Les PDG de General Motors et de Fiat Chrysler Automobiles ont reçu l'ordre d'un juge fédéral de se rencontrer en personne avant le 1er juillet pour tenter de résoudre l'affaire de « racket » supposé de GM à l'encontre de FCA.
Manley et Barra condamnés à se parler par la justice US
Le juge US de district Paul Borman s'est voulu on ne peut plus explicite. Il souhaite que les protagonistes aient des entretiens « directs » et non par le biais de comités qu'ils pourraient mettre en place.
Les réponses de Mary Barra, DG de GM et de Mike Manley DG de FCA doivent être envoyées avant le 1er juillet midi, a-t-il encore précisé.
Un accord pour éviter un procès énergivore
Sans accord, le litige est susceptible de multiplier les contentieux et de durer des années, le tout nécessitant des auditions et des dépositions des constructeurs, du syndicat UAW et d'experts tiers, a déclaré le juge US de district Paul Borman. Tentant ainsi d'éviter une longue, coûteuse et fastidieuse procédure ...
Le procès, dans le cadre duquel GM accuserait FCA de corrompre les dirigeants des UAW pour obtenir un avantage injuste en termes de coûts de main-d'œuvre, créera une diversion pour les entreprises et une "perte de temps et de ressources pour les années à venir", a estimé Borman.
Selon lui, ces aspects juridiques nécessiteront non seulement l'attention des principaux dirigeants de GM et de FCA, les détournant de leurs tâches quotidiennes - problèmes de production de véhicules, de ventes, de sécurité des salariés, de déploiements, de problèmes de fournisseurs - mais les empêchant également d'offrir leur vision et leur leadership sur les questions de justice sociale et de santé les plus urgentes de ce pays.
GM a intenté un procès en racket contre FCA
En novembre 2019, General Motors (GM) a intenté un procès en racket contre Fiat Chrysler (FCA), l’accusant d’avoir conspiré avec l’UAW, le très puissant syndicat américain de l’automobile. GM accuse FCA d’avoir corrompu le syndicat dans le cadre des négociations concernant les conventions collectives afin d’obtenir des avantages financiers sur les niveaux de salaires et les conditions de travail. GM estime le préjudice en milliards de dollars.
Selon la plainte, l‘UAW aurait ainsi autorisé FCA à embaucher une main-d’œuvre plus flexible, comprenant un plus grand nombre de travailleurs temporaires et de sous-traitants alors que GM n’y a pas été autorisé. De quoi réduire notablement les charges salariales de FCA et plomber celles de GM. L’obligeant à appeler un partenaire à la rescousse.
GM allègue ainsi que Fiat Chrysler lui a infligé des milliards de dollars de pertes en soudoyant l’UAW en vue d’obtenir des avantages concurrentiels que le syndicat a au contraire refusé à General Motors.
Les versements illicites de Fiat Chrysler auraient débuté en 2009, période à laquelle les deux constructeurs avaient été sauvés de la faillite par le gouvernement US, jusqu’en 2015, date à laquelle Marchionne aurait conspiré avec l’UAW pour tenter une prise de contrôle de GM.
La plainte de GM viciée selon FCA
Dans un document déposé en janvier 2020 auprès du tribunal de district de Detroit, FCA affirme pour sa défense que la plainte de GM est « viciée ». Exposant plusieurs motifs pour justifier sa position.
FCA relève tout d’abord que la plainte a été déposée après un délai de prescription de quatre ans. Le constructeur estime par ailleurs que GM n’est pas une victime directe des malversations présumées de dirigeants de FCA ou de représentants de l’UAW en lien avec les contrats de travail.
GM affirme disposer d'un solide dossier
GM dispose d'un dossier très solide et dit attendre avec intérêt un dialogue constructif avec FCA conformément à l'ordonnance du tribunal, a déclaré mardi le constructeur dans un communiqué.
FCA n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet dans l'immédiat. Le constructeur a toujours vigoureusement nié ces allégations, y compris l'accusation de GM selon laquelle Sergio Marchionne, PDG de FCA jusqu'à sa mort en 2018, voulait affaiblir son rival pour le forcer à fusionner avec lui.
Detroit et les USA ont besoin de sérénité affirme le juge
Si nécessaire, Borman a déclaré qu'il était prêt à se prononcer sur e sujet, ajoutant toutefois que le monde avait « radicalement changé » depuis que l'affaire avait été déposée le 20 novembre 2019. « La ville, l'État et ce pays ont besoin de panser leurs plaies", a-t-il déclaré.
Borman a par ailleurs tenu à rappeler les renflouements que GM et Chrysler avaient reçus du gouvernement pendant la Grande Récession.
« Aujourd'hui, notre pays a besoin et mérite que ces grandes entreprises désormais saines nous remboursent en se concentrant également sur le sauvetage de ce pays et de ses citoyens des fléaux du COVID-19, du racisme et de l'injustice tout en construisant les meilleurs véhicules motorisés du monde.
Notre avis, par leblogauto.com
Rapppelons qu'en janvier dernier, FCA avait demandé à la justice US de rejeter sa plainte. Une telle requête était prévisible de la part du constructeur alors qu’il a rejeté les accusations de GM, déclarant y voir une manoeuvre destinée à déstabiliser le projet de fusion entre FCA et PSA.
En novembre dernier, Craig Gidden, avocat de GM, avait quant à lui affirmé que cette plainte n’avait rien à voir avec ce projet de fusion.
Il est toutefois permis de douter …
L’enjeu est de taille : les accusations, si elles étaient avérées, terniraient l’héritage de Sergio Marchionne, dirigeant crédité d’avoir sauvé Fiat, puis Chrysler pendant 14 ans …. et également la fortune de la famille Agnelli. Il est également à craindre que ces allégations ne viennent compliquer le projet de fusion de Fiat Chrysler avec PSA, laquelle donnerait naissance au quatrième constructeur automobile mondial.
Le constructeur américain pourrait réclamer au moins 6 milliards de dollars de dommages-intérêts. Compte tenu des poursuites engagées en vertu de la loi fédérale RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act), ce montant pourrait même atteindre 15 milliards de dollars selon les analystes de JPMorgan Chase.
Le RICO comporte en effet des dispositions qui permettent aux citoyens d’intenter des actions en dommages-intérêts relativement aux dommages causés à leur entreprise ou à leurs biens. Ces dispositions leur donnent droit à une indemnité correspondant au triple des dommages subis, en plus des frais de justice.
Sources : Automotive News, GM, Reuters