Julie Hamp est sortie libre hier de la garde à vue où elle avait été placée par les autorités japonaises le 18 juin dernier, soupçonnée de détention de stupéfiants. Nommé directrice de la communication de Toyota en avril, elle a démissionné la semaine dernière et est rentrée aux Etats-Unis, refermant une parenthèse aussi bizarre que désastreuse pour le constructeur japonais.
Julie Hamp, 55 ans, est une spécialiste reconnue de la com' et avait été promue directrice de la communication de la marque au siège de Nagoya après trois ans à ce poste dans la filiale américaine du constructeur, une nomination présentée comme Toyota et en particulier par Akio Toyoda lui-même comme une étape importante dans l'ouverture de l'état-major de l'entreprise à la diversité et la globalisation.
Las, après quelques mois à prendre ses repères, et en pleine phase d'installation dans sa nouvelle vie japonaise, Madame Hamp était arrêtée le 19 juin à son hôtel à Tokyo après l'interception par la douane d'un paquet lui étant adressé et contenant cinquante sept pilules d'Oxycodone, un analgésique très puissant mais prescrit contre la douleur très régulièrement aux Etats-Unis. Disponible également au Japon, ce médicament est classé au tableau des stupéfiants, son usage très encadré et son importation interdite.
L'affaire fit immédiatement grand bruit et Toyota fut obligé d'organiser une conférence de presse en catastrophe, vu le haut rang de Julie Hamp dans l'organigramme. Diffusée en direct sur les grandes chaînes, la conférence de presse voyait Akio Toyoda prendre la défense de sa protégée, estimant qu'elle n'avait pas eu l'intention d'enfreindre la loi, mais s'excuser platement tout de même comme c'est l'usage au Japon. Responsable ou pas, du désordre a été causé, associé au nom de Toyota, il fallait en demander pardon.
Dans les jours qui suivirent, les médias locaux prirent un malin plaisir à couvrir l'affaire en direct, alimentés par des fuites en sous-main de la police qui n'a rien fait pour garder les choses discrètes, se payant même le luxe d'une descente au siège de Toyota pour embarquer des ordinateurs. Il est apparu au cours du temps que Madame Hamp savait que l'importation était interdite, mais avait demandé à son père de lui envoyer le médicament pour soulager une douleur récurrente au genou. Après deux semaines en détention provisoire, sur les trois maximum autorisées par la loi japonaise avant qu'une mise en examen ne doive être prononcée ou pas, Julie Hamp rendait publique sa démission de Toyota, ce qui apparaît aux juristes interrogés dans les médias comme part d'un deal passé avec les autorités via une intervention discrète de l'Ambassadrice américaine à Tokyo Caroline Kennedy.
A l'issue des 20 jours de détention provisoire, le procureur en charge du dossier a décidé de laisser partir libre Julie Hamp, estimant que si elle a bien enfreint la loi elle n'avait pas d'intention malveillante et que sa démission constitue une punition suffisante. Madame Hamp a immédiatement pris un avion pour rentrer aux USA.
Cette étonnante saga constitue un revers important pour Toyota et pour les sociétés japonaises en général. Les spécialistes estiment qu'elle est vue dans les milieux d'affaires japonais comme une parfaite illustration du risque d'embaucher quelqu'un hors du sérail, et que les plans de ce type sont désormais mis en veilleuse jusqu'à nouvel ordre. En terme de communication, c'est très clair : la même mésaventure survenue à un cadre dirigeant japonais n'aurait sans doute pas eu autant d'attrait pour les médias locaux.
Il faut cependant reconnaître à Akio Toyoda un certain courage : une fois la décision du procureur de libérer Julie Hamp, Toyota a sorti un communiqué de presse réitérant l'intention de l'entreprise d'installer aux positions stratégiques "les meilleurs candidats possibles, sans distinction de genre ou d'origine". En attendant, le nouveau directeur de la communication est un Toyotiste pur jus, entré dans l'entreprise en 1977.
Source : Wall Street Journal, Asahi Shimbun et divers
Crédit photo : Toyota