Renault a annoncé jeudi qu'il réduisait la voilure dans son usine de Palencia, située au nord de l'Espagne. A défaut de pouvoir prendre un ris, le constructeur français va supprimer à partir de mars prochain la rotation d'une équipe, entraînant en cascade le non renouvellement des contrats de 400 travailleurs temporaires.
Motif encore une fois invoqué : la crise que traverse actuellement le secteur automobile. Il est vrai que l'Espagne est frappée par une forte baisse des ventes d'automobiles, et par le repli généralisé du marché européen, vers lequel elle exporte près de 80% de sa production.
"La chute constante du marché européen et la politique de suivi rigoureux des stocks rendent nécessaire d'adapter le rythme de production, ce qui implique la suppression de la troisième équipe de l'usine de Palencia", indique ainsi Renault un communiqué. "Pour rendre efficace cette nouvelle organisation, il sera nécessaire d'ajuster l'emploi temporaire, ce qui va affecter 400 salariés", poursuit le constructeur.
Cette décision vient s'ajouter à une opération de chômage technique d'ores et déjà en cours au delà des Pyrénées, laquelle devrait impacter jusqu'à 10.311 personnes entre janvier et mai.
Pour rappel, la firme au losange, un des principaux constructeurs implantés en Espagne, détient quatre usines dans le pays, deux à Valladolid (une de carrosserie-montage et une de moteurs), une à Palencia et une à Séville.
Alors que la direction de Renault a indiqué dans un communiqué qu'elle allait se réunir avec les représentants du personnel "pour entamer les consultations nécessaires en vue de mettre en route la nouvelle organisation", le syndicat CCOO a d'ores et déjà critiqué la décision du groupe, s'interrogeant sur le fait que les représentants du personnel aient appris la nouvelle par la presse.
Les élus du personnel redoutent avant tout que la suppression de 400 postes de travail ne soit que le début d'un vaste plan de suppressions d'emplois. Ceci, d'autant plus que dans les prochains jours, 150 employés devaient arriver sur le site, ayant dû abandonner les installations de Valladolid en raison des réductions de production. CCOO craint que l'arrivée de ces 150 employés entraîne, par effet de bord, 150 nouvelles suppressions d'emplois à Palencia, portant le total à 550.
Comme d'autres constructeurs automobiles présents en Espagne, Renault exhorte le gouvernement socialiste à adopter des mesures de soutien au secteur automobile, bien au delà du plan de 800 millions d'euros d'ores et déjà annoncé mais jugé insuffisant pour garantir la non-fermeture d'usines.
Dans un entretien au quotidien El Mundo publié lundi dernier, Jean-Pierre Laurent, le président de la filiale espagnole de Renault a ainsi indiqué que la mesure, censée garantir l'emploi semble bien maigre comparé au plan de soutien au secteur de quelque 6 milliards promis par la France et à l'appui accordé à ses constructeurs (via notamment une prime à la casse de 2.500 euros) par l'Allemagne.
Selon lui, avec la chute de la demande, laquelle pourrait atteindre de 15 et 20% en 2009, l'Europe compterait déjà 20 usines de trop. Alors que la France et l'Allemagne ont clairement affiché leur l'intention de conserver leurs sites, il estime que l'Espagne, qui possède 18 usines "devrait se battre pour continuer d'être, comme jusqu'à maintenant, le troisième pôle automobile européen" .
Un objectif qu'il estime difficilement atteignable avec les « seuls »800 millions d'euros d'aide mis sur la table par Madrid. Et ce, d'autant plus qu'elles sont conditionnées à de futurs projets et au maintien de l'emploi, « des choses difficiles à combiner", d'après son analyse.
Mercredi, l'association espagnole de fabricants (Anfac) a annoncé qu'environ 100 000 employés espagnols étaient actuellement touchés par la forte baisse d'activité qui frappe le secteur automobile, à travers chômage technique ou plans sociaux.
Ainsi ce sont plus de 40 000 personnes qui sont affectées par ces mesures, dites de régulation de l'emploi dans la construction de véhicules. Un chiffre auquel il faut ajouter 33 000 employés de l'industrie des composants. Plus 30 000 personnels du réseau commercial.
Alors que l'activité automobile représente environ 10% du PIB espagnol, la production du secteur a baissé de 12% en 2008 à 2,54 millions d'unités et devrait à nouveau chuter d'environ 20% en 2009 à environ 2 millions, selon l'Anfac.
L'Association a par ailleurs annoncé qu'elle prévoyait seulement 900 000 immatriculations de voitures particulières en 2009 en Espagne, soit un net recul d'environ 23% par rapport aux 1 161 176 unités enregistrées en 2008, un chiffre déjà en forte baisse de 28% sur 2007.
Face à cette "grave crise", l'Anfac a demandé au gouvernement espagnol de mettre en place de manière urgente des mesures d'incitation à l'achat de voitures, similaires à celles annoncées en France et en Allemagne (primes de 1000 à 2500 euros par véhicule).
Sources : AFP, Reuters, AWP, Les Echos