Son avenir au sein de Renault demeure quant à lui toujours en suspens à l'issue d'une réunion extraordinaire du conseil d'administration du constructeur, tenue à Paris jeudi soir.
Absence de fraude pour 2017 et 2018
"La mission a examiné les éléments de rémunération des membres actuels du comité exécutif du groupe Renault pour les exercices 2017 et 2018 et a conclu à leur conformité et à l'absence de fraude", a ainsi annoncé le constructeur à l'issue de la réunion.
"Conformément à la saisine initiale, la mission se poursuivra sur les exercices antérieurs", a toutefois précisé Renault dans un communiqué. Assurant qu'il en sera rendu compte de la même manière dès la prochaine séance du conseil d'administration.
Réunion d'avancement sur l'audit interne
Selon Renault, cette réunion extraordinaire, organisée au siège du constructeur à Boulogne-Billancourt, visait à faire un "point d'avancement" sur l'audit interne lancé fin novembre par l'entreprise après la mise en cause de son PDG par la justice japonaise dans le cadre de ses fonctions au sein de Nissan.
L'audit interne, décidé après l'arrestation à Tokyo du PDG de Renault - accusé par la justice japonaise de dissimulation de revenus et de malversations au sein de Nissan -- avait été annoncé fin novembre par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Ce dernier précisant alors qu'il porterait à la fois sur les questions de rémunération et les questions d'abus de bien social.
Des compléments de rémunération via une holding aux Pays-Bas
Selon des documents consultés par franceinfo, un membre du comité exécutif de Renault aurait reçu pendant plusieurs années un complément de rémunération via cette société. Les sommes versées pourraient avoisiner une fourchette de 80.000 à 130.000 euros.
Le constructeur a d’ores et déjà admis que la holding aurait été utilisée de la sorte pour allouer quelques revenus substantiels à tous les membres du comité de Renault.Une pratique néanmoins validée par un commissaire aux comptes.
Reste tout de même que ces éléments n’apparaissent sur aucune ligne comptable du groupe. Ce que la CGT de Renault n’a pas manqué de relever … et de faire savoir dans un courrier adressé à Thierry Bolloré, patron du constructeur par intérim.
S’insurgeant contre ce genre de pratique, le syndicat s’étonne fortement qu’elle ait été validée par un commissaire aux comptes.
Demande de précisions sur les rémunérations des cadres dirigeants de Renault
Suite aux questions soulevées dernièrement par le syndicat CGT à ce sujet, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a affirmé dimanche avoir demandé des précisions à Renault au sujet des rémunérations de certains de ses cadres dirigeants.
"J'ai écrit à la direction de Renault pour demander tous les éléments d'information et de transparence sur ces rémunérations", a indiqué Bruno Le Maire. Tenant à préciser que le courrier avait été adressé vendredi par l'intermédiaire du représentant de l'Etat au conseil d'administration de Renault, Martin Vial, le patron de l'Agence des Participations de l'Etat (APE).
"Je veux savoir à qui ces rémunérations ont été versées, si elles ont bien été déclarées, si elles correspondent à un service rendu et donc si l'administration de Renault, les actionnaires, ont bien été informés de ces rémunérations", a-t-il détaillé.
Renault pourrait en effet avoir permis aux cadres de l’entreprise de recevoir des rémunérations via la holding basée aux Pays-Bas, nommée RNBV, qui chapeaute l’Alliance. Ce que le fisc français ne devrait guère apprécier …
Pas de décision sur le maintien de Carlos Ghosn aux commandes de Renault
Selon des source concordantes, aucune décision n'aura été prise au final lors de la réunion extraordinaire de jeudi soir en ce qui concerne le maintien à la tête de Renault de Carlos Ghosn.
Reste que le constructeur doit publier ses résultats financiers le 14 février prochain … et que se pose d'ores et déjà la question de qui en assurera la présentation.
A noter également que la rencontre organisée au siège de Renault intervenait quelques heures après une réunion du conseil d'administration de Nissan, durant laquelle le constructeur japonais a "réaffirmé son engagement envers l'alliance avec Renault et Mitsubishi », laquelle subit quelques turbulences suite à la mise en détention de Carlos Ghosn, qui en était jusqu'à présent la clef de voûte.
Pas d'éléments pour demander le départ de Ghosn
Rappelant dimanche que le PDG de Renault, Carlos Ghosn, bénéficiait toujours de la présomption d'innocence, Bruno Le Maire a tenu à préciser que l'Etat – actionnaire du constructeur français – ne disposait pas d'éléments lui permettant de demander le départ de Carlos Ghosn de la présidence du groupe français Renault.
"La position de l'Etat est constante depuis le début", a-t-il ainsi souligné. Ajoutant que la présomption d'innocence constituait un principe qui n'était « pas négociable" dans une démocratie.
"Une gouvernance a été mise en place, elle fonctionne, si Carlos Ghosn devait être durablement empêché, nous en tirerions des conséquences, mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui", a par ailleurs poursuivi Bruno Le Maire.
Rappelons à cet égard qu'en novembre dernier, suite à l'arrestation de Carlos Ghosn, le conseil d'administration de Renault a confié à titre provisoire la direction exécutive au numéro deux du groupe Thierry Bolloré. Ce dernier dispose depuis des mêmes pouvoirs que ceux dévolus à Carlos Ghosn.
Deux nouvelles inculpations ?
Selon les médias japonais, Carlos Ghosn pourrait faire l'objet de deux nouvelles inculpations vendredi : l'une pour abus de confiance, l'autre pour avoir minoré ses revenus dans des rapports boursiers de Nissan entre 2015 et 2018. Rappelons que le 10 décembre dernier, il a déjà été mis en examen pour les cinq années précédentes.
Entre les longues périodes de garde à vue autorisées par la législation japonaise, et la détention provisoire de deux mois pouvant être renouvelée par période d'un mois, le dirigeant pourrait au final demeurer rester en détention jusqu'à son procès, prévu dans plusieurs mois.
Elisabeth Studer avec AFP