrat ci et là. cf le coup d’éclat de JP Nicolas 1978 avec une voiture privée louée pour le Mté Carlo. Mais on a plus parlé que des pilotes attachés aux écuries en lice des constructeurs . Je retiens encore sur ce Mté Carlo des exploits de Beauchef, Frequelin, et autres évanescents pour moi car ce rallye avait « ça » d’exceptionnel qui fait encore son succès …

  8. J’ai la chance d’habiter pas lui du col DE Turini mais ce n’est plus pareil. C’est une question de génération car les plus jeunes sont à fond comme nous l’étions jadis. P… je parle comme un vieux ?

  9. Qu’est ce que c’était bien ! on pouvait les voir à la télé avec des journalistes qui savaient de quoi ils parlaient.
    Il y avait auto-moto qui était une émission de passionnés..
    Est ce que c’était mieux avant ? ben oui 10 fois oui ! Je suis content d’avoir vécu çà ! 😉

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