1 décès sur 5 sur la route lié à la drogue : vraiment ?

Le spot de publicité est lancé par la Sécurité Routière et cite comme source l’Organisme Interministériel à la Sécurité Routière (ONISR). Le discours est limpide, fumer du cannabis trouble la vue, provoque une baisse de la vigilance, trouble les réflexes, les différents sens comme la vue, l’ouïe, les mouvements, etc. Ca, toutes les études le prouvent. Aucun souci.

En revanche, une fois le trousseau de clé non rattrapé (joli non-dit au passage qui ne montre pas un vrai accident contrairement à d’autres pays), le spot finit sur le message « 1 décès sur 5 sur la route implique un conducteur ayant consommé de la drogue ». Voilà, 20% des tués sont dus à la drogue…un peu court jeune homme !

En fait, la SR joue sur les mots. En effet, si on prend le rapport 2019 ou celui de 2020 sur l’accidentalité édité par l’ONISR (la source citée par le spot) et leurs plus de 200 pages (bonne lecture), on peut lire en page 112 : « Un conducteur testé positif au cannabis multiplie par 1,65 son risque d’être responsable d’un accident mortel ». Jusque-là, pas de souci. Mais quelques lignes plus loin : « La proportion d’accidents mortels qui serait évitée si aucun conducteur n’était positif au cannabis est estimée à 4%. »

Changer d’échantillon pour un chiffre plus percutant

Ah mince, 4% ou 20% ? C’est pourtant le même ONISR et les mêmes données BAAC (*). En fait, ce sont les mêmes chiffres, avec des échelles différentes, et des interprétations différentes. Ainsi, le Ministre de l’Intérieur et la Sécurité Routière parlent des accidents mortels dont au moins un des conducteurs a consommé des stupéfiants. Consommation qui ne signifie pas forcément influence (il y a une notion de dose restant détectable).

Et cela ne signifie pas que le conducteur positif aux stupéfiants est le responsable de l’accident. Cela signifie qu’il est « impliqué » dans l’accident. Nuance sémantique pour chiffre passant du simple au quintuple.

En 2019, d’après les fichiers BAAC, 494 personnes sont décédées dans un accident avec un conducteur détecté positif aux stupéfiants. En 2019 selon le bilan définitif de l’ONISR, 3 498 décès étaient imputables à un accident de la route. Les 494 décès avec drogue pour l’un des conducteurs représentent donc 14,1%. Un taux que l’on retrouve d’ailleurs sur cette fameuse page 110. Si on prend les chiffres de 2020, malgré le Covid et les restrictions de circulation, on trouve 391 tués sur les 2 780 tués au total, soit 14% là encore.

Mais, alors, comment arrive-t-on au « 1 sur 5 » du Ministère ? Eh bien, si on ne prend en compte que les accidents qui ont donné lieu à un dépistage de stupéfiants, on arrive à 23% en 2019 comme l’indique la phrase : « Elles représentent 23 % des personnes tuées dans les accidents mortels dont le résultat du test est connu ». Seuls 67% des accidents mortels ont provoqué un dépistage stupéfiant. Et en 2020, elles représentent 21% des personnes tuées dans les accidents mortels dont le résultat du test est connu.

Et voilà comment de 4% potentiellement évités, on passe à 21% tout en parlant exactement des mêmes chiffres. Un mensonge ? Pas vraiment, mathématiquement parlant. Et avouez que dire « 1 sur 5 » cela a plus d’effet que « 4% », non ?

Un phénomène en légère hausse depuis 10 ans

Et il ne faut pas croire que le phénomène stupéfiants ne concerne que les automobilistes. Ce sont principalement les cyclomoteurs (en proportions) qui sont contrôlés positifs lors d’un accident corporel ou mortel. Quant aux piétons, il sont 483 à avoir été tués en 2019. Sur ces 483 on ne connait le résultat que pour 204 d’entre eux (42%) et sur ses 204, 42 étaient positifs aux drogues, soit 21%.

En prenant les chiffres bruts, 494 personnes ont été tuées en 2019 dans un accident impliquant des stupéfiants. Mais, 799 l’ont été dans un accident impliquant de l’alcool. A noter que dans la moitié des accidents mortels avec stupéfiants, l’alcool est aussi impliqué. Combo perdant !

Autant, depuis 10 ans, le nombre de personnes tuées dans un accident avec alcool baisse (-2,1% entre 2010 et 2019), autant celui des tués avec stupéfiants est passé de 13% à 15% de l’ensemble des accidents mortels, entre 2010 et 2019. En revanche, le nombre de personnes tuées dans un accident impliquant l’alcool reste à 25% du nombre total de tués !

Enfin, n’oublions pas qu’il y a toujours 23% des usagers tués en « véhicule carrossé » (principalement voiture) qui ne portaient pas, ou mal, la ceinture de sécurité. 6% des cyclomotoristes ou motocyclistes ne portaient pas, ou mal, le casque.

(*) Bulletin d’Analyse des Accidents de la Circulation

Illustration : capture d’écran Sécurité Routière

(7 commentaires)

  1. Ce qui interpelle aussi c’est qu’on retrouve ce chiffre de ~20% qqsoient les catégories d’accidentés malgré des risques, en cas d’erreur d’appréciation lié à leur état, fort différents.
    De là à en conclure que 20% des français (tous âges/sexe confondus) consommeraient plus ou moins régulièrement du cannabis (vu que contrairement à l’alcool, c’est détectable longtemps après la prise et ses effets)… et qu’il n’y aurait aucune certitude à tirer de ces chiffres
    Puis au delà des psychotropes drogue/alcool, on élude toujours l’impact de leurs pendants médicamenteux, eux généralement pris au quotidien mais il paraitrait que le danger serait surtout là en début de traitement: C’est en tout cas l’excuse généralement avancée pour ne pas pénaliser la conduite sous leur empire: Avoir le teint Sénéclauze ou des tresses rasta devrait dans cette logique donner droit à des taux admissibles majorés!

    1. Tout est a 20% car l’état lutte contre cinq choses voilà tout.
      Drogue, alcool, vitesse, pollution et sans permis.
      Donc on fait des économies d’échelle, un stat pour tout faire. Simple et efficace. ???
      20% des accidents seraient évités si on roulait tous a 30km/h
      20% des maladie respiratoires sont dues aux particules fines.
      20% des accidents ont lieu avec une personne sans permis.
      On peut faire des variantes :
      On pourrait baisser les accidents grâce à une réduction de 20% de la vitesse.

      1. Le problème de base, c’est que 100% des gens ayant eu ces accidents étaient en vie avant de les avoirs, il faut donc tuer les gens avant l’accident pour réduire de 100% le nombre de mort sur les routes

  2. On peut surtout constater qu’on a toujours des flèches question communication et gaspillage d’argent à la Sécurité Routière.
    Je me suis fait contrôler par la Gendarmerie il y a peu de temps pour vérifier mon alcoolémie. Ça faisait 11 ans que je n’avais pas soufflé dans un éthylotest !
    Donc rouler vite, c’est mal, mais rouler alcoolisé ou après avoir sniffé de la coke, avec le risque ultra-faible de se faire contrôler, vu que les pandores ont de moins en moins de moyens (financiers), c’est pas un problème.

    1. Augmentons leurs budgets ! Comme ça on pourra crier à la répression et se plaindre d’être des vaches à lait 🙂

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