Après Clay Regazzoni, la Suisse perd un autre grand pilote. Le Baron Emmanuel de Graffenried (alias "Toulo") était également le dernier pilote encore en vie ayant disputé le Grand Prix d'Europe et de Grande-Bretagne 1950, première manche du premier championnat du monde de F1. Et malheureusement, ces derniers temps, on le sollicitait davantage pour des anecdotes sur Fangio ou Ascari que pour parler de sa propre carrière!
Bien que né au sein d'une des plus anciennes familles de Berne, c'est à Paris qu'il voit le jour, en 1914. Son père, militaire de carrière n'arrivera pas à lui transmettre sa passion des chevaux: dés l'adolescence, il assiste à des courses de cote et décide qu'un jour, il pilotera des bolides.
C'est donc en cote qu'il débute, vers 1936, sur Alfa-Romeo. En 1939, lors d'un grand prix, un ami Américain ne se sent pas de taille à piloter sa Maserati et il lui propose son volant!
Hélas, la guerre éclate peu après et le temps que l'on reconstruise ensuite un sport automobile digne de ce nom, ses belles années de pilotes sont derrière lui (cela arrivera à toute une génération à savoir celle du Prince Bira, de Sommer, Trintignant, Wimille et même Farina.)
En 1946, il fonde l'écurie Autosport avec son compatriote Christian Kautz. Pilote et co-propriétaire, il collectionne les podiums, dont une 3e place à Monaco en 1948. Hélas, Kautz se tue peu après en cote. Graffenried dissout l'écurie et rencontre peu après Enrico Platé, qui possède une Maserati. Avec cette voiture, il obtient d'autres résultats et persuade Platé d'engager une seconde voiture en 1949, pour le Prince Bira. Sa meilleure victoire restera le Grand Prix de Grande-Bretagne 1949: un an trop tôt pour figurer dans les annales de la FIA!
De 1950 à 1956, il disputera 22 grand prix, sur des Alfa Romeo et des Maserati privées. Il obtiendra quatre 5e places (Suisse 1951, Belgique, Hollande et Allemagne 1953.) Hors championnat, il s'imposera à Syracuse et Goodwood en F1, ainsi qu'au Nurnbürgring en F2 (toutes les trois en 1953, décidément c'était une bonne année pour lui!)
Pour le film The racer avec Kirk Douglas, il faut des images "live". Au Grand Prix de Belgique 1954, la voiture de Graffenried est ainsi équipée d'une caméra et comme il n'y a pas assez de péllicule pour filmer entre deux arrêts au stands, il possède un contacteur pour filmer les moments "importants". C'est ainsi qu'il immortalisa l'abandon de Willy Mairesse, dont le moteur prend feu alors qu'il est devant lui!
Après le grand prix d'Italie 1956, il décide de se retirer. Dans les années 70, il retourne dans les paddocks, comme homme-sandwich de Marlboro. Sacré Toulo, il était le plus "gentleman" des "drivers".