Philippe Sinault, manager général de l’équipe française, a préparé avec les ingénieurs, depuis des mois, les autos, les pilotes et les mécaniciens à affronter cette fabuleuse course du Mans. Un rendez-vous difficile à caler dans l’emploi du temps hyper serré de Philippe Sinault, manager général du team Alpine (N° 35 et N°36), nous permet de comprendre comment on se prépare pour faire flotter bien haut les couleurs d’Alpine.
LBA : Philippe cette année deux voitures engagées au Mans sous l’appellation A 460 pour marquer une date anniversaire de la naissance d’Alpine?
Philippe Sinault : « Oui tout à fait, c’est la suite logique des choses d’avoir deux voitures au Mans . De plus, ça répond à la bonne dimension que s’est donnée Alpine sur le plan international. Par ailleurs, 2016 est une année importante avec la commercialisation de l’Alpine de route. Il fallait être à la hauteur de cet événement que l’on attend depuis trois ans, en engageant deux voitures au Mans et au championnat du monde. »
LBA : Est-ce que les équipages 2016 ont été déjà préfigurés en fonction des 24 heures?
Philippe Sinault : « Oui, notamment. Il est évident que lorsque l’on fait le choix des pilotes pour la saison complète et qu’au milieu de cette saison on a Le Mans, qui reste quand même notre Himalaya ou notre Tourmalet à nous au milieu de l’étape, on se doit de considérer cette course du Mans comme l’épreuve matricielle des choix de nos pilotes pour le reste de la saison. »
LBA : Sur les voitures, quelle fut la préparation spécifique à long, moyen et court terme?
Philippe Sinault : « Nous avons programmé deux types de préparation: une pour les course Sprint, c’est à dire les 6 heures avec les huit épreuves du championnat du monde WEC et une autre préparation spécifique pour l’épreuve du Mans, qui reste quand même une épreuve très à part. »
LBA : Pour le long terme, quand vous avez conçu la voiture, vous aviez déjà intégré les paramètres Le Mans?
Philippe Sinault : « Oui, tout à fait. L’étude du kit Le Mans a été menée en simultané avec la voiture saison 2016 il y a plus de huit mois maintenant. »
LBA : La validation de ce kit a-t-il fait l’objet d’essais particuliers?
Philippe Sinault : « Elle s’est faite en essais spécifiques sur le circuit de Lurcy-Lévis qui est une bonne base de tests empiriques, et puis beaucoup sur ordinateur puisqu’aujourd’hui nous possédons des programmes qui nous permettent de valider ou non des pistes de création ou de design de pièces aérodynamiques. »
LBA : En LMP2 c’est un peu la guerre, non seulement des marques, mais aussi la guerre des pilotes. On voit arriver des météorites, de vraies pépites taillées pour la vitesse. Alors quelle pourra être votre stratégie de course par rapport à cette escalade de vitesse dans une course de 24 heures?
Philippe Sinault : « Nous avons adopté dès le départ pour cette philosophie puisque la plupart de nos pilotes viennent de la monoplace. Cela préfigurait un changement de l’endurance et notamment de la catégorie LMP2, où les courses de 24 heures ressemblent beaucoup à des courses Sprint.
Samedi, il est évident que ça partir très vite, donc avec nos deux voitures nous allons peut-être pouvoir opter pour deux stratégies différentes mais malgré tout, nous n’allons pas pouvoir faire un round d’observation très long. Il va falloir se trouver dans le groupe de tête dès le départ. »
LBA : Vous allez définir votre base de temps à partir des résultats des essais pour être au plus près des plus véloces?
Philippe Sinault : « Exactement, mais il faut tenir compte d’un paramètre important, à savoir la météo. »
LBA : J’allais en parler. Vous êtes en Dunlop, avez-vous les bons pneus pour les caprices du temps qu’on nous annonce?
Philippe Sinault : « Oui, Silverstone a été un bon banc d’essai pour les pneus pluie et l’utilisation dans des conditions un peu particulières. Nous avons roulé à nouveau en essais sous la pluie . Il semblerait vraiment que l’on ait le bon partenaire pour ce type de conditions. »
LBA : Le Team Alpine au Mans, représente combien de personnes ?
Philippe Sinault : « Nous sommes 43 personnes, pilotes compris. »
LBA : Vous avez disputé combien d’éditions des 24 heures, dans quelle disposition d’esprit êtes-vous, que redoutez-vous encore ?
Philippe Sinault : « Ce seront mes huitièmes 24 h. Nous craignons toujours la météo. Nous souhaitons rouler dans de bonnes conditions de sécurité. Rouler sous la pluie ici, reste toujours un exercice compliqué pour tout le monde. La météo humide n’est vraiment pas à souhaiter. Après, quand j’arrive ici ça me fait toujours le même effet. Je ressens un enjeu et un plaisir énormes. »
LBA : Et si vous gagnez?
Philippe Sinault : » Ce sera la satisfaction pleine et entière. »
LBA : C’est ce que nous vous souhaitons.
En chef d’orchestre
Après cet échange, les choses sérieuses allaient commencer. Philippe Sinault, après avoir enfilé la combinaison réglementaire, rejoignait le stand aménagé de manière hyper rationnelle pour contenir les invités et permettre un travail fluide des mécaniciens, notamment pour l’approvisionnement en pneumatiques.
S’il fallait souligner encore l’importance de l’enjeu pour Alpine que cette course des 24 heures, nous soulignerions la présence de Frédéric Vasseur, le nouveau directeur de la compétition de Renault, venu encourager le team.
Pouvoir accéder au PC course d’Alpine où sont connectés toutes les ordinateurs, les écrans vidéo avec en temps réel les chronos, les images des pilotes, les données techniques et les communications radio, est un rare privilège. Sans parler, Philippe Sinault couve du regard toutes ces remontées d’informations. De temps à autre, un ingénieur lui glisse un mot avant d’intervenir dans le stand voisin. Imperturbable, le manager général laisse le petit orchestre jouer sa partition. Il sera temps de reprendre la baguette quand la course sera lancée. La main ne tremblera pas. Les instructions seront précises et fermes tant pour les pilotes que pour les mécaniciens.
Alors, pour que la fête soit belle, croisons les doigts pour ne pas subir une météo détestable.
Crédit photographique: Gilles Vitry et Alain Monnot