Chantage à l'emploi au détriment de l'écologie et de notre planète ? Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, assure le contraire … et pourtant. S'exprimant vendredi dans le cadre d'un entretien accordé au Figaro, le dirigeant a estimé que l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants ouvrant droits à des avantages fiscaux menaçait ni plus ni moins la "viabilité" de la bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône).
La suppression de l'avantage fiscal remettrait en cause le site de La Mède
Patrick Pouyanne estime en effet que la suppression de l'avantage fiscal dont pouvaient bénéficier les biocarburants à base d'huile de palme - votée mi-décembre par les députés – remettait « potentiellement en cause la viabilité de l'unité, la rentabilité globale du site et le maintien d'emplois".
"Je ne fais pas de chantage à l'emploi. Mais soyons clairs : ce n'est pas parce que Total est riche qu'il a vocation à faire tourner des usines à perte", a-t-il martelé.
Il est vrai qu'en restant factuel, cette nouvelle mesure remet en cause tout le business model sur lequel se base le calcul de rentabilité de l'exploitation du site. Difficile de maintenir les objectifs financiers alors que les règles du « jeu » - structurantes – changent au cours de la partie. Ceci dit sans tenir compte des aspects écologiques du dossier.
Reste qu'en bon gestionnaire, Total aura tenu compte de ce risque financier pour évaluer la pertinence de l'opération de reconversion de l'usine de La Mède … Et il pourrait au final effectivement s'agir d'un chantage pour faire pression sur le gouvernement pour obtenir une révision du texte.
Total plaide en faveur d'un assouplissement des règles
Un scénario mis en avant d'une manière à peine voilée, le PDG de Total déclarant espérer que les parlementaires reviennent « à une position plus raisonnable" d'ici la fin de l'année.
Précisons que lors de l'adoption du projet de budget 2019, les députés ont réintroduit l'exclusion des biocarburants à l'huile de palme de la possibilité d'octroi d'un avantage fiscal. Position qu'ils avaient déjà adoptée en première lecture du texte - contre l'avis du gouvernement - mais rejetée par la suite par le Sénat.
Si Patrick Pouyanné est d'accord pour bannir « l'huile de palme non durable », il milite en faveur de « l'huile de palme certifiée responsable qui respecte la biodiversité ».
En terme clair, alors que Sénat et gouvernement plaident d'ores et déjà en faveur du maintien de l'huile de palme dans la liste des biocarburants éligibles à l'avantage fiscal, ne reste qu'à persuader les députés. Lesquels pourraient se montrer moins inflexibles dans le cas d'une huile de palme certifiée responsable, nouvelle catégorie que Patrick Pouyanne souhaite voir créer. L'opération permettant à chacun de garder la face et de justifier l'exception qui serait alors accordée à Total.
La Mède convertie en bioraffinerie
Rappelons que Total a reconverti sa raffinerie de La Mède en bioraffinerie en vue d'y produire un biocarburant issu en partie d'huile de palme. Le hic : des associations environnementales accusent ce type de carburant de favoriser la déforestation.
Selon Total, la bioraffinerie pourra traiter 650.000 tonnes par an et devrait s'approvisionner en huile de palme "durable et certifiée" à hauteur de 300.000 tonnes au maximum.
Sources : AFP, Le Figaro