C’est un tounant historique. Un an après la faillite de la joint-venture Jeep avec le groupe GAC, Stellantis a annoncé la conclusion d’un accord avec le groupe chinois Dongfeng concernant la cession, à hauteur de 220 millions d’euros, de trois usines situées en Chine à Wuhan, Chengdu et Xiangyang, détenues par la coentreprise Dongfeng Peugeot Citroën Automobile (DPCA).
Dongfeng Motors reprendra le contrôle de ces installations industrielles, où est produite notamment la Citroën C5X. Stellantis va ainsi privilégier l’importation en Chine, en lieu et place de la production locale en coentreprise. Un constat d’échec, alors que Citroën avait été en 1992 le deuxième constructeur européen à arriver sur le marché chinois, avec la Fukang, la « ZX locale ». Mais en trente ans, le contexte n’a plus rien à voir.
La fin de l'eldorado
Tavares a changé radicalement de fusil d’épaule, alors que la stratégie inverse, du « produire local », a longtemps été de mise. Sauf que plusieurs éléments ont changé la donne. Il y a bien sûr le fait que la plupart des marques Stellantis, notamment Peugeot et Citroën, n’ont jamais réussi à y obtenir des ventes satisfaisantes à cause d’une stratégie produit pas adéquate, tandis que le premium n’a pas pris avec DS non plus, face à la toute puissante des marques germaniques.
Mais depuis peu, le marché chinois s’est retourné et l’âge d’or des marques occidentales semble révolu, y compris pour le premium, car les constructeurs chinois y occupent une part désormais de plus en plus prépondérante.
Avec un appui considérable de l’Etat chinois – ce qui a poussé l’Union Européenne à lancer une enquête sur les subventions d’Etat pour les constructeurs nationaux – les constructeurs chinois profitent de leur avance technologique sur les véhicules électriques, de leur maîtrise de la production et des ressources et de tarifs hyper concurrentiels pour non seulement capter la clientèle nationale mais aussi partir à la conquête du monde, en témoigne l’essor des ventes de marques chinoises en Europe.
Un contexte politique de plus en plus incertain
Les raisons sont aussi d’ordre politique et géopolitique. « Nous pressentons des tensions croissantes et nous craignons qu'elles aboutissent à des sanctions croisées qui in fine toucheraient les entreprises occidentales » déclarait Carlos Tavares lors de l’annonce de la fin de la coenteprise Jeep.
Le climat de fortes tensions internationales et la crispation des relations commerciales n’incitent plus aux investissements sur place. D’ailleurs, la récente décision de la Chine de restreindre ses exportations de graphite, indispensables pour la production de batteries, va dans le sens de cette inquiétude croissante.
Stellantis a aussi sans doute en tête le cas de Renault, qui a beaucoup perdu en Russie avec les sanctions internationales, étant contrainte d’y céder ses usines dans lesquelles le groupe Français avait consenti de gros investissements.
Le partenaire de Stellantis, Dongfeng, continuera «la fabrication de modèles Peugeot et Citroën en plus de leurs propres modèles » tout en gérant « les ventes des marques Peugeot et Citroën en Chine ». Selon certains observateurs, cette stratégie visant à réduire son foncier, ses coûts et ses risques, tout en continuant à bénéficier du réseau de Dongfeng dans la région, serait une stratégie gagnante.