Selon Me Christophe Lèguevaques qui représente ces automobilistes, c'est une "première victoire". Mais, la route est encore longue. En effet, ce qui a été obtenu ici, le 14 mars 2023, ce sont les documents internes, non caviardés, relatifs à la construction des moteurs en cause.
'Nous n’avions reçu que des notes techniques presque entièrement caviardées, au nom du « secret des affaires » indique Olivier Blanchet, président de l’association Victimes du Motorgate.
Une action collective
Après une première assignation en juin 2022, Renault avait ainsi transmis des documents avec de grandes parties non accessibles. Malgré tout, ces documents prouveraient que le constructeur avait, dès 2015, identifié des sources de défaillances du 1,2 TCe (ou DIG-T chez Nissan).
Maître Lèguevaques estime que les documents non censurés permettront "(d')établir avec certitude la date à laquelle le constructeur a eu connaissance du problème posé par son moteur". Le 1.2 TCe a été produit de 2012 à 2018, tant en Espagne (Valladolid) qu'en Angleterre (Sunderland) et a concerné un nombre très important de modèles Renault, Dacia, Nissan et même, dans une moindre mesure, Mercedes (Citan).
Le nombre de véhicules vendus en France avec le moteur atteindrait les 400 000, et même 600 000 en Europe. Ces moteurs sont toujours en circulation et sont revendus en occasion, même dans le réseau Renault, sans avertissement sur le risque potentiel.
Consommation d'huile, casses à 130 km/h, etc.
Le symptôme principal sur ce moteur est une consommation jugée excessive d'huile souvent passé les 60 000 km. Le moteur peut aller jusqu'à la casse précoce comme c'est arrivé pour au moins 1700 plaignants. Selon l'avocat, 1/4 des casses se sont passées à allure autoroutière avec la frayeur qui va avec une perte totale et instantanée de puissance.
Des évolutions avaient été apportées au moteur en 2016. Mais personne ne sait si elles ont été suffisantes pour régler totalement le souci. L'association UFC-Que Choisir a bien rendu public le souci et demandé à Renault de rappeler et de changer les moteurs incriminés. Toutefois du côté du constructeur rien n'a été fait car, aussi étonnant que cela puisse paraître, le moteur ne fait pas partie des organes susceptibles de faire l'objet d'un rappel obligatoire.
Des milliards d'euros potentiellement en jeu
Du côté de Renault on refuse pour le moment de reconnaître le caractère généralisé des casses potentielles ce qui obligerait à prendre en charge, à minima, le remplacement de chaque moteur. Contacté par Ouest-France, le groupe a juste indiqué prendre connaissance du jugement. Selon Olivier Blanchet, Renault aurait passé des accords à l'amiable avec certaines victimes.
MyLeo (Maître Christophe Lèguevaques) va désormais "porter l'affaire au pénal" à priori d'ici la mi-avril. L'objectif est de déposer plainte pour "tromperie et mise en danger de la vie d'autrui". Selon l'avocat, il y a le préjudice matériel et financier, mais également un préjudice moral suite aux frayeurs occasionnées lors des casses moteur.
Si on compte 10 000 € par changement de moteur, les 600 000 véhicules potentiellement encore en circulation avec ces moteurs représentent 6 milliards d'euros pour les constructeurs. Si le constructeur savait, cela deviendrait potentiellement un vice caché.
Notre avis, par leblogauto.com
Pour sûr, nous ne sommes pas aux USA. Là-bas, il y aurait eu un tel "foin médiatique" que cela aurait abouti, comme le "Dieselgate" a une procédure de rappel immédiat. Chez nous, l'affaire traîne en longueur et l'action collective ne réunit finalement que "peu" (relatif) de gens sur les 400 000 potentiels acheteurs du 1.2 TCe. Pour l'image de Renault, cette affaire devrait tout de même être délétère, surtout si elle va au bout judiciairement.
Du côté de l'Etat, on ne semble pas trop enclin à bouger. La DGCCRF ne peut pas se saisir du dossier selon elle car "les problèmes des garanties légales ou des vices cachés" ne sont pas de son ressort. Et du côté du service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM), lancé en 2020, on semble plutôt tourné vers la conformité avec les "prescriptions techniques fixées par la règlementation européenne et nationale en matière de sécurité, de santé et d’environnement".
Reste donc la justice et le long parcours judiciaire qui fait face aux plaignants.