Les constructeurs allemands directement frappés par de nouvelles menaces de Trump à leur encontre, ce dernier laissant entendre que leurs modèles premium pourraient être bannis des rues américaines.
Selon le magazine allemand Wirtschaftswoche, le président américain Trump aurait déclaré au président français Emmanuel Macron qu'il bloquerait l'accès au marché américain aux constructeurs automobiles de luxe allemands.
Se basant sur les propos de plusieurs diplomates européens et américains sans toutefois les nommer, le journal a indiqué qu'en avril dernier, lors de la visite du président français aux Etats-Unis, Trump avait déclaré à Emmanuel Macron qu'il ne dévierait pas de sa politique commerciale actuelle dans le but « d'empêcher les modèles Mercedes de dévaler la Cinquième Avenue à New York ».
Les services de l'Elysée ont refusé de commenter l'information tandis qu'un porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis à Berlin a demandé des explications à Washington.
Durant le mois de mai, l'administration Trump a ouvert une enquête commerciale en vue de déterminer si les importations de véhicules étrangers avaient nui à l'industrie automobile américaine. Si des conclusions allant dans ce sens étaient formulées, des taxes prohibitives de l'ordre de 25 % pourraient être mises en place sous couvert de protection de la «sécurité nationale» des Etats-Unis, se calquant ainsi sur les nouveaux droits de douane imposés par les USA sur l'acier et l'aluminium en mars dernier.
Si un tel tarif était imposé, il remettrait en cause la rentabilité de telles opérations pour les constructeurs allemands, en alourdissant leurs charges de 4,5 milliards d'euros, si l'on en croit les analystes d'Evercore ISI.
Les constructeurs allemands en quasi monopole sur le premium aux USA
Il est vrai que Donald Trump a de quoi s'inquiéter. Les groupes automobiles allemands contrôlent 90% du marché haut de gamme aux États-Unis, via BMW - détenant les marques Rolls-Royce, Mini et BMW - Daimler – détenant la marque Mercedes - et le groupe Volkswagen détenant les marques premium Bentley, Bugatti, Porsche et Audi. Au sein de l'Union européenne, l'Allemagne est le plus grand exportateur de véhicules vers les États-Unis.
Audi et Porsche particulièrement vulnérables
Si Trump mettait ses menaces à exécution, les marques Audi et Porsche pourraient s'avérer particulièrement vulnérables, ne disposant pas d'usines aux États-Unis. Mercedes et BMW y détiennent au contraire des sites qui pourraient leur permettre d'accroître leur capacité de production locale si leurs importations devaient être réduites.
Daimler, BMW et Audi ont refusé de commenter l'information tandis que Porsche s'est dit indisponible pour s'exprimer sur le sujet pour le moment.
Les échanges commerciaux automobiles nettement en faveur de l'UE
Selon l'association ACEA basée à Bruxelles, en 2017, l'Union européenne a exporté des voitures vers les États-Unis pour une valeur de 37 milliards d'euros (43 milliards de dollars), les importations vers l'UE en provenance des États-Unis atteignant parallèlement quant à elles 6,2 milliards d'euros.
VDA, l'association allemande de l'industrie automobile, affirme pour sa part que ses membres ont exporté 657 000 véhicules en Amérique du Nord l'année dernière. Le montant global des exportations de véhicules neufs, composants automobiles, moteurs et véhicules d'occasion s'est établi à 31,2 milliards d'euros en 2016. Parallèlement, les importations allemandes du secteur automobile en provenance des Etats-Unis se chiffraient à 7,4 milliards d'euros. Aboutissant ainsi au final à un déficit commercial de 23,8 milliards d'euros, selon les derniers chiffres disponibles du VDA.
A noter enfin qu'en 2017, les constructeurs automobiles allemands ont produit 804 000 voitures dans leurs usines US.
Trump déjà opposé aux constructeurs allemands
Trump s'est d'ores et déjà opposé aux constructeurs automobiles allemands auparavant. Au début de l'année 2017, s'exprimant dans le cadre d'un entretien avec le journal allemand Bild, il avait ainsi déclaré qu'il imposerait des tarifs douaniers de 35 % sur les voitures importées.
Qualifiant alors l'Allemagne de grand constructeur automobile, il avait toutefois ajouté que la relation d'affaires entre Berlin et Washington était une voie à sens unique et, de ce fait, déloyale.
L'Allemagne remontée contre Trump
Berlin a réagi avec colère à l'annonce d'une enquête américaine sur les importations de véhicules. Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a ainsi déclaré à la presse qu'il n'y avait aucun signe de désescalade et que la réponse de l'UE face à la mise en place de tous ces nouveaux tarifs devait être "claire, forte et intelligente".
Le président de la BDI (Bundesverband der Deutschen Industrie pour fédération allemande des industries), Dieter Kempf, a appelé jeudi à la prudence dans les tensions commerciales grandissantes entre l'UE et les Etats-Unis.
Il a ainsi mis en garde sur les ondes de Deutschlandfunk contre une éventuelle riposte du locataire de la Maison Blanche dans le cas où l'UE imposerait des contre-mesures.
Reste que Donald Trump pourrait par ce biais tester la solidarité franco-allemande … les ventes des constructeurs français aux États-Unis étant relativement faibles, alors que les constructeurs automobiles allemands y génèrent jusqu'à 30% de leurs ventes mondiales. Alors quand on sait que le sujet a justement été effleuré lors de la visite d'Emmanuel Macron … on peut de plus en plus douter que Donald Trump soit aussi fougueux et imprévisible que cela … plutôt rusé le renard ...
Sources : Automotive News, Reuters, Wirtschaftswoche
Crédit Illustration : Leblogauto.com (E.Studer)