Au terme d'un débat nourri, les députés ont adopté à main levée l'article du projet de loi mobilités qui prévoit de permettre aux présidents de conseils départementaux de déroger à la limitation. Ils ont élargi la compétence aux maires, via un amendement LREM.
L'abaissement de la vitesse de 90 à 80 km/h, concernant environ 400.000 kilomètres de routes, avait été décidée par le Premier ministre Edouard Philippe et appliquée au 1er juillet 2018. Il s'agissait de sauver "300 à 400 vies par an" après une recrudescence de la mortalité routière entre 2014 et 2016, suivie d'une baisse en 2017.
Mais devant le tollé soulevé chez des automobilistes, motards et élus, le chef du gouvernement a fait machine arrière mi-mai, ouvrant la voie à un compromis lors de l'examen du projet de loi porté par Elisabeth Borne. Et ce, alors même que l'année 2018 s'était achevée sur un plus-bas historique, avec 3.259 morts sur les routes.
Pour Edouard Philippe, "si les présidents de conseils départementaux souhaitent prendre leurs responsabilités, je n'y vois aucun inconvénient". En fixant toutefois une condition: que ce pouvoir soit "systématiquement assorti de mesures" garantissant "le plus haut niveau de sécurité routière possible".
Les députés LREM ont d'abord choisi de réserver cette compétence aux présidents de département, par un premier vote en commission. Le Sénat, qui avait examiné le projet de loi auparavant, avait donné ce pouvoir également aux préfets.
Via un amendement LREM, la compétence a été élargie jeudi soir aux maires et les députés ont précisé que l'arrêté devra être pris "après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d'une étude d'accidentalité portant sur les sections de routes concernées".
Les élus d'opposition - LR en tête -, sont à nouveau montés au créneau contre les 80 km/h, une "connerie" et le "symbole d'une France à deux vitesses" qui a été le "détonateur des longues semaines de crise".
"Trompe-l'oeil"
Mobilisés en nombre, les LR ont reproché à l'assouplissement d'"oublier les routes nationales", sous autorité de l'Etat. Ils ont aussi relayé la demande des présidents de département de pouvoir solliciter l'avis du préfet, avant de prendre une décision.
Pour l'élu du Cantal Vincent Descoeur, le "pas de recul" du Premier ministre est ainsi un "trompe l'oeil", son collègue du Jura Jean-Marie Sermier jugeant "pas tolérable" que l'Etat ne prenne pas "ses responsabilités".
"Nous souhaitons faire confiance aux élus", leur a répondu la ministre des Transports Elisabeth Borne, mais pour les routes nationales, "les préfets ne dérogent pas aux décisions du Premier ministre".
"Il s'agit de sauver des vies", a-t-elle rappelé, notant qu'"au cours du deuxième semestre 2018, ce sont 127 vies qui ont été épargnées grâce à la décision sur les 80 km/h", des chiffres laissant dubitatif côté LR.
La ministre a eu l'appui de "marcheurs", Pascale Boyer racontant notamment avec émotion comment son fils a échappé à la mort il y deux jours après "quatre tonneaux" sur une route à 80 km/h. Sans cette vitesse réduite, "je ne serais pas dans l'hémicycle ce soir et je serais en train de pleurer mon fils", a-t-elle lancé.
La vitesse excessive est la première cause de mortalité sur les routes de France, selon la Sécurité routière.
"Il ne faut pas renvoyer la patate chaude aux maires", plaide le communiste Sébastien Jumel. D'autant qu'une incertitude juridique régnerait concernant la responsabilité pénale des élus en cas d'accident. Pour Jean-Paul Lecoq (PCF), cela ressemble "à un piège".
L'ancien "marcheur" François-Michel Lambert (Liberté et territoires) estime qu'"il ne faut pas toucher aux 80 km/h": "revenir en arrière, c'est la certitude d'avoir des morts".
Par AFP