La croissance en ligne de mire
Vendredi dernier, le PDG Carlos Ghosn et les principaux dirigeants ont ainsi détaillé leur plan en vue d'atteindre ses objectifs de croissance à horizon 2022. Lesquels sont, pour rappel, de porter son chiffre d'affaires de 51 à 70 milliards d'euros entre 2016 et 2022 et sa marge opérationnelle de 6,4 % à 7 %. Des résultats qu'il se fait fort d'atteindre en ciblant un volume de 5 millions de véhicules en 2022. Pour cela, Renault table sur les pays émergents mais également sur l’électrique.
« Le groupe de 2005, centré sur un modèle, la Mégane, et un pays, la France, est maintenant un groupe global, profitable, résilient, multipolaire, et le sera encore davantage à la fin du plan ». C'est en tout cas le nouveau défi que lance Carlos Ghosn.
Croissance par les volumes
Si les chiffres globaux de ventes de l'Alliance à horizon 2022 ont été annoncés il y a quelques semaines, ceux spécifiques à Renault (Groupe : Renault, Dacia, Renault-Samsung, Alpine, Avtovaz/Lada) n'ont été dévoilés que vendredi dernier.
Sur les 10,5 à 14 millions de véhicules ciblés pour l'ensemble Renault, Nissan, Mitsubishi, la marque aux losanges table pour elle seule à 5 millions de véhicules en 2022. Ce qui correspond à un plus que que coquette hausse …. de 44 % ! par rapport aux 3,5 millions vendus en 2016. il va falloir que çà dépote en concessions, non d'un petit bonhomme !!! mais surtout dans les pays émergents. Renault espère en effet doubler les ventes hors d'Europe, de telle manière que la part des profits opérationnels réalisés hors de la zone passe de 25 % à plus de 50 %.
Les moyens pour atteindre un objectif ambitieux
En vue d'atteindre la cible, Renault va lancer au total 21 nouveaux modèles. La quasi totalité sera dotée de vertus écologiques, puisque 8 d'entre eux seront électriques et 12 hybrides. Une gageure alors que le constructeur ne dispose pas à l'heure actuelle de modèle hybride. En même temps que concessions et commerciaux, ce sont donc les ingénieurs qui vont devoir se remonter les manches.
Certes, Renault va mettre le paquet pour pouvoir atteindre l'objectif, puisque le plan sera soutenu par 18 milliards d'euros d'investissements en R & D. Parallèlement, 35.000 personnes devraient être recrutées sur les trois premières années. En tenant compte des départs, il s'agit en fait d'une création nette d'emploi de 5.000 à 6.000 postes. Avec un objectif parallèle : 5 % des ventes du groupe devraient être réalisées dans l'électrique en 2022.
Pour cela, Renault mise beaucoup sur la petite citadine développée en Chine, avec son partenaire Dongfeng. « Nous comptons rester leader dans le véhicule électrique de masse », a insisté sur ce point Carlos Ghosn.
La voiture électrique est en train de devenir « un contributeur net à notre performance, et ce alors que les autres constructeurs débutent à peine le voyage », a-t-il ajouté. Déclarant à cette occasion réfléchir à une version électrique de la Twingo. Une réflexion est d'ores et déjà en cours avec Daimler et Smart .
Plates-formes communes toutes pour 2022, la marge avant tout !
Au delà de faire du chiffre en mettant la priorité sur les volumes, Renault souhaite assurer ses arrières en jouant sur les économies d'échelles. La production de masse pour ne pas dire massive dans les tous les sens du terme ne semble pas être très loin …
Carlos Ghosn a ainsi rappelé que 80 % des véhicules de l'Alliance seraient produits sur des plates-formes communes en 2022. Une stratégie qui selon l'argumentation à demi mots de Carlos Ghosn serait due en partie aux charges induites par la mise aux normes environnementales. Quand l'écologie sert d'argument à l'orientation de la politique industrielle.
Mais rien ne sert de produire à tout va … si la finance ne suit pas. Carlos Ghosn a tenu à préciser que le seuil de 5 % de marge opérationnelle paraissait être « un minimum dans des conditions normales de marché ». Il a toutefois reconnu que l'objectif de 7 % était « prudent ». A l'heure actuelle, le taux est de 6,4 %. Un chiffre qui a son importance alors que l'Etat suit avec attention le cours de l'action … pour mieux la revendre.
Renault mise sur les pays émergents
Produire plus, à moindres coûts pour gagner plus. La réduction des marges impliquant de multiplier les unités vendues … en espérant que les consommateurs n'attrapent pas une indigestion. Pour éviter que cette boulimie de ventes fasse fuir au final les clients, mieux vaut effectivement aller se faire une place dans les pays émergents aux marchés beaucoup moins saturés qu'en Europe.
« Sur les 1,5 million de véhicules que nous comptons produire en plus, 500.000 viendront de la Chine, 500.000 de la Russie, et le reste principalement d'Inde, d'Iran, et du Brésil », a précisé Carlos Ghosn.
Le diesel vers une voie de garage
Renault compte aussi s'adapter à la baisse des ventes de véhicules diesel en Europe. Il compte ainsi diviser par deux son offre diesel en cinq ans, passant de trois classes de moteurs à une seule.
Il est vrai que depuis le premier semestre 2017, le diesel pèse moins de la moitié des ventes du groupe. Rappelons que Renault ne propose plus de diesel sur la Twingo depuis 2014. Désormais, il s'attaque à une adaptation en conséquences de son appareil industriel.
Vers une offre de voitures aux fonctions autonomes
Renault promet par ailleurs que d'ici 2022, 15 véhicules aux fonctions plus ou moins automatisés verront le jour. Plus encore, il devrait sortir d'ici 5 ans un véhicule autonome de niveau 4. Qui a même vocation à devenir un « robo-taxi », histoire de damer le pion aux Google, Uber and co. ...
« A la fin du plan, il y aura une flotte de robo-taxis géré par Renault, seul ou avec un partenaire. Nous développons une voiture pour. Nous voulons prendre position sur ce marché, qui va devenir important », a ainsi déclaré Carlos Ghosn.
L'Etat peine à revendre ses actions Renault
Reste tout de même que Renault doit compter avec la présence de l'Etat à son capital. Avec les avantages et les inconvénients … et les pressions associées.
Or, s'exprimant lors d'une audition devant la commission des Finances à l'Assemblée nationale la semaine dernière, Bruno Le Maire a déclaré que l'Etat peinait à revendre ses actions Renault, acquises en 2015 lorsqu'Emmanuel Macron était ministre de l'Economie.
Le ministre a par ailleurs affirmé que le rôle de l'Etat n'était "pas de faire de plus-value". Et ce, alors que selon lui, ces dernières s'avèrent « incertaines ». Prenant alors pour exemple la montée de l'Etat au capital du constructeur en 2015, opération alors décidée par Emmanuel Macron, patron de Bercy à cette époque.
"Maintenant nous sommes scotchés avec quelques pourcents de Renault que je n'arrive pas à vendre parce que le cours de l'action n'est pas suffisamment élevé", a ajouté Bruno Le Maire.
Pour rappel, en 2015, l'Etat a fait passer de 15,01% à 19,74% sa participation dans le groupe, imposant ainsi l'application de la "loi Florange" qui récompense les actionnaires de long terme par des droits de vote double.
Si l'opération - évaluée à 1,2 milliard d'euros - avait alors été présentée comme transitoire, le transitoire semble perdurer. Arguments invoqués : l'évolution en dent de scie du cours de l'action Renault. A l'heure actuelle, celui-ci avoisine
85 euros, contre 86 euros lors de l'opération.
"Le rôle de l'Etat n'est pas de diriger les entreprises à la place des entrepreneurs, il n'est pas de faire l'industrie à la place des industriels", a lancé à cette occasion le ministre.
"Renault ne s'est jamais aussi bien porté que depuis qu'un dirigeant a fait des alliances, a consolidé, sans se soucier beaucoup de ce que pourraient être les orientations de l'Etat", a-t-il poursuivi.
Sources : Renault, AFP, Les Echos
Crédit Illustration : Renault