Chers lecteurs, chers passionnés,
Ce billet s’adresse à tous les passionnés d’automobile, qu’ils n’en pincent que pour les Porsche ou pour tout autre marque fondée un jour par l’enthousiasme, la détermination, et l’inventivité d’hommes un peu rêveurs. Peut-être étiez-vous là, en ce mois de février dernier. Peut-être êtes-vous venus, vous aussi, jusqu’à la porte de Versailles. Pendant quatre jours, des centaines de voitures de collection se sont disputé la vedette. Bien heureux celui qui aurait su faire son choix entre une sublime Ferrari 275 GTB, une authentique Ford GT40, une furieuse Lancia Stratos, une Porsche 993 RS Clubsport immaculée, une Mercedes 300 SL Gullwing… Il y en avait pour tous les goûts, mais certainement pas pour toutes les bourses. Certains étaient certes venus se porter acquéreurs des merveilles suscitées. Mais nous étions, pour la plupart, simplement venus pour voir. Et du monde, il y en avait. Beaucoup. D’après Auto Plus, on dénombra pas moins de 90 000 visiteurs durant toute la durée du salon. Oh certes, le salon en devenait oppressant. Impossible de s’approcher des stands sans risquer de déclencher une bagarre générale, et prendre la moindre photo requérait la patience du sioux. Lorsque l'on voit l'affluence générale sur le salon, que ce soient des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes, des moins jeunes, souvent venus de province, il semble clair que la passion pour l'automobile est loin d'être morte en France.
Profitons-en pour envoyer un petit message à nos dirigeants politiques, toujours prompts à tirer sur la bagnole-qui-pue-qui-pollue-c'est-pas-bien-c'est-pas-beau, qui seraient fort avisés d'effectuer un rapide déplacement à Rétromobile ou sur le salon de l’Auto et jauger la fascination qu'exerce encore et toujours l'automobile. Rappelons qu’il fut un temps, fort lointain, où le président Georges Pompidou prit la décision de subventionner l’industrie automobile, d’une façon tout autre que celle que nous connaissons aujourd’hui. Ces subventions furent destinées, à partir de 1966, au groupe Matra, désireux de faire briller des autos françaises en compétition. A la clé de ce programme, Matra remporta les 24 Heures du Mans en 1972 avec la superbe MS 670, auto 100% française (voilà qui ne manquerait pas de plaire à monsieur Montebourg), et domina outrageusement le championnat du monde des constructeurs en 1973 et 1974. Peut-être serait-il bon de rappeler que Georges Pompidou lui-même lança le départ des 24 heures du Mans en 1970. Bien des années plus tard, le pouvoir en place remua ciel et terre afin de dissuader François Fillon, alors Premier Ministre, de lancer le départ de la course. Triste désaveu de l’automobile en France, nos ministres s’empressant ensuite de s’émouvoir que nos constructeurs nationaux ne licencient à tour de bras, incapables de restaurer leur compétitivité.
Mais les choses sont ce qu’elles sont. Stefan Zweig le soulignait, la politique ne consiste qu’à se retrouver prisonnier des tendances que l’on contribue soi-même à créer. Nos politiques, trop heureux de trouver un bouc émissaire, s’attaquent à tout crin à l'automobile, taxant à outrance les véhicules haut de gamme sous des prétextes ô combien fallacieux. De l’argent dans les caisses de l’Etat, et des subventions masquées pour nos citadines françaises fabriquées en Turquie. Radars embarqués dans des autos de polices camouflées, réduction de la vitesse sur les routes nationales (Monsieur Valls, qui vous l’a demandé ? Avez-vous réellement étudié la productivité de votre contre-mesure ?), l’Etat n’en finit pas de dégoûter les français d’un monde automobile, qui, pourtant, ne cesse de les attirer. Cruel paradoxe d’une politique aveugle, infondée, enracinée dans le populisme, destinée à plaire à nos concitoyens pourtant dégoûtés d’un tel acharnement.
Ce dernier paragraphe s’adresse à nos ministres, ou anciens ministres. Vous avancez, invariablement, tronçonneuse à la main, rasant la forêt. Dans le même temps, vous criez au scandale, jurant la mort des coupables, lorsque vous découvrez que la déforestation extermine les grands singes. Toujours prompts à envier le modèle allemand, prenez le temps de remarquer que les constructeurs allemands évoluent dans un environnement qui leur est nettement plus favorable. Point de salut dans l’automobile française, tant que celle-ci ne sera pas soutenue par la passion. L’arrivée de monsieur Tavares à la tête de Peugeot, assortie du soutien financier du gouvernement, constitue un frémissement positif en faveur de notre industrie automobile. Pour rien au monde je n’abandonnerais ma passion pour les Porsche. Mais je donnerais cher pour que les autos françaises me fassent de nouveau tourner la tête et saliver. Cher Gouvernement, faites table rase de plus de trente années de populisme. Cher Gouvernement, laissez la passion automobile vivre sa vie. C’est à ce prix que l’automobile française connaîtra, peut-être, une vraie renaissance.
Thomas Schenck
906chronicles.com
Crédit image : Soufyane Benhammouda