Lors du dévoilement du plan quinquennal de Fiat, Sergio Marchionne a eu des mots durs pour Lancia: "Nous devons nous débarrasser de l'illusion que nous pouvons reconstruire Lancia. (...) Lancia ne sera plus jamais ce qu'elle était autrefois." Depuis le début de l'année, seules 38 476 Ypsilon ont trouvé preneurs et encore, c'est de très loin la meilleure vente de la marque. Marchionne est clair: Lancia est un boulet pour Fiat; il y fera le minimum syndical d'investissement.
Reviens, André Chardonnet, ils sont devenus fous!
En 1990, le fameux importateur perd l'imprimatur Lancia. Dans les 6 mois suivants, la marque vend 9 058 voitures. C'est mieux qu'Alfa Romeo, les Japonais (soumis à des quotas) ou Lada (malgré une Samara à son apogée.) Un score jugé alors "décevant" par Lancia France (mais réalisé avec une Y10 et une Delta ridées.)
Avec Chardonnet, Lancia dispose d'un réseau indépendant. La maison-mère décide de d'abord regrouper Fiat et Alfa. Puis, face à la chute des ventes, Alfa, Fiat et Lancia sont réunis.
Comme Volkswagen, Skoda et Seat? Oui, à ceci près que chaque marque possède son pré-carré historique (la Méditerranée pour Seat et l'Europe centrale pour Skoda.) Alfa, Fiat et Lancia sont trois jumeaux présents sur les mêmes segments (les citadines et les compactes), avec les mêmes gammes de prix et sur les mêmes marchés.
Vers 2000, Lancia est dans un cercle vicieux: ses modèles ne se vendent pas, donc les concessionnaires ne les mettent pas en vitrine, donc ils se vendent encore moins, etc.
En 2005, il touche le fond: 3 061 ventes annuelles dans l'hexagone, avec une gamme réduite de facto à la Musa et l'Ypsilon. La Lybra disparait sans descendance. Quant aux Thesis et Phedra, elles sont uniquement disponible sur commande!
Depuis, avec la Delta et l'Ypsilon, la marque remonte légèrement la pente. Il s'en est vendu respectivement 2 029 unités et 479 unités, en France, au premier semestre 2012.
Néanmoins, d'après Fiat, ce n'est pas suffisant pour songer à de nouveaux modèles. Exit la Fulvia, maintes fois évoquées, puis reportées.
A terme, l'Ypsilon sera la seule "vraie" Lancia.
Le bon élève de Fiat, c'est Chrysler. Lui aussi, il a frôlé le naufrage. Mais il connait actuellement une renaissance: 126 185 ventes aux Etats-Unis, sur le seul mois d'octobre (+10,2%.)
C'est d'ailleurs Chrysler qui permet à Fiat d'éviter la noyade.
Depuis 2009, Chrysler et Lancia sont fiancés. L'avenir du constructeur italien passera par le rebadgage de voitures américaines. Après le Voyager, la 300/Thema et la 200/Flavia, on attend une 100/Delta.
Les ventes seront confidentielles, voir quasiment limitées au seul marché italien. Néanmoins, vu que Fiat y investira peu, il devrait atteindre l'équilibre financier.
Un constructeur européen, avec un passé prestigieux, qui vit sous le dictat d'un grand frère US. Ca ne vous rappelle rien?
Les Chrysler sont bien sures conçues pour la clientèle US.
Pour la Thema et le Voyager, il n'y avait pas eu de réels efforts d'adaptation pour l'Europe (notamment en terme de finition et de trains roulants.) Mettre du Poltrona Frau partout ne suffit pas!
A l'époque, l'excuse de Fiat est d'avoir voulu travailler vite, car Lancia avait urgemment besoin de modèles. Néanmoins, Marchionne est assez limpide: il n'y aura pas davantage d'effort à l'avenir.
Il existe un vrai risque de "saabisation": une marque premium avec des dessous "roturiers" et sans réelle valeur ajoutée. Avec Saab, la clientèle n'avait plus envie de surpayer des Opel. Avec Lancia, elle risque de bouder ces voitures américaines qui ne disent pas leur nom.
Lancia a été le pionnier de la carrosserie monocoque, du coupé-cabriolet, des moteurs à cylindres en "V", de la traction avant, de la transmission intégrale... Sans oublier cette classe à l'italienne, le "granturismo". En le réduisant à des Chrysler rebadgées, on assèche sa valeur.
Et on sait comment ça s'est terminé pour la marque suédoise...
Source:
Automobilwoche
Crédits photos: Lancia (sauf photo 5, GM.)
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