L'affaire des salariés Polonais de PSA qui pourraient venir à Hordain (Nord) fait réagir jusqu'au plus haut niveau. Le gouvernement a demandé vendredi au groupe automobile de renoncer à son projet.
C'est à l'issu d'un CSE jeudi à l'usine SEVELNORD d'Hordain que les syndicats ont dénoncé cette décision du groupe PSA de faire appel à des salariés Opel de Gliwice en Pologne pour aider à la production d'utilitaires durant plusieurs mois. la Direction du site a indiqué que 120 salariés de Pologne viendraient dans un premier temps, rejoints par 150 autres. Des salariés Espagnols sont également évoqués.
Les ministres du travail et de l'Economie, "Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, ont demandé à PSA de renoncer à cette opération et d'embaucher en priorité les intérimaires", a indiqué vendredi le ministère du Travail.
"Dans la situation actuelle, les entreprises doivent tout faire pour protéger l'emploi en France", a-t-on ajouté de même source.
Du côté du constructeur, on explique devoir être agile pour faire face à la grave crise économique qui suit le confinement dû à la Covid-19. D'ailleurs, la Direction explique que c'est "la responsabilité de la direction de l'entreprise (...) de trouver des solutions pour donner de l'activité aux salariés du groupe". Ajoutant que "les mobilités temporaires entre sites s'inscrivent dans la logique de +solidarité industrielle+ pour des salariés dont le coeur de métier est la fabrication de véhicules".
Monter les salariés les uns contre les autres
Evidemment, du côté des syndicats, on ne l'entend pas de cette oreille. "Cela répond à une logique économique qu'on peut comprendre mais une entreprise a aussi une responsabilité sociale (...) et le rapport entre la logique économique et la logique sociale doit être équilibrée", a réagi Franck Don, de la CFTC (4e syndicat chez PSA).
Pour Jean-Pierre Mercier, délégué CGT PSA Poissy, interrogé ce matin 13 juin 2020 sur France Info, ce n'est qu'une décision pour "faire du cash". Il estime que PSA met en concurrence les "camarades salariés" en permanence, que ce soit entre sites Français, ou maintenant entre les sites Européens du groupe.
Il annonce d'ailleurs que d'autres site comme Tremery (principal site de production de moteurs du Groupe PSA) reçoivent ou vont recevoir l'aide de salariés Allemands de PSA. Surtout il dénonce le langage de PSA qui a expliqué que les salariés Polonais qui viennent en mission pour trois mois dans le Nord seraient payés selon la convention française du secteur.
Or, selon M Mercier, cela ne signifie pas qu'ils seront payés comme des salariés français de PSA, mais comme des salariés de la métallurgie (convention de base des salariés des usines automobile). Cette convention, largement plus généreuse que les salaires polonais, est tout de même en dessous de la convention PSA.
Notre avis, par leblogauto.com
PSA marche sur des oeufs dans cette affaire. Avec la crise économique qui frappe la France (et pas que) de plein fouet, les entreprises balancent entre "patriotisme économique" et survie de leur société. Au final, si PSA redonne une mission aux intérimaires de Hordain, puis, dans quelques mois, finit par lancer un plan social ou par supprimer des postes face à des difficultés financières, que diront les Ministres qui tancent aujourd'hui le groupe ?
En fustigeant la "mobilité" interne des salariés PSA, JP Mercier dénonce une logique de groupe et semble souhaiter que chaque usine soit gérées séparément et non au sein d'un tout industriel. Pourtant, on a bien affaire à un tout, où chaque usine dépend d'une ou plusieurs autres, et où chaque salarié dépend de tous les autres au sein du groupe.
Concrètement que peut faire le Gouvernement ? Pas grand-chose visiblement. Contrairement à Renault qui a dû faire des concessions pour avoir sa garantie étatique pour son prêt bancaire, PSA a décidé de s'en passer et de rester libre de ses mouvements.
Légal ou illégal ?
Est-ce que faire venir des salariés d'un pays étrangers pour une durée temporaire est contraire à la loi ? Il semble bien que non. Même si les syndicats pensent le contraire. Pour cela, PSA joue sur les intitulés des postes et les salariés Polonais ne devraient pas prendre le poste d'un intérimaire (sinon PSA devrait d'abord le proposer à l'intérimaire).
Donc à part faire de la communication et du "name and shame" qui consiste à dénoncer publiquement les "mauvais" comportements légaux, et porter l'affaire sur le plan de la morale, le Gouvernement semble plutôt impuissant comme le souligne Monsieur Mercier sur la radio publique.
Il semble tout de même que c'est surtout le fait que ce soit des salariés Polonais qui provoquent ici l'émoi d'une partie de la population et des Ministres. L'ouvrier Polonais 2020 est le nouveau plombier Polonais 2005 ?
Avec AFP/far-esp-aro-cel/dlm
Illustration : PSA (Hordain)