Cette année encore, nous fûmes particulièrement gâtés.
Toyota frappée au coeur
Chez Toyota, la partition semblait parfaitement maîtrisée avec des victoires en championnat, de nombreuses séances d’essais de 30 heures chacune, au déroulement parfait et l’engagement d’une troisième auto pour pallier à tout incident de course. Hélas, le Toyota Gazoo Racing, qui a enregistré deux abandons en moins d’une heure de temps, est vraiment, une fois de plus, tombé de l’échelle.
Sans vouloir tout de suite évoquer les conséquences polico-sportives que ce retentissant échec entrainera de facto, nous voulons établir une image, sans doute subjective, de cette course à tout le moins débridée.
Pour les deux usines, chantres de l’hyper technologie ériger en dogme une telle sophistication, a sans doute pris du plomb dans l’aile. A cause de la chaleur, peut être?
En tout cas, on ne pouvait que remarquer combien il y avait de similitudes quand la Porsche N° 2 fut rentrée au box et mise sur tréteaux et quand la même aventure survint sur la Toyota N°8. Tout se passait sur l’avant et les mécaniciens de l’allemande semblaient très au fait du problème, alors que leurs homologues japonais paraissaient plus tâtonner, sans doute très surpris par la situation.
Sans morgue aucune, ni complexe de supériorité, l’équipe Toyota ne pouvait que compter sur son avantage numérique. Avec trois voitures en piste on pensait sans aucun doute qu’il en restait deux pour faire face à l’unique rescapée Porsche.
Puis coup sur coup, ces deux Toyota, pourtant bien en rythme, abandonnaient sèchement et la problématique s’inversait totalement, avec la Porsche N°2 lancée dans un splendide slalom réalisé de manière quasi permanente, entre les rapides LMP2 et les GTE insolentes, ne dégageant pas facilement la trajectoire.
Les LMP2 entrevoient la victoire
On assistait à un véritable chambardement avec la possible victoire d’une LMP2 et par là-même, de Dunlop et non de Michelin comme depuis des lustres.
L’intérêt se reportait de manière très forte sur les LPM2.
Pour comprendre dans quel état d’esprit les pilotes de ces LMP2 vivaient cette nouvelle opportunité de gagner les 24 heures, nous nous sommes immergé un moment au coeur du stand Alpine, alors qu’auparavant, nous avions rencontré notre ami Tristan Gommendy – prenant un solide petit-déjeuner – , acteur majeur au sein du team Jackie Chan DC Racing, partageant le volant de l’Oreca N° 37 avec A. Brundle et D.Cheng.
Avec un incident de course subi par D.Cheng en début d’épreuve, l’équipage était contraint de pousser les feux pour ne pas trop se faire déborder. Avec des triple-relais systématiques pour une gestion optimale des pneus, la course ne fut pas une promenade de santé, notamment à cause de la chaleur. Au milieu de nuit, Tristan ne souhaita pas effectuer un quadruple relais (chaque relais durant entre 35 et 40 minutes) sa position dans l’auto lui faisant directement toucher le carbone, il avait sérieusement mal à la jambe.
Par ailleurs, des caprices de l’accélérateur électronique nécessitant une très grande méfiance, on l’aura compris, la course ne fut pas une promenade de santé.
Chez Alpine, Bernard Ollivier et Philippe Sinault scrutent les écrans et réagissent aux images de passages osés de certains concurrents. Nelson Panciatici et Pierre Ragues, assis à côté d’eux, ne sont pas moins expressifs. Nelson, qui vient de laisser le volant à A. Negrao n’est pas trop marqué par l’effort intense qu’il vient de produire. Toute l’équipe est tendue vers un podium à conserver de haute lutte, quand la N°35 sort à Arnage, peine à s’extirper des graviers et rentre au stand, où l’on change les freins. Exit donc le podium génial mais toutefois, remarquable performance d’une équipe attachante.
Les Rébellion ont tenu tout au long de la course le haut du pavé. Des petits soucis mineurs, ont un peu entravé la marche impériale de la N°13 dont les pilotes avec une immense satisfaction grimpent sur le podium. Le team Jackie Chan DC Racing a pu un temps entrevoir une victoire absolue la seconde place a néanmoins suscité des manifestations de joie bien compréhensible pour les pilotes H.P. Tung, O. Jarvis et très jeune français (19 ans) T. Laurent.
Le spectacle avec les GTE Pro
Les protagonistes de la catégorie GTE Pro auront été les grands animateurs de cette course,, tout à fait non conventionnelle dans son déroulement. Roue dans roue du début à la fin, la Corvette N°63, l’Aston N°97, la Ford N°67 et la Porsche N°91 ont rivalisé d’audace, de culot même pour ne jamais abdiquer et renoncer au podium. Une forme d’hystérie envahissait les stands supportant, qui la Corvette, qui l’Aston, à laquelle nous pourrions sans doute décerner la palme de la maîtrise.
J. Taylor sur la Corvette ne voulant rien lâcher, tenta bien de couper les cordes façon stock-cars, il y laissait quelques ambitions et fut remonté pour la seconde place – in extrémis- par la Ford N° 67.
Dans ce final époustouflant, dont Ferrari se trouve exclu, nous avons pu mesurer une fois encore la très grande popularité de cette catégorie, tout comme celle de GTE Am, où cette fois, les Ferrari trustent les trois premières places.
Les puristes et certains teams continueront de critiquer l’injustice crée par cette BOP ou balance des performances, mettant à la main des organisateurs le résultat qu’ils espèrent voir se réaliser par la marque qu’ils entendent mettre en avant.
En GTE Am…
Ferrari truste le podium avec trois 488 GTE issues de trois teams privés différents.
C’est peu dire que Monsieur Nardon responsable du service compétition clients n’était pas le plus disert car l’AF Corse avait vu ses chances anéanties par des sorties de piste non imputables aux pilotes maison.
Porsche paradait dès 15h 05 avec des tee shirts siglés « hattrick » avec la mention des 17, 18 et 19ème victoires ces trois dernières années. T.Bernhard encore au volant ne pouvait pas vraiment retenir ses larmes tant il avait sans doute le sentiment de revenir de très loin.
Les membres du team Toyota n’affichaient pas trop leurs sentiments, mais nous ne sommes pas sûrs que les bolides miniatures distribués aux VIP trouveront une place de choix dans les vitrines, où elles auraient dû célébrer -enfin- la notoriété sportive couronnée par un succès aux 24 heures. Après cet échec aussi sévère que cruel, on peut penser que la haute direction s’interrogera, non pas sur la pertinence d’un système hybride au quotidien mais sur les vertus confinant au fiasco de l’hybride pour la compétition au sommet.
Décidément au Mans tout peut arriver, même un renard traversant la piste au milieu de la nuit…
Pour notre part, il est grand temps que les grandes lignes du futur règlement évoluent encore avec moins d’usines à gaz et des coûts très encadrés, faute de quoi les constructeurs, Peugeot en tête ne franchiront plus le pas d’une venue en championnat du monde.
Le public adore les courses d’endurance à preuve les 258 500 spectateurs décomptés ce week-end, alors, nous faisons confiance aux travaux conjoints de l’ACO et de la FIA pour promouvoir de manière forte et inventive cette belle discipline.
Texte : Alain Monnot, illustration : T.Emme/le blog auto sauf 4-5-A. Monnot, galerie-Thierry Coulibaly