Initialement le développement d'un prototype en vue d'un engagement en groupe B relève d'une initiative privée, menée par une société basée à Vilnius en Lituanie, et nommée VFTS (Fabrique de Moyens de Transports de Vilnius). A la tête de celle-ci, on trouve un certain Stasys Brundza. Le pilote lituanien s'est fait connaître depuis le début des années 70 en remportant à plusieurs reprises le championnat des rallyes de Russie en 1971, de 1974 à 1976 ou encore en 1978. VFTS avait déjà, en 1982, oeuvré sur la Lada 2105 et l'avait d'ailleurs homologuée en groupe B avec un moteur développant entre 160 et 180 chevaux. Bien pensée, dotée d'une mécanique accessible et peu onéreuse, celle-ci avait alors permis à bon nombre de pilotes du bloc soviétique de remporter plusieurs championnats locaux. Et sur la scène internationale, à défaut de succès, la "Jigouli" profite de sa solidité pour obtenir de jolis résultats comme par exemple à l'Acropole en 1983 (12ème au général et 4ème en catégorie B10 derrière trois Citroën Visa Chrono).
Aller taquiner la Lancia Delta S4 ou encore la Peugeot 205 Turbo 16
En 1984, Brundza souhaite faire mieux et développer une auto à même de se mêler à la lutte entre les meilleures autos du groupe B. Pour ce faire, il va se baser sur la VAZ 2018, dont la production commence à la fin de l'année (appelée Samara dans nos contrées). Se baser est un bien grand mot, puisque le prototype ne conservera de la Samara de série que ses optiques avant et arrière, ses portières et son pare-brise. Pour le reste, Brundza et ses équipes partent de zéro. La carrosserie, réalisée en matériaux composites, fait l'objet de recherches poussées en soufflerie comme en témoignent les "tunnels" sur le carénage avant, qui démarrent sur le spoiler et se terminent sur les ailes (ainsi qu'à l'arrière avec les ouvertures derrière les portières débouchant au-dessous des vitres), participant à l'efficacité aérodynamique. A l'arrière, ce n'est pas un mais deux ailerons qui prennent place sur le hayon, eux aussi testés et validés en soufflerie. Petite coquetterie : pour la partie avant, le prototype dispose de deux types de coques : une première, obturée pour les épreuves de jour, et une autre dotée de quatre énormes antibrouillards pour les spéciales nocturnes ou disputées dans des conditions difficiles.
Les deux capots (avant et arrière) s'ouvrent de façon à améliorer au maximum l'accessibilité à la mécanique. Le châssis est tubulaire, et certains éléments à l'avant (suspension, direction ou encore radiateurs) sont montés sur un châssis séparé de façon à pouvoir être démontés séparément du reste de l'auto. Côté moteur, VFTS part du 1 600 centimètres-cubes de la Lada 2106 et le revoit entièrement. La cylindrée est portée à 1 806 cm3, la culasse est désormais à 16 soupapes, une injection Lucas est montée et un turbocompresseur est installé. Installé en position longitudinale centrale arrière pour une meilleure répartition des masses, le bloc développe 300 chevaux pour un poids inférieur à 1 tonne (chiffre exact indisponible). La cavalerie est transmise aux roues arrières et la vitesse maximum s'établit aux alentours des 200 km/h.
Tentative avortée...
D'une conception évoluée, l'EVA (pour Experimental Vilnius Autoplant) telle que l'on la surnommera plus tard est suffisamment au point pour que les autorités soviétiques consentent à financer le projet, et notamment la construction des 200 exemplaires de route nécessaires à l'homologation en groupe B. Malheureusement, l'interdiction dudit groupe durant la saison 1986 douche les espoirs d'engager la Lada en compétition. Il reste encore le groupe S (annulé, puis amendé), et les baltes planchent alors sur une évolution de l'EVA, baptisée S-Turbo et dont la puissance est portée à 350 chevaux. Cette dernière bénéficie également d'une transmission intégrale débrayable, permettant de passer en configuration propulsion pour les épreuves disputées sur asphalte. Las, le groupe S est à son tour mis au placard en fin d'année 1986.
La Lada EVA/S-Turbo aura toutefois l'occasion d'être aperçue en rallye, notamment en tant que voiture ouvreuse lors de l'édition 1987 des 1000 Lacs, aux mains de son créateur Stasys Brundza. Il semble aussi qu'elle ait pris part à quelques courses de côte, mais difficile de retrouver des clichés ou des informations d'époque le prouvant. Nul ne sait exactement combien d'exemplaires ont été construits, mais deux en tous les cas sont toujours en vie et font partie de la collection personnelle de Stasys Brundza : un modèle avec le capot pour épreuves de jour (donc sans antibrouillards) repeint en jaune et un autre modèle blanc. In fine, c'est au Paris-Dakar que la Samara connaîtra la célébrité en compétition avec la T3 développée par Oreca et la SERA sous l'impulsion de l'importateur Lada français, Jacques Poch.
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Illustrations : Lada / Avtovaz